Le chat du rabbin, vol. 7: La Tour de Bab-El-Oued

Chat_du_Rabbin-v7-cov“Ce nouvel épisode nous ramène à Alger. Le rabbin Sfar et son cousin l’imam Sfar devisent sur leurs différences qu’ils pensent inconciliables. Pourtant, lorsque la mosquée est inondée, le rabbin et l’imam s’entendent pour que les musulmans puissent, le temps des travaux, prier à la synagogue. Pendant ce temps, le chat du rabbin traverse des moments difficiles: non seulement Zlabya a mis au monde un adorable bébé, ce qui le plonge dans une profonde jalousie, mais, pour ne rien arranger, des chatons se sont réfugiés dans la synagogue… Comment de petits chats étrangers peuvent-ils avoir l’audace de boire son lait ?”

[ Texte du site de l’éditeur — voir aussi la couverture arrière ]

ATTENTION: Peut contenir des traces de “divulgâcheur” [spoilers]! Les personnes allergiques à toutes discussions d’une intrigue avant d’en avoir eux-même pris connaissance sont vivement conseillées de prendre les précautions nécessaires pour leur sécurité et devraient éviter de lire plus loin.

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Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir ce volume dans une boîte de nouveautés à la bibliothèque! Je croyais que les (més-)aventures du chat du rabbin avaient pris fin avec le volume six! Et il nous revient avec un album substantiel de quatre-vingt-huit pages (presque le double du format franco-belge traditionnel de quarante-six pages!). Nous sommes vraiment gâté.

Le chat du rabbin Sfar est non seulement philosophe mais il parle, ce qui embête bien les gens. Et il pose trop de questions. Sur la religion, surtout. Des questions comme “Ça veut dire quoi d’être juif?” Dans ce cas-ci il devient un peu jaloux. La fille du rabbin qui prenait (bien) soin de lui est maintenant mariée et a un enfant. Il se sent délaissé. Le comble, c’est quand deux chatons de la mosquée inondée viennent se réfugier chez lui et, comme ils sont trop mignons, le détrônent.

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Page 5 (planche 1)

Sfar (l’artiste pas le rabbin), par la bouche de son chat, fait certainement allusion ici à l’attitude de certains Européens face aux réfugiés: C’est bien d’aider les réfugiés, mais pas chez nous! “Le côté j’ouvre mon coeur, on est tous frères, ça porte un nom: de la lâcheté. / Au bout d’un moment, il faut que quelqu’un ait le courage de prendre des décisions difficiles. / Le seul truc utile, dans vos religions, le seul, c’est que parfois ça autorise à dire au voisin « casse-toi, ici, c’est pas chez toi. »” Faute de réussir à faire expulser les chatons, le chat quitte encore une fois la maison à la recherche d’un peu de sollicitude.

Le chat va rejoindre le rabbin à la recherche d’une oreille sympathisante mais ce dernier est plutôt de nature conciliante alors que le chat, lui, se fait (comme d’habitude) l’avocat du diable (ou le shaïtan !). Lorsque la mosquée est inondée, le rabbin propose à son cousin, l’imam Sfar, que tout le monde prie ensemble dans sa synagogue. Mais leurs communautés respectives, appuyé par la vieille génération: le rabbin du rabbin et l’imam de l’imam, s’y opposent vivement! “Si dieu avait souhaité qu’on soit amis, il l’aurait écrit précisément. (…) Chacun chez soi et cultivons nos différences” Et quand c’est au tour de la synagogue d’être inondée (allégorie du déluge), pourquoi ne pas aller prier à l’église… et, bien sûr, ça tourne mal là aussi! Ici, Sfar fait allusion aux querelles incessantes qui secouent le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) — mais qui ne se sont radicalisées vraiment que depuis quelques décennies…

C’est le Malka au lion qui propose une solution. Jadis, tout les peuples chantaient ensemble d’une même voix mais cette harmonie a été oublié et les peuples se sont perdus en disputes stériles (allégorie de Babel — d’où le titre de l’album!). Il faut leur réapprendre. Il y a un artefact ancien qui pourrait ramener la paix. Il s’agit de la pomme d’Adam, celle qui lui est resté coincé dans la gorge quand il y a goûté. “Il faut cracher le morceau. Ou l’avaler. (…) Il faut redécouvrir dans quoi Adam a mordu.” Le chat et le Malka partent en quête de cette relique sacrée. Est-ce un rameau, un fruit, une coupe? À la fin tout le monde se retrouve sur la tombe du rabbin du rabbin du rabbin qui leur apparait mais ne révèle rien. C’est le chat, qui lui fait avouer ce qu’est l’artefact, où le trouver et comment l’utiliser. Mais est-ce bien utile de savoir tout cela? Qui croirait un chat? Il est toutefois déterminé à sauver le monde… un jour… dans une autre histoire, peut-être?

Si le style un peu brouillon et criard de Sfar peut en décourager plusieurs (moi, je préfère la subtilité de la ligne claire ou la pureté du noir et blanc), son superbe récit — ponctué par la quasi-constance des planches à six cases et les affres philosophiques du chat — nous fait rire et réfléchir. On se moque de l’absurdité et de l’hypocrisie religieuse qui divise les Hommes. Avec humour, il nous offre un discours rassembleur. Ce serait tellement plus simple de voir au-delà des différences et de tous aller prendre un café ensemble. J’adore! C’est donc à la fois léger, profond et même rafraîchissant (même si il n’y a rien de bien neuf dans ce discours, il demeure plus que jamais d’actualité).

J’avais bien aimé les premiers volumes, mais je trouvais que le chat perdait un peu de sa verve au fur et à mesure que la série progressait. Le retour du chat au volume six, après un long hiatus, avait même été plutôt décevant. Avec ce volume-ci, il revient en force. C’est aussi bon, sinon meilleur, que les premiers volumes. À moins que, comme je les ai lu en rafale et que quelques années se sont écoulées depuis, le chat me manquait et que le simple fait de le retrouver me fait l’apprécier encore plus?

Hélas, Sfar nous apprenait récemment dans une publication Facebook que l’inspiration derrière le chat du rabbin, son chat Imhotep, est mort. Toutes nos sincères condoléances. Toutefois, il continuera à le dessiner (et ,cette fois-ci, il nous prévient): le chat du rabbin reviendra dans “petit panier aux amandes”! Un huitième volume! Mais c’est trop! L’attente aura raison de moi! Et ce n’est pas tout: après une charmante adaptation en dessins animées, le chat du rabbin nous reviendrait plus tard cette année en un long métrage racontant le troisième tome (l’Exode du rabbin à Paris), avec Christian Clavier dans le rôle du rabbin!

Vous l’aurez compris: malgré ses défauts, c’est une très bonne lecture. À lire absolument.

Le chat du rabbin, vol. 7: La Tour de Bab-El-Oued par Joann Sfar. Paris: Dargaud, novembre 2017. 88 pages. 22.5 x 29.8 cm, 14,99 € / $19.99 Can, ISBN 9782205075885. Pour lectorat adolescent (12 ans et plus). stars-3-5

Vous trouverez plus d’information sur les sites suivants:

[ AmazonBiblioGoodreadsGoogleWikipediaWorldCat ]

Voir aussi mes commentaires sur les volumes précédents:

chat-rabbin-tome-1-bar-mitsva  chat-rabbin-2-malka-lions  chat-rabbin-3-exode  chat-rabbin-4-paradis-terrestre  chat-rabbin-5-jerusalem-d-afrique  chat_du_rabbin_6-cov

Vous pouvez également lire mon commentaire sur Le chat du rabbin — le film.

Le Chat du Rabbin © 2017 Dargaud.

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2 thoughts on “Le chat du rabbin, vol. 7: La Tour de Bab-El-Oued

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