Les Julio-Claudiens (2)
Tiberius (14-37)
Je n’ai pas de pièce de Tiberius proprement dite mais j’ai une pièce grecque impériale que je crois avoir été frappée sous son règne… (Quoique, après vérification, je n’en suis plus si sûr. C’est le problème avec l’identification des pièces anciennes: parfois on ne pourra jamais obtenir une identification et une datation avec certitude. Je vous parle tout de même de Tiberius…)
Tiberius Claudius Nero est né le 16 novembre 42 AEC au sein d’une vieille famille patricienne (la gens Claudia). Il porte le même nom que son père (qui a été questeur et pontif sous César, ainsi que préteur sous le triumvirat) mais sa mère, Livia Drusilla, se remarie peu de temps après sa naissance (en 39 AEC) avec l’empereur Auguste. Il poursuit une carrière militaire selon le cursus honorum (tribun en 25, questeur en 23, préteur en 16, consul en 13, tribun de la plèbe en 6 AEC) et est adopté par Auguste en 4 EC. Lorsque ce dernier meurt, le 19 août 14 EC, il lui succède, à la demande du sénat et après quelques hésitations, le 18 septembre de la même année. Son règne est plutôt paisible: il maintient les frontières et fait une bonne gestion de l’empire. Toutefois, il est considéré par ses contemporains comme un tyran, probablement à cause de tout les complots qui l’ont entouré et parce que durant ses dernières années de règne (31 à 37), possiblement souffrant de paranoïa, il s’est renfermé dans sa villa de Capri. Il meurt vraisemblablement de maladie le 16 mars 37 et, après que ses deux successeurs désignés (son neveu Germanicus et son fils Drusus II) soient mort dans des circonstances douteuses, il doit se rabattre sur le fils de Germanicus comme successeur, Caius Julius Cæsar Germanicus surnommé Caligula.
La pièce que je vous présente cette semaine est une monnaie romaine provinciale, qu’on appelle généralement grecques impériales. Comme je l’ai déjà expliqué dans le cas de ma magnifique pièce de Quadratus, les pièces grecques impériales se divisent en deux types. Il peut s’agir d’une monnaie frappée dans une province ou une colonie romaine mais qui conserve la dénomination impériale, la titulature et le portrait de l’empereur. Elles peuvent également être des pièces municipales (dites “quasi-autonome”), frappées par des cités grecques qui ont obtenu une permission spéciale de l’empereur. Ces dernières sont généralement en bronze et conservent des attributs locaux: dénominations locales (comme chalques ou oboles), inscriptions en grecs et, à la place de l’empereur, les avers représentent des divinités grecques (tels Zeus, Artemis ou Apollon) et les types de revers offrent une plus grande variété de sujets. Elles ont été émise en grande quantité à partir du premier siècle et pendant une partie considérable du deuxième siècle. Certaines des pièces les plus anciennes sont datées selon l’ère actienne, mais la plupart portent des dates de l’ère césarienne (WROTH, p. lix).
Ma pièce appartient au second groupe et est une petite dénomination en bronze (AE15) dans un assez bon état (VG/G [very good/good], Ae [bronze], 15 mm, 3.199 g, payé environ $5 le 1985/01/06, caractérisé par un dépôt verdâtre; die-axis: ↑↑). L’avers représente une tête laurée d’Apollon, à gauche, avec une inscription qui est illisible. Le revers illustre une lyre (ou possiblement une kithara) avec une inscription illisible dans le champs gauche (trois ou quatre caractères), un 𝜞 sur le dessus et un 𝜪 dans le champs droit.
En procédant par comparaison, j’ai trouvé que ce type semble surtout prévalent à Antioche (province de Syrie, Seleucis et Pieria) — mais il n’y est cependant pas exclusif puisqu’on le retrouve dans d’autres cités comme Megara (selon HEAD, p. 329, mais il s’agit de pièces en argent datant du IIIe siècle AEC; il en recense également à Thera, Myrina, Mytilene, etc.). L’inscription de l’avers serait soit ΑΝΤΙΟΧΕΩΝ (Antiocheon / “[émis] par le peuple d’Antioche”) ou ΑΝΤΙΟΧΕΩΝ ΜΗΤΡΟΠΟΛΕⲰϹ (Antiocheon Metropoleus / “[émis] par le peuple de la cité d’Antioche”). L’inscription sur le revers serait ETO ou ETOY (abréviation de ETOYΣ (έτος) / “année”), le 𝜞 serait une marque d’officine (la troisième officine, celles-ci étant numérotées A, B et C) et le 𝜪 daterait la pièce de 21/22 EC (𝜪 = 70; 70 + -48/49 [début de l’ère Césarienne] = 21/22) soit la neuvième année du règne de Tiberius. Toutefois la plupart des exemples de ce genre de pièces (tant dans les références en ligne [Wildwinds, RPC] que bibliographiques [HEAD, p. 657 ou WROTH. p. 163-64]) sont plus tardives, avec des datations comme “ZOP” (177 = 128/29), sous Hadrien. Ce pourrait-il que les premiers et derniers caractères de la date aient été effacé ne laissant que le “O” de visible? Cela ne semble pas le cas. Et si j’ai vu des pièces similaires (Artemis / Lyre; cf. SEAR #5189 et WROTH, p. 161) datant du règne de Néron (𝝙I𝝦 = 114 = 96 EC), je n’ai trouvé aucun exemple de pièce datant de l’époque de Tibère. Malgré tout, si ce n’est pas une certitude, je continue à croire que ma pièce date de cette époque. C’est peut-être une pièce rare?
Une pièce intéressante qui nous fait bien découvrir que l’histoire et la numismatique sont loin d’être des sciences exactes…
Sources: Wikipedia (Tibère / Tiberius, Roman provincial currency), Google, FAC (Greek imperial coins, BMCGC III, shining Apollo, Greek imperial, Aera Caesariana, “Coin evidence concerning the Caesarean and Actian Eras”), Wildwinds (Antioch, example [text]), Classic coin collector, Lyre on coins, vcoins, CoinProject, eBay, CoinArchives, RPC (group, example). Voir aussi ma fiche.
Bibliographie:
- Head, Barclay Vincent. Historia Numorum: A Manual of Greek Numismatics Oxford: Clarendon Press, 1887.
- Sear, David. Greek Imperial Coins and Their Values. London: Spink, 1982/2010.
- Wroth, Warwick. A Catalogue of the Greek Coins in the British Museum: Galatia, Cappadocia and Syria. London: British Museum, 1899. (aussi disponible en PDF sur FAC)