Monnaies anciennes 30

Les Sévères (2)

Caracalla (211-217 EC)

La dynastie des Sévères se poursuit avec Lucius Septimius Bassianus. Il est né le 4 avril 188 à Lugdunum (Lyon) alors que son père était gouverneur de la Gaule lyonnaise. Il est toutefois d’origine berbère-punique par son père (l’empereur Septimius Severus) et syrienne par sa mère, Julia Domna. Dès l’âge de huit ans il est fait césar par son père et prends alors le nom de Marcus Aurelius Antoninus (car son père voulait légitimer son pouvoir en s’associant à la dynastie Antonine) — mais on le surnomme “Caracalla” car enfant il aimait porter ce vêtement gaulois à capuchon et manches longues. L’année suivante, il est nommé pontife, puis, en 198, Augustus. En 202, il épouse Fulvia Plautilla (fille de Gaius Fulvius Plautianus, un ami de Severus et préfet du prétoire). À la mort de son père en 211, pour respecter ses volontés, Caracalla accède au pouvoir conjointement avec son jeune frère Publius Septimius Geta. Toutefois, dès l’année suivante, pour sécuriser sa position, il fait assassiner ce dernier ainsi que tous opposants ou possibles compétiteurs (incluant sa propre épouse!). Cela annonce déjà comment son bref règne sera sanglant (même ses portraits officiels lui donne un air de brute cruelle). 

Ayant fait campagne auprès de son père (entre autres en Bretagne contre les Calédoniens), il se voit comme un grand général et s’identifie à Alexandre le Grand. Sans raison évidente (sinon l’arrogance des Alexandrins), il commet une série de massacres à Alexandrie en 215-216 qui déciment l’intelligentsia grecque de la ville. Comme son père, il passe la majorité de son règne en coûteuses campagnes militaires, principalement contre les Alamans (213) et les Parthes (216), utilisant des techniques qui tiennent plus de la fourberie et du massacre que de la tactique militaire. On se souvient de lui surtout pour ses énormes et luxueux thermes (bains publics inaugurés en 216) et pour l’Édit de Caracalla (Constitutio antoniniana) qui accorde en 212 la citoyenneté romaine (héréditaire) à tout homme libre de l’Empire. Cela a pour but d’uniformiser l’Empire et d’en accroître le revenu des impôts mais aura aussi pour effet de diminuer le recrutement de l’armée (jusqu’alors le service militaire était la seule façon d’obtenir la citoyenneté pour les provinciaux) et d’accroître la persécution des Chrétiens (tout citoyen se devant de faire des sacrifices aux dieux romains, les Chrétiens s’y refusent car ils sont monothéistes). Il a aussi introduit une nouvelle monnaie d’argent en 215, l’antoninianus, qui valait deux denarius. Considéré comme un tyrant impopulaire, Caracalla est assassiné le 8 avril 217 par Iulius Martialis, un officier de la garde Prétorienne, alors qu’il est au front Parthe. Le préfet du prétoire Macrinus (originaire de Maurétanie Césarienne) lui succède avec son fils Diadumenianus. Ils ne règneront toutefois que deux ans, puisque la syrienne Julia Maesa (soeur de Julia Domna, donc belle-soeur de Septimius Severus et tante de Caracalla) incite l’armée (la Legio III Gallica) encampée en Syrie à se rebeller pour restaurer les Sévères au pouvoir. Ils acclament empereur son petit-fils, Varius Avitus Bassianus (surnommé Elagabalus).

IMG_8562-8563Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Caracalla: un très bel As (VG [very good], Ae [bronze], 23 mm, 6.136 g, payé $20 le 1985/01/25, die-axis: ↑↑) qui nous offre sur l’avers un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé, à droite, avec l’inscription ANTONINVS PIVS AVG[VSTVS] – PONT[IFEX] TR[IBVNICIA] P[OTESTATE] VI [SEXTA]. Le revers illustre une Dea Caelestis (Déesse céleste), tenant un tambour (tympanum — quoique sur certaines pièces elle tient un fulmen, éclair, et on ne distingue pas sur ma pièce lequel de ses attributs elle tient dans sa main) et un sceptre (ou une branche?), assis, à droite, de face, sur un lion galopant au-dessus d’eaux tumultueuses sortant d’un rocher, avec l’inscription INDVLGENTIA[E] – AVG-G[VSTORVM] puis IN CARTH[AGINA] en exergue et S[ENATVS] C[ONSVLTVM] dans le champs droit (sous le lion) — ce qui se traduit par “A l’indulgence des empereurs (Augusti) à Carthage, avec la permission du Sénat”. Comme Caracalla reçoit la puissance tribunicienne pour la sixième fois en 203, on peut donc en déduire que la pièce a été frappé cette année là, alors qu’il était encore co-empereur avec son père.

On peut, bien sûr, s’interroger sur la signification symbolique du revers. Le lion est souvent utilisé pour représenter l’Afrique. De plus, l’épithète de “céleste” était attribué à de nombreuses divinités (Isis, Venus, Artemis ou Juno) mais, dans le cas de cette dernière, il s’agirait d’une forme romanisée de la déesse Carthaginoise Tanit. Par contre, certains identifient plutôt la divinité représenté à la déesse-mère Cybèle (dont les attributs étaient le tympanum et le lion), d’origine phrygienne mais qui était très populaire aussi dans le nord de l’Afrique (Cyrénaïque) et qui était elle aussi associée à Tanit. On peut donc en conclure que cette représentation vise donc probablement à rappeler les origines africaines de l’empereur.

Toutefois, l’inscription du revers (qui apparait aussi sur des pièces de Septimius Severus) semble faire référence à un événement précis, une indulgence accordée à Carthage par les empereurs (le double “G” de AVGG dénote un pluriel). En effet, Indulgentia était utilisé sur les pièces de monnaie romaines pour désigner soit une permission donnée, un privilège accordé ou un hommage remis. Severus (probablement en 202), pour honorer ses origines, aurait accordé certains bénéfices (dont la ius Italicum) aux villes de Carthage et de Utica, donnant à leur habitants les même droits juridiques romains (incluant la citoyenneté) que si ils étaient en sol italien — devançant ainsi pour ces cités les droits que Caracalla accordera à tout l’Empire dix ans plus tard.

Sources: Wikipedia (Caracalla [FR/EN]); RIC IV-1: 415c; WildWinds, Numista, CoinArchives, Numismatics, vcoins, FAC (INDVLGENTIA AVGG IN CARTH, Caracalla, Indulgentia,  AVGG, Indulgentia Augg In Carth, Cybele, Tympanum, Ius Italicum), ERIC (Caracalla). Voir aussi ma fiche

Comme je l’ai maintes fois répété, ces pièces de monnaie ne sont pas seulement des objets anciens qu’il est excitant de tenir entre ses mains, mais elle sont aussi des occasions fascinantes d’en apprendre plus sur les mœurs, la culture, les politiques socio-économiques des romains. La semaine prochaine nous nous intéresserons au règne de Elagabalus! 

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