Les empereurs Illyriens (5)
Probus (276-282 EC)
Marcus Aurelius Probus est né en août 232 à Sirmium (en Pannonie, anciennement partie de l’Illyrie). Il fait une brillante carrière militaire et déjà sous Valerianus il avait un important poste de commandement de légion. Il sert dans les campagnes d’Aurelianus et Tacitus le nomme commandant de l’armée d’Orient (dux orientis) à la fin de 275 ou au début de 276. À la mort de ce dernier, l’armée l’acclame empereur et, après avoir rapidement éliminé Florianus, son successeur, son pouvoir est confirmé par le sénat en septembre 276. Son intention est de complèter la restauration de l’empire débuté par ses prédécesseurs mais il doit d’abord continuer la consolidation des frontières. Durant les deux premières années de son règne (276-277), il se consacre à sécuriser la Gaule envahie par des Germains (des Francs et des Alamans), puis reprend le contrôle des Champs Décumates et réorganise le limes du Rhin. Les deux années suivantes (278-79), il fait campagne en Rhétie (contre les Vandales et les Burgondes) et en Thrace (contre des Sarmates) et il conclut même une trêve avec les Perses. En 280-81, il devra également étouffer quelques révoltes et tentatives d’usurpations (Saturninus, Bonosus et Proculus). Vers la fin de 281, il rentre finalement à Rome où il célèbre un triomphe et donne des jeux. Il semble croire (ou est-ce de la propagande?) que la crise est terminée et que l’Empire est pacifié. Il aurait déclaré “Brevi milites necessarios non habebimos” (“Sous peu, nous n’aurons plus besoin de soldats”)!
Pendant ce temps il poursuit les réformes économiques de Aurelianus, surtout en ce qui a trait à l’agriculture: il autorise la viticulture en Gaule et en Pannonie, donne des terres agricoles à coloniser à des Germains, qu’il enrôle également comme auxiliaires dans l’armée en Gaule belgique et le long du Rhin pour former une sorte de bande tampon contre les invasions. Il entreprend de nombreux travaux de constructions et rénovations sur les infrastructures de l’Empire (édifices publics, voirie, drainage, irrigation, plantation, etc.) et amnistie de nombreux acteurs des tentatives de révoltes et d’usurpations. Il nomme le préfet du prétoire Carus commandant de l’armée d’Occident.
En 282, il part faire campagne contre les Perses afin de reconquérir l’Arménie et la Mésopotamie. Les travaux de réfection des infrastructures avaient été confié à l’armée, pour que les troupes ne soient pas oisives en temps de paix. De passage à Sirmium en septembre ou octobre 282, lors d’une tournée d’inspection des travaux, Probus est pris à parti par des soldats mécontents de cette corvée et il est assassiné ! La nouvelle prends une semaine à parvenir à Rome et Carus lui succède. Il n’aura régné que six ans.
J’ai cinq pièces de monnaie de Probus. Les deux premières sont des “Restitutor Orbis” dont l’avers offre un buste de l’empereur radié, cuirassé et drapé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] AVR[ELIVS] PROBVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS] (L’Empereur Caesar Marcus Aurelius Probus, Pieux, Heureux, Auguste). Le revers illustre une femme (Orbis?) drapée, debout à droite, présentant une couronne de laurier de la main droite à l’empereur debout à gauche, tenant un globe de la main droite et un long sceptre de la main gauche, avec l’inscription latine RESTITVT[OR] O-RBIS (“Restaurateur du monde”). En exergue on retrouve un XX I (la marque de titrage de la réforme monétaire d’Aurelianus). La seule différence entre les deux pièces réside dans la marque d’officine.
La première pièce est donc un très beau aurelianus (VG / F [Very Good / Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 20 mm, 3.871 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine verte avec trace de vert-de-gris; die-axis: ↑↑) qui se distingue par la marque d’officine dans le bas du champs centre: E ∆ (Epsilon Delta = la neuvième officine ?).
La deuxième pièce est un très très beau aurelianus (F / VF [Fine / Very Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 20.5 x 22 mm, 3.521 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine brunâtre avec encore des traces importantes d’argenture sur le revers; die-axis: ↑↑) qui, cette fois, offre simplement un B (Beta = seconde officine) dans la bas du champs centre.
Ce type de pièce (avec le Restitutor abrégé en RESTITVT) n’aurait été frappé qu’à Antioche et n’apparait probablement que vers la fin du règne, alors que le succès de l’empereur est apparent (probablement suite à ses victoires contre les Germains), c’est-à-dire vers 280-82 EC.
Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, Orbis, scepter), ERIC (Probus); RIC v. 5, pt. 2: 925; Sear RCV (1983): 3264; CoinArchives (B), Numista, WildWind (B [text, image], E ∆ [text, image]). Voir aussi mes fiches (Epsilon Delta & Beta).
La troisième pièce est un superbe antoninianus (VF/EF [Very Fine / Extra Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 22 mm, 3.746 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine grisâtre avec encore des traces d’argenture le long des reliefs; die-axis: ↑↓) qui présente un avers avec un buste de l’empereur radié et cuirassé (drapé sur l’épaule?) à droite, et l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] PROBVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Felicitas drapée, debout à droite, tenant un long caduceus (caducée) et une cornucopiae (corne d’abondance), avec l’inscription latine TEMPO-R[VM] FELICI[TAS] (“La Félicité du temps”), et un I en exergue (marque de la première officine).
Cette pièce exprime bien l’optimisme (ou la propagande) de Probus face à l’avenir et aurait été frappé à Lugdunum (Lyon). Si les sources en ligne ne s’entendent pas sur la datation (certaines proposent 277, d’autres 281-82), la majorité la situe à la période II, émission 6, 1ère officine, c’est-à-dire entre 278 et 279 EC.
Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, caduceus, cornucopiae, Felicitas), ERIC (Probus); RIC v. 5, pt. 2: 104; Sear RCV (1983): 3273; AncientCoins, ARC, BeastCoins, calkinsc, catawiki, CGB, CoinProject, CoinTalk, Numismatics, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.
La quatrième pièce est un très beau antoninianus (F/VG [Fine / Very Good], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 21.5 x 23 mm, 3.765 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine brun foncé avec légère traces de vert-de-gris sur le revers; die-axis: ↑↑). L’avers présente un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite, avec la brève inscription latine PROBV-S P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un trophée militaire (tropæum) entre deux prisonniers, avec l’inscription latine VICTOR-IA GERM[ANICA] (Victoire sur les Germains), et un R A entourant une foudre (fulmen) en exergue (cette inscription n’est pas claire mais on peut tout de même la distinguer suffisamment pour l’identifier).
Le tropæum, un monument destiné à commémorer une victoire militaire, est composé d’une croix de bois à laquelle est accrochée une cuirasse, un casque, des boucliers et des armes (lances, épées, etc.) prisent à l’ennemi vaincu. Sur les monnaies, il est souvent représenté avec deux prisonniers de part et d’autre.
Cette pièce aurait été frappée à la première officine de Rome (R = Rome, A = première officine) durant la 6e émission, ce qui la date en 281 EC — et qui correspond probablement à l’époque de son triomphe à Rome.
Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN], foudre, fulmen, tropæum [FR/EN]), Google, FAC (Probus, fulmen, tropæum, Victoria Germ), ERIC (Probus), Roman Emperors; RIC v. 5, pt. 2: 223; Sear RCV (1983): 3275; CoinArchives, CoinTalk, Nomos AG, Numismatics, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.
La cinquième et dernière pièce est un assez beau tetradrachme grec impérial d’Alexandrie (VG [Very Good], AE / BI [Bronze (Cu+Sn) avec fort taux de cuivre ? / Potin (Cu+Sn+Pb) ? / Billon (Cu+Zn+Ag)?], 17 mm [épaisseur variant entre 2.5 mm (à 70º) et 4 mm (à 335º)], 7.0864 g, payé environ $5, flan épais à épaisseur variable; exceptionnellement cette pièce a été brossée avec une laine d’acier douce et de l’huile minérale afin de diminuer les concrétions qui obscurcissaient le relief mais il subsiste encore de traces d’oxydation bleu foncé et vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré et drapé à droite avec l’inscription grecque A K M A𝝪𝝦 𝝥𝝦𝝧𝝗𝝧𝝨 𝝨𝝚𝝗 (Autokrator Kaisaros Markos AURelios PROBOS CEBastos = Imperator Caesar Marcus Aurelius Probus Augustus). Le revers illustre un aigle à gauche regardant derrière lui (vers la droite) et tenant une couronne de laurier dans son bec, avec un L E de part et d’autre dans le champs.
L’aigle représente bien sûr le dieu Jupiter, mais aussi la légion romaine (aquila) et, par extension, le pouvoir impérial. Comme je l’ai déjà expliqué pour les pièces de Quadratus et de Aurelianus (selon Sear GICV, p. xxv et le FAC), les pièces grecques impériales (ou provinciales) étaient souvent datées avec l’inscription ETOYΣ (έτος, parfois abrégé “ET” ou “L” à Alexandrie, qui signifie simplement “année”) suivie d’une date qui correspondait soit à une ère locale (Césarienne ou Actienne) ou à l’année de règne de l’empereur (ou du monarque local). Dans ce cas-ci, à Alexandrie (selon une tradition empruntée aux Ptolémés), “L E” correspond à la cinquième année du règne de Probus, soit du 29 août 279 au 28 août 280 EC.
Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, Eagle, Potin), ERIC (Probus); BMCG v. 15: 2428; Sear RCV (1983): 3290; BeastCoins, Calkinsc, CoinArchives, CoinProject, CoinProject, CoinTalk. Voir aussi ma fiche (recto, verso).
Bibliographie:
- Head, B.V. Historia Numorum. A Manual of Greek Numismatics. (London, 1911) p. 861.
- Milne, J. G. “The Shop of the Roman Mints of Alexandria” in JRS vol. 8 (1918), p. 172.
- Poole, R.S. British Museum Catalogue of the Greek Coins, v. 15: Of Alexandria and the nomes. (London, 1892), pp. 313-315.
[ Translate ]Probus aura régné brièvement mais il a joué un rôle important en complétant les réformes d’Aurelianus (et permettant l’expansion de la culture de la vigne!). Suite à sa mort, le préfet du prétoire Carus (originaire de Narbo Martius) est acclamé empereur vers la fin 282 (entre septembre et décembre). Les assassins de Probus sont rapidement jugés et exécutés. Il associe ses fils Carinus et Numerianus au pouvoir et confit l’armée d’Occident au premier, puis part en campagne avec le second. Il rétablit d’abord l’ordre dans le nord (contre les Sarmates en Pannonie), puis poursuit la campagne de Probus contre les Perses. Il remporte une victoire en prenant les villes de Séleucie et de Ctésiphon mais meurt aussitôt foudroyé (littéralement) en juillet ou août 283 ! Il n’aura donc régné qu’une seule année. Ses fils lui succèdent et prennent le titre d’Auguste à l’automne mais Numerianus meurt en Thrace l’année suivante (novembre 284). Carinus, lui, règnera encore un an.
La semaine prochaine nous concluons l’époque des empereurs Illyriens (et celle de la crise du IIIe siècle) avec le principat de Carinus.