Monnaies anciennes 48

Les empereurs Illyriens (6)

Carinus (283-285 EC)

Marcus Aurelius Carinus est né vers 250 (249 selon certains, 252-53 selon Malalas, Chronographia, XII, 306 seq.) et était le fils aîné de Carus. Sa famille était originaire soit de Narona en Illyricum (Dalmatia), soit de Narbo Martius (Narbonne) dans la province de Gallia narbonensis. Les monnaies et l’épigraphie lui attestent une épouse, Magnia Urbica (qui reçoit les titres d’Augusta et de Mater castrorum [“Mère des camps”]) et un fils, Nigrinianus, mort en bas âge. Son père devient empereur en septembre/décembre 282 alors que Probus est assassiné par des soldats mutins. Peu de temps après, il associe son fils aîné au pouvoir en le nommant caesar et Prince de la jeunesse. En janvier 283, il le fait co-consul et Augustus, et nomme son fils cadet, Numerianus, caesar et princeps juventutis. Les deux fils reçoivent également le titre d’imperator. Carus part alors faire campagne contre les Perses avec Numerianus et confit l’armée d’Occident à Carinus. Toutefois, tout de suite après avoir pris la ville de Ctésiphon en novembre 283, il meurt dans des circonstances étranges (possiblement frappé par la foudre!) et ses deux fils deviennent donc co-empereurs. Pendant que Carinus mène une vie dissolue à Rome (à moins que ce ne soit de la propagande négative créée par ses opposants?), Numerianus ramène vers Rome son armée réticente à continuer les combats contre les Perses. Il meurt (soit à Émese en Syrie, soit à Chalcédoine en Bithynie) dans des circonstances obscures (possiblement assassiné par son beau-père, Arrius Aper) en novembre 284 et l’armée acclame Dioclès, le commandant de la garde impériale, comme nouvel empereur.

Comme Julianus (le corrector de Vénétie) tente d’usurper le pouvoir, Carinus passe d’abord par l’Italie pour écraser cette révolte à Vérone en mai ou juin 285. Ce n’est que par la suite qu’il marche à la rencontre de Diocles (qui a prit le nom de Diocletianus) en Illyrie. Les deux armées s’affrontent à la mi-juillet (ou au printemps?) 285 près de Viminacium en Mésie, lors de la bataille du Margus. Malgré que son armée tienne bien tête à l’usurpateur, Carinus meurt (soit durant la bataille, soit trahit, soit assassiné par un ou des tribun(s) jaloux de l’attention qu’il portait à son/leurs épouse(s)). Il n’aura régné que deux ans et demi et est considéré par les historiens romains comme l’un des pires empereurs. Son armé se rallie alors à Diocletianus qui devient le seul empereur. Son long règne sera le début d’une nouvelle ère pour l’Empire Romain, celle du dominat et des tétrarchies.

IMG_0174-0180Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Carinus mais c’est un très très beau antoninianus (VF [Very Fine], AE / BI [bronze argenturé / Billon], 21 x 22 mm, 4.115 g, payé environ $6 le 1985/06/16, quelques traces d’argenture et de corrosion; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et cuirassé (possiblement drapé sur l’épaule) à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] AVR[ELIVS] CARINVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Équité (Aequitas) debout à gauche, tenant une balance (libra) et une corne d’abondance (cornucopiae), avec l’inscription latine AEQVITAS AVGG[VSTORVM — le double “G” dénotant un pluriel [Duorum Augustorum], soit “l’équité des deux Augustes”] et un “A” (marque de la première officine) dans le champs droit.

Cette pièce représente bien la propagande impériale qui exulte les vertus des empereurs alors que l’Aequitas exprime une idée d’égalité, de justice et de prospérité (par le commerce rendu possible par la stabilité de l’état). Selon le RIC (Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, Vol. V, Part II, London: Spink & Son, [1927] 1972, pp. 166) et les diverses sources en ligne, ce type avec une Aequitas et la marque d’officine “A” n’a été frappé qu’à Lugdunum (Lyon) — le type frappé à Rome [RIC 5.2: 238] comportait “KAZ” comme marque d’officine. Le RIC n’offre pas de datation mais les sources en ligne proposent tantôt avril 283, tantôt janvier 284 mais plus fréquemment surtout 283-284, ce qui fait du sens puisque l’inscription “Aequitas Augg” implique le co-principat de Carinus et Numerianus qui s’étend de la mort de Carus en novembre 283 à la mort de Numerianus en novembre 284.

Sources: Encycl. Brit. (1911), Wikipedia ( [FR/EN], Aequitas [FR/EN]), Google, FAC (Carinus, Aequitas, AVGG, cornucopiae), ERIC (Carinus); RIC v. 5, pt. 2: 212; Sear RCV (1983): 3362; acsearch, ARC, CoinArchives (01, 02), CoinProject (01, 02, 03, 04, 05), FAC, Numismatics, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

Le troisième siècle est très mal documenté par les auteurs de l’époque qui se contredisent souvent et les sources plus riches, comme l’Historia Augusta, sont malheureusement peu fiables. La causes des événements et leur datation est plutôt flou ce qui ne laisse parfois aux historiens modernes que des hypothèses (qui évoluent et changent au cours des époques et avec les nouvelles découvertes archéologiques). Ce qui fait que, dépendant des sources consultées, les motivations des acteurs et les dates varient grandement. Le pire exemple est la divergence que l’on rencontre entre les versions française et anglaise de Wikipedia! Heureusement l’épigraphie et la numismatique fournissent des ancrages solides qui permettent d’établir une datation plus précise et fiable. Cela explique aussi la grande différence rencontré entre les datations d’ouvrages comme le British Museum Catalogues of Coins ou le Roman Imperial Coinage (écrits à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle) et les sources plus récentes que je consulte en ligne.

La semaine prochaine nous nous intéresserons au règne charnière de Diocletianus dont j’ai quatre pièces de monnaie.

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