Monnaies anciennes 53

Les tétrarchies (5)

Licinius (308-324 EC)  (1)

Valerius Licinianus Licinius est né en Mésie vers 265 dans une famille de paysans Dace. Il a fait une carrière militaire où il a rapidement gravit les échelons jusqu’à devenir général sous Galerius (dont il était un proche ou une ami d’enfance). Il participe à la campagne contre les Perses Sassanides en 298, négocie avec Maxentius en 307 puis se voit confié l’armée d’Orient. Après la conférence de Carnuntum, le 11 novembre 208, il accède à la tétrarchie alors qu’il est nommé l’Auguste Herculéen (Occident) avec Constantinus comme César. Il commande l’armée des Balkans (dans les provinces d’Illyrie, de Thrace et de Pannonie) et fait campagne contre les Sarmates en 310. À la mort de Galerius, en mai 311, débute une longue lutte de pouvoir pour le contrôle de l’Empire entre Maximinus, Constantinus, Licinius et l’usurpateur Maxentius (fils de Maximianus). Alors que Maxentius renforce sa position en Italie, Licinius et Maximinus s’entendent pour se partager les provinces orientales. Toutefois, afin d’avoir les mains libres pour affronter Maxentius, Constantinus fait une entente avec Licinius où celui-ci accepte de rester neutre dans le conflit — ce qui pousse Maximinus à s’allier avec Maxentius. Ce dernier sera cependant défait par Constantinus à la bataille du pont Milvius le 28 octobre 312. Pour sceller leur entente, en mars 313, Licinius épouse Constantia, la demi-soeur de Constantinus, qui lui donne un fils en juillet 315 (Licinius Junior). En avril 313, les deux empereurs promulguent conjointement l’Édit de Milan qui confirme et complète l’édit de tolérance religieuse décrété par Galerius en 311, accordant la liberté de culte à toutes les religions et, donc, aussi aux chrétiens. Au même moment, Maximinus décide d’attaquer Licinius. Il assiège et prends Byzance, puis Héraclée. Les deux armées s’affrontent à la bataille de Tzirallum le 30 avril 313 et c’est Licinius qui en sort vainqueur. Il ne reste alors plus que deux opposants, Licinius et Constantinus, qui se partagent l’Empire et s’affronteront à deux reprises. [La suite la semaine prochaine]

J’ai cinq pièces de monnaie de Licinius (et deux de son fils, Licinius II). Aujourd’hui je vous en présente deux.

 

IMG_0531-0535La première est une très belle pièce de petite dénomination (Follis ou AE3 ?, VF/F [Very Fine/Fine], AE [Bronze], 19 mm, 2.825 g, payé environ $5 le 1985/06/16, patine verdâtre; die-axis:  ↑↓). L’avers présente un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] LICINIVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à droite, regardant à gauche, nu sauf une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI IN-VI-CTO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), un PARL (marque de la première officine [P = primus] de l’atelier de Arelate [ARL]) en exergue et les lettres SF (marques de séquence des frappes) dans le champs de part et d’autre.

Selon le RIC (Bruun P.M., Ed. by Sutherland C.H.V. & Carson R.A.G., The Roman Imperial Coinage vol. VII: Constantine and Licinius (313-337). London: Spink & Son, 1966, p. 239), cette pièce a été frappé par la première officine de l’atelier de Arelate (Arles) en 315-316. Elle exprime probablement l’intérêt marqué de Licinius pour le culte solaire.

Sources: Wikipedia (Licinius [FR/EN], Sol [FR/EN], Sol Invictus [FR/EN]), Google, FAC (Licinius, Sol, Sol Invicto, Comiti, Sol Invicto Comiti), ERIC (Licinius); RIC v. 7: 67; CGBFR, CoinArchives, numista, Licinius, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

IMG_0540-0544La seconde pièce est une très belle petite dénomination (Follis ou AE3?, F [Fine], AE/BI [Bronze argenturé / Billon], 18 mm, 3.1145 g, payé environ $10, argenture encore apparente mais avec d’important dépôts rougeâtre et verdâtre sur la partie inférieure de l’avers; die-axis: ↑↓). L’avers présente un buste de l’empereur casqué et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] LI-CINIVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre deux captifs ligotés et assis au pied d’un étendard (vexillum) inscrit d’un VOT[IS] XX (Votis Vicennalibus = “Voeux pour le vingtième [anniversaire de règne]”), avec l’inscription latine VIRTVS EXERCIT[VS] (“la valeur / le courage de l’armée”), et un PT en exergue (marque de la première officine [P = Primus] de l’atelier de Ticinium [T]).

Selon le RIC (op. cit., p. 377), cette pièce a été frappé par la première officine de l’atelier de Ticinium (Pavie) en 319-320. En plus d’offrir les vœux décennaux, cette pièce représente encore une fois une exemple où la propagande impériale encense la valeur de l’armée (et flatte son égo) afin de s’assurer de sa loyauté. 

Sources: Wikipedia (Licinius [FR/EN], Vexillum [FR/EN]), Google, FAC (Licinius, Exercitus, standard, vexillum, Virtus, Virtus Exercit, vota, VOT XX), ERIC (Licinius); RIC v. 7: 116; Sear RCV (1983): 3708; acsearch (01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10), WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

Ces deux pièces de Licinius mettent en lumière autant d’aspects de la société du Bas-Empire Romain. 

Le premier aspect est religieux. Les romains pratiquaient un polythéisme très large où se superposaient le culte traditionnel des ancêtres et des génies locaux (les Lares — un vestige de croyances animistes primitives — dont Maximinus était fervent), une version romanisée des dieux olympiens et toute une collection de diverses religions orientales (cultes à mystère, mithraïsme, Sol Invictus, Judaïsme, Christianisme, etc.). Ces dernières étaient particulièrement populaire parmi l’armée, surtout auprès des soldats qui avaient voyagé en Orient. C’était sans doute le cas de Licinius. La plupart de ces religions, polythéistes, ne s’opposaient à être pratiquer auprès d’autres cultes et reconnaissaient le culte Impérial. Toutefois, les religions monothéiste (comme le Judaïsme et le Christianisme) ne voyaient pas d’un très bon oeil le fait d’intégrer le panthéon romain ce qui posa problème au Bas-Empire alors que la base du pouvoir impériale reposait sur la nature quasi-divine de l’empereur. S’y opposer ou le refus d’y participer s’apparentait à la rébellion ou à la trahison et c’est pourquoi le Christianisme était persécuté — pour des raisons essentiellement politiques. Toutefois, la popularité croissante des religions orientales a amené le pouvoir à prendre éventuellement une position plus tolérante, d’où la proclamation de l’Édit de Milan. La génération de Licinius sera probablement la dernière à pratiquer un culte solaire comme Sol Invictus (dont la grande fête, le Dies Natalis Solis [“Jour de naissance du Soleil”], se célébrait au solstice d’hiver, c’est-à-dire le 25 décembre!) car sous Constantinus le Christianisme sera non seulement toléré mais deviendra la religion officielle de l’Empire! [Voir RIC, op. cit., pp. 48-50]

La deuxième pièce, où un étendard offre des voeux pour le vingtième anniversaire du règne de Licinius, nous introduit à l’idée des “voeux public”. “Il était d’usage à Rome de faire des “vœux publics” aux calendes de janvier, quand les consuls étaient élus, pour la sûreté de l’Empire, et deux jours avant les nones du même mois pour la conservation des empereurs. D’autres “voeux” étaient prononcés lors d’événements spéciaux ou à certains moments périodiques. (…) Les “vœux décennaux” datent du règne d’Augustus (…). Ces vœux décennaux ont été tenus très régulièrement par les successeurs d’Augustus, et sont mentionnés pour la première fois sur les monnaies d’Antoninus Pius.” Plus tard, ils furent célébrés à cinq ans d’intervalle. Ils étaient soit entrepris (vota suscepta), soit accomplis (vota soluta) et parfois même anticipés.[d’après “Vota” in Stevens S.W., Smith C.R. & Madden F.W., Dictionary Of Roman Coins. London: Bell & Sons, 1889. Voir aussi le RIC, op.cit., pp. 56-61.]

La semaine prochaine je continue à vous présenter des pièces de Licinius (pour m’alléger la tâche j’ai décidé de ne présenter que deux ou trois pièces à la fois)…

Voir l’index des articles de cette chronique.

[ Translate ]