Les Constantiniens (1)
Avec Constantinus s’ouvre la dynastie des Constantiniens. J’ai déjà amplement parlé des actions de Constantinus durant la tétrarchie (voir mes entrées sur Diocletianus, Maximianus, et Licinius — partie 1 et partie 2). Je tenterai donc d’être bref. Comme j’ai une douzaine de pièces de monnaie de Constantinus, je vais les répartir sur au moins trois entrées traitant d’abord de la période où il était tétrarque, puis celle des guerres civiles avec Licinius et enfin celle où il règne seul sur l’Empire annonçant le début de l’époque byzantine.
Constantinus (310-337 EC) (1)
Flavius Valerius Aurelius Constantinus est né le 27 février c271-277 à Naissus en Mésie. Sa famille était originaire de la Dacie aurélienne. Il est le fils de Helena, la première épouse ou concubine de Constantius qui était d’origine grecque très modeste (servante dans une auberge ou même, peut-être, prostituée). Toutefois lorsque son père est nommé préfet du prétoire en Gaule par Maximianus en 288 ou 289, il doit la répudier pour épouser la fille de ce dernier, Théodora. En mars 293, Constantius accède à la tétrarchie en devenant le César de Maximianus et reste en Gaules pour y écraser une révolte. Pendant ce temps, Constantinus est élevé à la cours de Diocletianus (comme otage?) et il suit l’exemple de son père en poursuivant une carrière militaire. Il sert dans l’armée dans les campagnes sur le Danube (en 296) et en Orient (297-99), obtenant divers postes de tribuns. En 303, il est de retour à Nicomédie et est témoin des persécution de Diocletianus contre les Chrétiens. Le 1er mai 305, Diocletianus et Maximianus abdiquent le pouvoir en faveur de leur Césars, Constantius et Galerius. Les nouveaux Augustes se choisissent alors des Césars: Severus et Maximinus Daza. Un choix qui ne fera pas l’unanimité, car il ignore les fils de Constantius (Constantinus) et de Maximianus (Maxentius), ce qui déstabilisera la tétrarchie et causera une série de conflits qui dureront presque deux décennies. Constantinus, ne se sentant pas en sécurité à la cour de Galerius à Nicomédie, va rejoindre son père à Bononia (Boulogne) à l’été 305. De là ils traversent en Bretagne où ils font campagne contre les Pictes durant l’été et l’automne. Cependant, Constantius tombe malade et meurt le 25 juillet 306 à Eboracum (York). Les troupes acclament alors Constantinus comme Auguste. Afin d’éviter un conflit, puisque la position d’Auguste devrait revenir Severus, Galerius propose en compromis que Constantinus devienne plutôt le césar de ce dernier. Constantinus accepte cette décision qui, par le fait même, donne légitimité à son pouvoir.
Constantinus se retrouve en contrôle de tout le territoire à l’ouest de la frontière Rhénane: la Bretagne, la Gaule et l’Hispanie. Il conclut sa campagne en Bretagne, puis va s’établir à sa capitale régionale de Augusta Treverorum (Trèves). En réaction, avec l’appui de son père, Maxentius se déclare Auguste (usurpateur) en octobre 306 et occupe Rome. Galerius refuse de le reconnaitre et envoi Severus pour le ramener à l’ordre mais celui-ci est capturé et tué. Constantinus accepte une alliance avec Maximianus, consolidée par un mariage avec sa fille Fausta, mais il garde néanmoins ses distances du conflit prétextant une invasion de Germains sur le Rhin. En novembre 308, Galerius tente de mettre fin à la discorde avec la conférence de Carnuntum mais sans grand succès. Il y est toutefois décidé que Severus serait remplacé par Licinius et que Constantinus demeurerait son César. Mais la tétrarchie ne tarde pas à dégénérer en guerres civiles: en 310, alors que Constantinus est occupé à repousser une invasion de Francs, Maximianus le déclare mort et tente d’usurper son pouvoir. Constantinus revient du front par voie fluviale jusqu’à Lugdunum (Lyon) et poursuit Maximianus jusqu’à Massilia (Marseille) où il le vainc. Maximianus est contraint de se suicider en juillet 310. À cette époque, Galerius est trop malade pour se préoccuper des querelles entre tétrarques. Sa dernière action sera de proclamer l’Édit de Sardique en avril 311, mettant fin aux persécutions contre les Chrétiens. Il meurt dans son palais de Felix Romuliana le 5 mai 311. Le pouvoir se partage donc entre Maximinus Daza et Licinius en Orient et Constantinus en Occident.
L’usurpateur Maxentius, désirant venger son père, profite de ce moment pour se mobiliser contre Constantinus. Craignant que Maxentius ne s’allie avec Licinius, Constantinus le devance et offre à Licinius de marier sa soeur Constantia. Choqué de cette alliance, Maximinus Daza s’allie à son tour à Maxentius. Licinius le vaincra plus tard (en avril 313) à la bataille de Tzirallum et il mourra quelques mois plus tard. Au printemps 312, Constantinus traverse les Alpes pour affronter Maxentius à Augusta Taurinorum (Turin). Maxentius s’échappe et se réfugie à Rome où Constantinus l’affrontera en octobre lors de la bataille du pont Milvius. Malgré un sérieux désavantage numérique, les troupes de Constantinus marche sur l’ennemi en portant un étendard (labarum) orné d’un étrange signe: un chi (X) traversé d’un Rho (P) pour former le monogramme du Christ (se sont les deux premières lettres grecques de ΧΡΙΣΤΟΣ / Christos). Constantinus avait eut une vision (ou un songe?) de ce signe avec la mention In Hoc Signo Vinces (“Par ce signe tu vaincra”). Grâce à une judicieuse charge de cavalerie, Constantinus brise la ligne de défense de Maxentius qui, vaincu, se noie dans le Tibre. Le 29 octobre 312, Constantinus entre en vainqueur dans Rome. Il ne reste plus que deux candidats au pouvoir suprême: Licinius en Orient et Constantinus en Occident. Pendant quelques années cet équilibre de pouvoir se maintient mais une méfiance mutuelle croissante mène à l’inévitable conflit en 316. (À suivre!)
Aujourd’hui je vous présente chronologiquement cinq pièces de monnaie de Constantinus. Ce sont toutes des pièces qui ont le même type de Sol Invicto.
La première pièce est un très très beau Follis (VF [Very Fine], AE [Bronze], 22 mm, 3.927 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine verte; die-axis: ↑↓). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] CONSTANTINVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à gauche, nu sauf pour une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI INVIC-TO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), avec un PLG en exergue (marque de la première officine [P = Primus] de l’atelier de Lugdunum [LG]) et un F / T (marque de séquence?) dans le champs de part et d’autre.
Selon le RIC (Sutherland, C.H.V.; Ed. By Sutherland C.H.V. & Carson, R.A.G. The Roman Imperial Coinage, vol. VI: From Diocletian Reform (294) to the death of Maximinus (313). London: Spink & Son, 1967, pp. 240, 265), cette pièce aurait été frappé par la première officine de l’atelier de Lugdunum (Lyons) vers 309-310 EC.
Sources: Wikipedia (Constantinus [FR/EN]), Google, FAC (Constantinus, Lugdunum, Soli Invicto Comiti), ERIC (Constantinus); RIC v. 6: 309-310; acsearch, CoinArchives, CoinTalk, Numismatics, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.
La seconde pièce est un très beau Follis (F [Fine], AE [Bronze], 22 x 23 mm, 4.129 g, payé environ $5 le 1985/01/06, patine vert foncé-bleuâtre; die-axis: ↑↓). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] CONSTANTINVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à gauche, nu sauf pour une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI INVIC-TO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), avec un PLN en exergue (marque de la première officine [P = Primus] de l’atelier de Londinium [LN]) et un T / F (marque de séquence?) dans le champs de part et d’autre.
Selon le RIC (op. cit., v. vi, pp. 119-120, 133), cette pièce aurait été frappé par la première officine de l’atelier de Londinium (Londres) vers le milieu de 310 EC.
Sources: Wikipedia (Constantinus [FR/EN]), Google, FAC (Constantinus, Soli Invicto Comiti), ERIC (Constantinus); RIC v. 6: 121a; acsearch, BM, catawiki, CoinArchives, FAC, numista, vcoins, WildWinds (text, image), yorkcoins. Voir aussi ma fiche.
La troisième pièce est un très beau Follis (F [Fine], AE [Bronze], 21 x 22 mm, 4.033 g, payé environ $5 le 1985/06/16, patine brune, flan un peu tordu avec quelques taches de vert-de-gris et une importante incrustation rougeâtre sur le revers; die-axis: ↑↗︎). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] CONSTANTINVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à gauche, nu sauf pour une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI INVIC-TO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), avec un PLG en exergue (marque de la première officine [P = Primus] de l’atelier de Lugdunum [LG]) et un S / F (marque de séquence?) dans le champs de part et d’autre.
Selon le RIC (Bruun P.M., Ed. by Sutherland C.H.V. & Carson R.A.G., The Roman Imperial Coinage vol. VII: Constantine and Licinius (313-337). London: Spink & Son, 1966, pp. 117-118, 122), cette pièce aurait été frappé par la première officine de l’atelier de Lugdunum (Lyons) vers 313-314 EC.
Sources: Wikipedia (Constantinus [FR/EN]), Google, FAC (Constantinus, Soli Invicto Comiti), ERIC (Constantinus); RIC v. 7: 3; acsearch, CoinArchives, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.
La quatrième pièce est un beau Follis (VG [Very Good], AE, 22 mm, 4.009 g, payé environ $7, patine brun foncé avec vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous montre un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] CONSTANTINVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à gauche, nu sauf pour une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI INV-I-CTO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), avec un PLG en exergue (marque de la première officine [P = Primus] de l’atelier de Lugdunum [LG]) et un F / T (marque de séquence? Possiblement T / F) dans le champs de part et d’autre.
Cette pièce est très difficile à dater car la césure “INV-I-CTO” semble très rare à l’atelier de Lugdunum (et pourtant je vois assez clairement le PLG en exergue). Cette césure est plus fréquente pour d’autres ateliers (comme Aquilée, Arelate, Londinium, Ostie ou Rome). Même la marque de séquence est incertaine. S’il s’agit de F/T, comme je l’ai d’abord cru, alors la pièce daterait de 309-310 comme pour la première pièce ci-haut (RIC v. 6, #310) mais il ne semble pas y avoir de mention de cette césure à cette époque. La marque de séquence pourrait également être T/F (puisque cette césure semble présente à Lugdunum à cette époque mais pas pour le type spécifique de cette pièce) et la datation serait alors de 314-315 (RIC v. 7, 16 [p. 123]).
Sources: Wikipedia (Constantinus [FR/EN]), Google, FAC (Constantinus, Soli Invicto Comiti), ERIC (Constantinus); RIC v. 7: 16 ?; acsearch, CoinArchives, CoinTalk. Voir aussi ma fiche.
La cinquième pièce est beau Follis (VG [Very Good], AE, 18 x 18.5 mm, 2 g, payé environ $6 le 1987/07/16, patine vert-de-gris; die-axis: ↑↓). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré et cuirassé à droite, avec l’inscription latine CONSTANTINVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol radié debout à gauche, nu sauf pour une chlamyde à travers l’épaule gauche, tenant un globe dans la main gauche et levant la main droite, avec l’inscription latine SOLI INVIC-TO COMITI (“[Dédié] au compagnon (ministre?) du Soleil Invaincu”), avec un BTR en exergue (marque de la seconde officine [B = Beta] de l’atelier de Treveris [TR]) et un T / F (marque de séquence?) dans le champs de part et d’autre.
Selon le RIC (op. cit., v. vii, pp. 149-152, 172-173), cette pièce aurait été frappé par la seconde officine de l’atelier de Augusta Treverorum (Treveris ou Trèves) en 316 EC.
Je me suis souvent demandé ce que pouvait bien signifier les marques de séquences mais je n’ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante. J’ai l’hypothèse que cela pourrait être les initiales des officiers en charges des ateliers, comme c’était le cas sous la République. Quelqu’un a aussi proposé que le T / F soit une abréviation pour Temporum Felicitas (“Temps de bonheur/prospérité”) mais j’en doute car cela n’expliquerait pas les autres marques de séquence comme A/S, S/F ou F/T. Je vais donc continuer à chercher et je trouverai bien un auteur (peut être quelque part dans le RIC) qui donne une explication.
Sources: Wikipedia (Constantinus [FR/EN]), Google, FAC (Constantinus, Soli Invicto Comiti), ERIC (Constantinus); RIC v. 7: 105; CoinArchives, CoinArchives, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.
[ Translate ]On remarque d’abord que toutes les pièces présentées aujourd’hui ont été frappé en Occident, ce qui est normal puisque Constantinus a toujours été le tétrarque (César) Herculéen qui était en charge de la partie ouest de l’Empire, avec sa capitale régionale situé à Augusta Treverorum (Trèves) près de la frontière du Rhin. Il peut donc sembler étrange que, dès qu’il a été seul au pouvoir, il ait déplacé sa capital en Orient, à Byzance (renommée Constantinople pour l’occasion). Il y a trois raison pour cela: d’une part l’Empire s’était beaucoup étendu à l’Est donc déplacer la capitale à Byzance permettait de la re-centrer sur l’Empire. Byzance était également très proche de Nicomédie, la capitale régionale de l’Orient où il avait grandit à la cour de Diocletianus, et s’établir a proximité était une façon de se réclamer de la légitimité du lieu. Finalement, il était toujours plus prudent d’installer le gros de ses troupes près de l’endroit où se retrouvait la plus grande menace et Byzance le rapprochait de la frontière du Danube et de la Mésopotamie.
Il peut également paraître bizarre qu’un empereur très associé au christianisme ait frappé autant de pièces de monnaie à l’effigie du dieu solaire païen Sol Invictus. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’avant de se convertir au christianisme, Constantinus était un fervent adepte du “Soleil Invaincu”. Comme toute les religion orientale, ce culte solaire était très populaire auprès des soldats. En 274, après sa victoire sur Zenobia, Aurelianus en fait le culte principal de l’Empire, dans l’espoir que cela ait un effet unificateur sur les cultures très diversifiées de l’Empire, et lui dédit un temple à Rome sur le Champ de Mars où l’on célèbre le “Jour de naissance du Soleil“ (Dies Natalis Solis) le 25 décembre. Il était donc normal que Constantinus, en tant que soldat, en soit un adepte et, qui plus est, qu’il l’utilise dans sa propagande pour accroître la fidélité de ses troupes. Toutefois, avec le IVe siècle, une autre religion orientale rivalise avec la popularité de Sol Invictus: le christianisme. Si la propagande veut bien nous faire croire que Constantinus s’y soit converti à cause d’une vision qui lui promettait la victoire, il est beaucoup plus probable qu’il l’ai adopté pour des raisons politiques et stratégiques: le christianisme était devenu plus populaire et un meilleur instrument pour fidéliser l’armée. Plus tard, en mars 321, il instaurera le “jour du soleil” (dies Solis, i.e. dimanche) comme un jour de repos obligatoire — poussant encore plus loin ce syncrétisme qui a réunit plusieurs éléments des deux cultes.
La semaine prochaine nous continuons notre survol du règne de Constantinus avec cinq autres pièces de monnaie. (Désolé si cette publication a été mise en ligne tardivement mais depuis la mi-mai des migraines récurrentes et un récent mal de dos me rendent le travail difficile…)
J’attends la suite avec impatience, la fondation de Constantinople me fascine…
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