Entrevue réalisé en ligne le 26 Mai 2003 par Sophie Ferragne et Évelyne Bussière (étudiantes en 5ème secondaire au Collège Beaubois) pour un reportage étudiant.
1) D’où vient l’idée d’avoir créé une revue? Si c’est une passion, comment a-t-elle commencée?
Clodjee Pelletier: En effet c’est une passion. Je publiais déjà un fanzine francophone sur la science-fiction québécoise intitulé SAMIZDAT. En 1987, un ami m’as fait découvrir la série d’animation ROBOTECH. Comme je trouvais cette série excellente, j’ai fait quelques recherches qui m’ont fait découvrir que c’était en fait une série (ou plutôt trois séries combinées ensemble) d’animation Japonaise. J’ai également découvert que la très grande majorité des séries télé que je regardais étant enfant étaient elles aussi des séries d’animation Japonaises: Prince Saphire, Léo, Mini-Fée, Marine Boy, Maya L’Abeille, Démétan, Vicky Le Petit Viking, Caliméro, etc. J’ai donc trouvé ROBOTECH si cool que j’ai décidé de faire un fanzine (en anglais) sur le sujet. Sous la menace de poursuite de la part des détenteurs des droits de ROBOTECH, Harmony Gold, nous avons légalisé le fanzine pour en faire le Fanzine Officiel de Robotech (moyennant une très coûteuse license). Après une dizaine de numéros, J’avais l’impression d’avoir un peu épuisé le sujet, alors PROTOCULTURE ADDICTS est devenu un magazine (et non plus un fanzine; nous avons jugé notre travail suffisement professionel pour nous considérer un magazine à part entière) dédié à l’animation Japonaise en général.
2) Pourquoi avez-vous choisis de réaliser une revue plutôt qu’un autre projet?
CJP: Comme je l’ai déjà mentioné, je faisais déjà un fanzine sur la science-fiction québécoise et c’est cette expérience qui a motivé mon choix. Nous avions envisagé de faire une parodie de ROBOTECH en bande- dessinée, mais c’était trop de travail.
3) Quels études avez-vous complété pour devenir le rédacteur de la revue protoculture?
CJP: Les études que je faisais alors n’avaient aucune relation avec la publication ou le journalisme. Je faisais alors une maîtrise en histoire de l’antiquité à l’Université de Montréal. J’ai poursuivis avec mon doctorat dans le même sujet (mon projet initial était de faire une maîtrise en Bibliothéconomie, mais mon prof d’histoire romaine m’a convaincu de rester en histoire pour les études supérieures) mais, au bout de trois ans, j’ai décidé d’abandonner pour des raisons financières (la fin de mes prêts et bourses), à cause d’un désaccord avec le département d’histoire (qui me faisait perdre mon temps sur des tests inutiles) et surtout parce que le magazine commencait à prendre tout mon temps. Je me suis alors consacré à PROTOCULTURE ADDICTS à temps plein.
4) Est-ce votre seul travail ou avez-vous d’autres occupations?
CJP: C’est mon seul travail. Je vis relativement maigrement mais c’est suffisent pour payer le loyer et manger deux fois par jours (et ma femme a également un emploi).
5) Êtes-vous plusieurs a réaliser ce merveilleux projets? Si oui, comment les tâches sont-elles réparties?
CJP: Nous sommes trois personnes à travailler sur le magazine. Je fais la planification, la coordination, le montage, l’expédition, la promotion (publicité, page web) et toutes le tâches administratives (i.e. comptabilité). J’écris également quelques articles (ou, le plus souvent, corrige et complète les articles des autres membres de l’équipe). Ma femme Miyako fait la traduction et écrit la majorité des articles. Martin Ouellette écrit la plupart des critiques (manga, vidéo, modèle réduits, etc) et quelques articles. Certains articles sont écrit par des collaborateurs extérieur (payés au mot).
6) Depuis combien de temps protoculture existe?
CJP: Depuis l’automne 1987, ce qui fait un peu plus de quinze ans.
7) Combien de revues avez-vous à votre actif?
CJP: Seulement deux: SAMIZDAT et PROTOCULTURE ADDICTS. J’ai également collaboré à SOLARIS (un article), publié un recueil de poésie, quelques nouvelles (dans SAMIZDAT), et publié (en tant qu’éditeur et anthologiste) des anthologies de nouvelles de science-fiction québécoise (SOUS DES SOLEILS ETRANGERS et le série ORBITE D’APPROCHE (4 vol.)). J’ai également publié (en tant qu’éditeur) quelques receuils de nouvelles de Daniel Sernine (BOULEVARD DES ETOILES, A LA RECHERCHE DE MONSIEUR GOODTHEIM et SUR LA SCENE DES SIECLES).
8) Est-ce que le Québec est le seul point de vente ou votre revue est vendue dans un autre pays?
CJP: En fait 85% des ventes se font aux Etats-Unis et 10% ailleurs dans le monde (nous avons un distributeur au Royaume Unis, des copies sont exportés à l’extérieur de l’Amérique par notre principal distributeur Américain (elle se rendre, entre autres aux Philippines), et nous avons des abonnés en France, au Japon, dans les Emirat Unis, au Koweit, à Singapore, etc.). Seulement 5% des ventes se font aux Canada (et de cela moins de 1% au Québec). Comme quoi qu’il est vrai que nul n’est prophète en son pays…
9) Avez-vous eu de la difficulté à percer au Québec?
CJP: Dès le départ nous savions que la langue de publication, l’anglais, poserait un problème pour le marché local. Alors nous avons tout de suite visé le marché Américains, en faisant d’abord appel à des distributeurs aux USA. Mais au Québec il y a un gros problème d’attitude qui fait que les gens ne croit pas qu’une production locale puisse être de qualité. Lorsque j’introduisais le magazine à des fans dans les conventions locales, souvent la première réaction était “Wow, cool, un magazine d’anime” puis, lorsqu’ils réalisait que c’était fait ici, la plupart disait “Ouach! Non, je ne suis pas intéressé.” Nous n’avons aucun distributeur au Québec (la vente ici se fait par abonnement ou par vente directe dans des boutiques spécialisées comme Cosmix ou le Marché Clandestin). Tout nos distributeurs Canadiens sont à Toronto. Au début, nous avons essayé, sans succès, un distributeur pour la vente en kiosques au Québec. Ce n’est que récemment que nous avons réussis à placer PA chez un distributeur de magazines Torontois. Ironie du sort, c’est par ce distributeur que le magazine se retrouve maintenant chez Chapters et Indigo à Montréal.
10) Selon vous, quelle population votre revue rejoint-elle? Québécois, japonais chinois…jeunes, adultes…?
CJP: Ethniquement, je crois que nous rejoignons tout les groupes. Le phénomène anime semble toucher tout les groupes ethnique, toutes les strates sociales, d’une façon relativement homogène. Notre lectorat cependant est surtout constitué d’adolescents et de jeunes adultes, quoiqu’un nombres important se retrouvent également dans le groupe d’âge de la mi-trentaine (ceux là regardent les animations avec leur enfants ou ados). Il y a dix ans, les fans d’anime étaient très majoritairement des garçons avec à peine 10% de filles. Avec une plus grande diffusion du phénomène par la télévision et le fait qu’on importe plus de séries avec des sujets plus succeptibles d’intéresser les filles (beaux héros masculins, drames sociales, introduction des genres Yaoi (relation “amoureuse” entre beaux garçons) et shojo) cette charactéristique démographique du marché est complètement changée. La répartition est maintenant plus dans l’ordre des 50/50 et même plus. Le week-end dernier j’étais à la convention Anime North à Toronto et la proportion semblait plus être de 70% de filles et 30% de garçons!
11) Prévoyez-vous sortir sur le marché des exemplaires de votre revue en français?
CJP: Non. Mon expérience avec la publication francophone (livres de science-fiction québécoise) m’a démontré que le marché ici est trop petit pour être rentable avec un produit niche et que le marché Européen, protectioniste et relativement fermé, est trop difficile à pénétrer.
12) Selon vous, qu’est-ce qui expliquerait que la japonisation est toujours grandissante au Québec?
CJP: Ce n’est pas un phénomène particulier. Je crois que c’est global en Amérique du Nord. Les gens sont blasé des choses d’ici et recherchent l’exostisme, particulièrement en Orient (et pas seulement au Japon). L’orient fascine. C’est pourquoi l’anime, le cinéma de Hong-Kong et Indien, les sushi bars sont soudainement très populaire et ont une grande influence sur la culture populaire.
Dernière question qui est un peu personnelle!
13) Quelles sont vos séries Manga ou Anime préférées?!
CJP: Ce n’est pas une chose facile à établir. Il y a tellement de bonnes séries (pour différentes raisons: l’histoire, la qualité de l’animation, la musique) qu’il me faudrait faire un TOP 50 si j’en avait le temps. J’ai déjà, il y a deux ans, établis mon TOP 5 comme suit: ESCAFLOWNE (série et film), tout les films de Hayao Miyazaki avec NAUSICAA en tête, AKIRA (qui a eut une influence profonde sur la culture populaire et la popularité de l’anime en général), ROBOTECH / MACROSS (puisqu’elle est à la source de mon épiphanie anime) et KIMAGURE ORANGE ROAD.
Mais se limiter à ces cinq là c’est oublier les BUBBLEGUM CRISIS, MEGAZONE 23, COWBOY BEBOP, GHOST IN THE SHELL, EVANGELION, PATLABOR, LUPIN III, GUNDAM, RECORD OF LODOSS WAR, GIANT ROBO, BIG O, YAMATO, GATCHAMAN, GOLDEN BOY, GUNBUSTER, NOIR, etc, etc.
Dans les séries que j’ai vu récement, je me dois de mentioner également MACROSS ZERO, RUROUNI KENSHIN SEISOU HEN, SENTO YUSEI YUKIKAZE, READ OR DIE, VOICES OF A DISTANT STAR (pour les OVAs) et GHOST IN THE SHELL: STAND ALONE COMPLEX, WOLF’S RAIN, RAHXEPHON, DOT HACK//SIGN, GUNDAM SEED, THE TWELVE KINGDOMS, X, WITCH HUNTER ROBIN, AI YORI AOSHI et HIKARU NO GO (pour les séries télé). Toutes sont excellentes et je les recommande.
Merci.
CJP: Tout le plaisir était pour moi!