Poésie du dimanche [002.021.059]

Même si parfois la vie…

Même si parfois la vie parait insignifiante
Même si parfois on a le cafard
Même si parfois ça ne vaut pas le prix
Même si parfois on connait la solitude

Même si parfois nous manque la plaine verdoyante
Même is parfois on se perd dans le brouillard
Même si parfois l’enfant quitte le nid
Même si parfois on rêve de béatitude

Cela vaut la peine de la vivre
Même si elle nous rend ivre
Sans jamais révéler ses mystères

N’ayez crainte de quitter votre mère
Pour aller au plus profond de l’univers
Car toujours vous reviendrez à la terre

Biset
1977/08/21
1978/05/03

Le poète du dimanche persiste avec ses horreurs de jeunesse qu’il a à peine peaufiné (changeant quelques mots ici et là pour favoriser le rythme ou la rime). Ne lui en tenez pas rigueur c’est juste pour égailler son humeur…

[ Translate ]

Monnaies anciennes 27

Les Julio-Claudiens (3)

Claudius (41-54 EC)

Comme je l’ai mentionné dans l’entrée précédente, Caligula (don’t je n’ai malheureusement aucune pièce car c’est un empereur très connu et recherché sans doute à cause du film de Tinto Brass) succède à Tiberius mais n’a régné que trois ans et dix mois. Son règne a bien commencé et il était bien aimé du peuple mais il est rapidement devenu mentalement instable. Il a chaviré en un despote sanguinaire et a été assassiné par sa garde rapprochée le 24 janvier 41. À l’encontre du sénat (qui aurait préféré restaurer la République) l’armée acclame le dernier des Julio-Claudiens, qui était resté dans l’ombre jusqu’alors, Tiberius Claudius Drusus. C’est un empereur que j’ai toujours apprécié (grâce à l’oeuvre de Robert Graves et son adaptation télévisée par la BBC où le rôle de Claudius est magnifiquement interprété par Derek Jacobi — et aussi sans doute à cause de l’homonymie).

Claudius est né à Lugdunum (Lyon) le 1er août 10 AEC. Il est le fils de Drusus (frère de Tiberius, fils de Tiberius Claudius Nero et de Livia Drusilla) et de Antonia (fille de Marcus Antonius et d’Octavia, la soeur d’Augustus). Il est tout l’opposé de son frère aîné Germanicus : il est tellement maladif et faible qu’il boite, a des mouvements de tête incontrôlés et des problèmes d’élocution, au point qu’on le considère dans sa famille comme un débile. Des historiens avaient proposé la poliomyélite ou la maladie de La Tourette comme diagnostique mais de nos jours on crois plutôt qu’il souffrait de paralysie cérébrale (infirmité motrice ou diplégie spastique) suite à un accouchement difficile. Il est néanmoins fort intelligent et studieux. Il grandit probablement dans l’entourage d’Auguste mais ne fera pas de carrière civile ou politique. Il ne sera sénateur pour la première fois qu’à l’âge de quarante-six ans, sous Caligula. Il se consacre plutôt à une carrière d’érudit, écrivant des livres d’histoire (sur le règne d’Augustus, sur les Étrusques, sur Carthage et même une autobiographie — mais aucun de ces ouvrages ne nous est parvenu). 

Si ses contemporains n’ont pas été tendre avec lui (encore une fois, les historiens romains (tel Tacite, Suétone ou Dion Cassius), qui provenaient surtout de la classe sénatoriale, ne donnent que rarement un traitement positif des empereurs qui se sont opposé au Sénat), les historiens modernes, eux, considèrent maintenant que son principat a été très prospère: il est un bon administrateur car il centralise le pouvoir, continue les réformes administratives d’Auguste (notamment dans la fiscalité et la législation), construit de nombreux monuments, poursuit l’expansion de l’empire en annexant des royaumes clients (Judée, Norique, Pamphylie et la Lycie) et conquiert la Bretagne, la Thrace et la Mauritanie. Claudius se marie quatre fois. Ses deux premières épouses (Plautia Urgulanilla et Ælia Pætina) sont sans véritable conséquence. Sa troisième épouse est Messalina, qui lui donne deux enfants (Britannicus et Octavia), mais ses moeurs scandaleuses et son implication dans des complots contre l’empereur l’amènent à être répudiée et exécutés en 48. Sa quatrième épouse est Julia Agrippina (fille de Germanicus et soeur de Caligula) qui convainc Claudius d’adopter son fils d’un précédent mariage (avec Cneius Domitius Ahenobarbus), Néro. Lorsqu’il meurt possiblement d’un empoisonnement le 13 octobre 54, à l’âge de soixante-quatre ans, Britannicus étant trop jeune c’est Nero qui lui succède. Claudius est immédiatement divinisé.

Je n’ai que deux pièces de Claudius qui ne sont malheureusement pas dans un très bon état.

IMG_8881-8883La première pièce est un relativement beau Quadrans (VG [Very Good], Ae [bronze], 16 mm, 2.787 g, payé 5£ à Londres le 1986/02/05, caractérisé par un dépôt vert et une triple égratignure dans le bas droit des deux côtés; die-axis: ↑↓) qui présente en avers l’inscription TI[BERIVS] CLAVDIVS CAESAR AVG[VSTVS] autour, non pas d’un portrait de l’empereur, mais d’un modius (une mesure de blé). Le revers nous offre l’inscription PON[TIFEX] M[AXIMVS] TR[IBVNICIAE] P[OTESTATE] IMP[ERATOR] CO[N]S[VL] DES[IGNATVS] IT[ERVM] (“Consul élu pour la seconde fois”) autour d’un large S[ENATVS] • C[ONSVLTO] (“avec la permission du Sénat”). Claudius reçoit la plupart de ses titres (Caesar, Augustus, Imperator, Pontifex Maximus, puissance tribunicienne) lors de son accession en 41. Il reçoit toutefois son second consulat en 42 (mais COS DES IT ne semble PAS être l’équivalent de COS II. Quel en est donc la signification?). Toutes les sources datent cette pièce de 41 EC.

Il est à noter que le quadrans est une dénomination monétaire de bronze de l’époque républicaine (une fraction [généralement le quart] de l’as) qui a survécu aux réformes monétaires d’Augustus et qui sera frappé jusque durant le règne d’Antoninus. Les quadrans émis sous le règne de Claudius sont assez connu car il n’en existe que deux types (d’avers): l’un représentant un modius, l’autre une main tenant une balance (RIC I: p. 118). Le modius, l’équivalent du boisseau, est une mesure de capacité pour les matières sèches (8.7 litres/1.9 gal) mais qui était surtout utilisée pour le blé. Comme Rome connait une pénurie de vivre au début du règne de Claudius, ce dernier s’empresse d’améliorer l’approvisionnement de la ville en blé et c’est sans aucun doute cette réforme qui est commémorée par cette pièce. L’approvisionnement en blé était évidemment important puisqu’il permettait la distribution de pain au peuple par l’empereur — une sorte d’assistance sociale pour l’époque et l’un des deux piliers de la paix sociale romaine: le pain et les jeux du cirques [panem et circenses] (Malgré les apparences, cette pièce ne commémore donc PAS une victoire contre une invasion de Daleks ! 🤣)

Sources: Wikipedia (Claudius [FR/EN]), Google; Sear RCV: 540, RIC I: 84, C 70, BMC 179; CoinAarchives, WildWinds, Numismatics, FAC (Claudius, Modius, COS DES IT, quadrans), ERIC (Claudius). Voir aussi ma fiche.

IMG_8876-8878La seconde pièce est un moins beau (ou à la rigueur passable) As (G [good] / Fair, Ae [Bronze], 24 x 26 mm, 5.835 g, payé environ $5, caractérisé par une contremarque en ⊕ sur l’avers; die-axis: ↑↓) qui représente un buste nu de l’empereur à gauche avec l’inscription TI[BERIVS] CLAVDIVS CAESAR AVG[VSTVS] P[ONTIFEX] M[AXIMVS] TR[IBVNICIAE] P[OTESTATE] IMP[ERATOR] P[ATER] P[ATRIAE] (on note une contremarque sur la tête). Le revers offre une Minerva casquée et drapée, debout à droite, tenant un javelot de la main droite et un bouclier arrondi dans la main gauche, avec un S[ENATVS] • C[ONSVLTO] dans le bas du champs de part et d’autre. Il n’y a aucune autre inscription. La représentation d’une “Minerve combattante (…) symbolise bien le règne de Claudius le soldat-érudit.” (RIC I: p. 119). On date ces pièces (de façon bien imprécise il faut le dire) selon la présence ou pas du titre de “Père de la Patrie” (que Claudius a reçu en 42) dans la titulature. Les pièces qui ne comportent pas le P.P. dateraient de 41-50 (comme dans RIC I: 100; ou parfois 41-42 selon d’autres sources). Les pièces où le P.P. apparait dateraient de 50-54 (comme dans RIC I: 116). Dans le cas de ma pièce, cette partie de l’inscription n’est pas vraiment lisible mais la position de l’inscription (le CAESAR par exemple) par rapport à la tête m’incline à penser que l’inscription inclus le P.P. et donc que la pièce date de 50-54 EC.

La présence d’une contremarque rends cette pièce intéressante. Une contremarque est une marque poinçonnée sur une pièce après qu’elle ait été mise en circulation pour indiquer soit un changement de valeurs, soit une mise hors-circulation, une remise en circulation ou encore pour des raisons de propagande. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un cercle divisé en quatre quartiers (⊕, quartered circle en anglais et aussi appelé “sun cross”). Je n’ai cependant trouvé aucun exemple de contremarque similaire. Il pourrait s’agir d’une marque postérieure à l’Empire Romain (possiblement au Moyen-Âge?)…

Sources: Wikipedia (Claudius [FR/EN], countermark, Minerve), Google, Sear RCV: 539, RIC I: 100 / 116; CoinArchives, numismatics, acsearch, acsearch, coinproject, ARC, Wildwinds, Wildwinds (text, image), CoinTalk, CoinTalk, FAC (Minerva, countermark), Museum of countermarks. Voir aussi ma fiche. 

Bibliographie:

Si il est relativement aisé d’attribuer une pièce de monnaie à un empereur précis, il est beaucoup plus difficile d’obtenir une datation exacte. Il faut que la pièce soit en suffisamment bon état pour pouvoir lire l’inscription et que celle-ci contienne une titulature datable. Dans tout les cas, ces pièces de monnaie nous fournissent des éléments pour mieux comprendre la société romaine et son histoire. 

[ Translate ]

Images du mer-fleuri [002.021.055]

Chenopodium quinoa

[ Nikon D3300, Jardin botanique, 2018/06/26 ]

DSC_0950Le quinoa (qui porte le même nom en anglais) est une espèce de plante herbacée à fleurs de l’ordre des Caryophyllales, de la famille des Chenopodiaceae (ou Amaranthaceae en classification APG III) et du genre Chenopodium. Il en existe plus de trois milles variétés. Si elle est surtout connu pour ses graines, elle n’est toutefois pas une gramminée et est en fait plus proche de plantes comme l’amarante, la betterave ou l’épinard que des céréales comme le blé, le riz ou l’orge. Elle est donc considéré comme une pseudo-céréale (tout comme le Sarrasin ou la Chia). Elle est cultivé depuis des millénaires en Amérique du Sud et son nom dérive de kinwa en langue quechua. Elle a longtemps été ignoré des Européens car elle a un goût plus amère (due à la saponine de l’enveloppe) et sa farine (qui ne contient pas de gluten) n’est pas panifiable. La graine de quinoa est très nutritive car elle est non seulement riches en protéines mais aussi en minéraux, vitamines et antioxydants. Dès les années ’70 sa culture s’est étendu à l’Amérique du Nord et à l’Europe, pour devenir la coqueluche des passionnés de nourriture saine. Ici il s’agit du cultivar “Oro di Valle”. (Source: Wikipedia)

[ Translate ]

Les années douces

AnnéesDouces-covUn récit pudique et délicat, tissé de bonheurs fugaces et d’enchantements saisis au vol : Jirô Taniguchi au meilleur de son art.

Dans le café où elle a ses habitudes, une trentenaire, Tsukiko, fait la connaissance d’un homme solitaire et élégant, de plus de trente ans son aîné. Elle réalise qu’elle le connaît : il fut autrefois son professeur de japonais. Elle est célibataire, il est veuf. Complices, ils prennent l’habitude de se revoir dans le même café, au hasard de leur emploi du temps, puis, bientôt, d’improviser des sorties ensemble. Insensiblement, à petites touches légères, une connivence s’établit, puis une véritable affection, et peut être même… Ce sont ces rencontres que retracent une à une les chapitres des Années douces, chacune comme une histoire à part entière : la cueillette des champignons, les poussins achetés au marché, la fête des fleurs ou les vingt-deux étoiles d’une nuit d’automne.

[Texte du site de l’éditeur; voir aussi la couverture arrière]

(Attention, lire l’avertissement de possible divulgacheurs)

AnnéesDouces-p009

Page 9

Les années douces (センセイの鞄 / Sensei no Kaban / lit. “La mallette du maître”) est un manga seinen par Jirô Taniguchi d’après le roman de Hiromi Kawakami. Ce dernier a été sérialisé dans le magazine Taiyo (Heibonsha) entre juillet 1999 et décembre 2000 avant d’être compilé en un volume en juin 2001. Il a par la suite été réédité en format poche chez Bungei Bunko (Bungei Shunju) et Shincho Bunko (Shinchosha). La version française est publiée aux Éditions Philippe Picquier. Il a été adapté en un téléfilm  et en manga. L’adaptation manga a été prépublié dans le magazine bimensuel Manga Action (Futubasha) entre novembre 2008 et décembre 2009 avant d’être compilé en deux volumes en 2009 et 2010. Casterman a publié les deux volumes en français en 2010-11, puis les a réédité dans une version intégrale en mars 2020.

Tsukiko Omachi est une “Office Lady” dans la trentaine qui mène une vie plutôt solitaire, car elle trouve qu’elle n’est pas trop adapté au “mode de vie des adultes”. Un soir, dans l’izakaya qu’elle a l’habitude de fréquenter, elle fait la rencontre d’un homme plus âgé, dans la soixantaine, qui lui semble vaguement familier et qui apprécie les même choses qu’elle. Elle réalise qu’il s’agit de son ancien professeur de littérature japonaise au lycée. Comme elle ne se souvient pas de son nom, elle l’appelle simplement “le maître” (Sensei) et ce nom lui est resté — même si finalement elle se rappelle qu’il s’agit de Harutsuna Matsumoto. Au fil des rencontres dans ce même izakaya va se développer une relation d’amitié, puis de tendre complicité. Et, même si elle sort parfois avec Kojima, un collègue du lycée, ses pensées reviennent toujours au maître…  Lorsqu’ils commencent à se donner rendez-vous ailleurs qu’au bistrot, cette amitié évoluera vers une véritable affection et, pourquoi pas, une relation amoureuse.

C’est un récit très anecdotique divisé en dix-neuf chapitres (ou “rencontres”): La lune et les piles, Les poussins, Vingt-deux étoiles, La cueillette des champignons (1 et 2), Nouvel an, Renaissances, Fête des cerisiers (1 et 2), La chance, Orage de mousson, L’île (1 et 2), Sur la grève (un rêve), Le grillon, Au parc, Le cartable du maître, Parade (1 et 2). Je comprend fort bien pourquoi Taniguchi a voulu faire cette adaptation, car cette histoire s’apparente très bien avec sa thématique de déambulation gastronomique qu’il a mainte fois utilisée dans des récits comme L’Homme qui marche, Le Promeneur ou Le Gourmet solitaire. C’est un très beau récit — lent et contemplatif — qui se lit plutôt bien et qui, comme la vie des personnages de Taniguchi, se savoure tranquillement. L’artiste a atteint le sommet de son art et l’on voit sa maîtrise tant dans la mise en page que dans son magnifique style précis et détaillé. 

Les années douces est un très bon manga que j’avais déjà lu lors de sa sortie en deux volumes et que je me suis fait un plaisir de relire avec la parution de l’intégrale. C’est du Taniguchi à son meilleurs…

Les années douces, par Jirô Taniguchi, d’après l’oeuvre de Hiromi Kawakami (Traduction par Elisabeth Suetsugu, adaptation par Corinne Quentin). Paris: Casterman (Coll. Écriture), mars 2020. 440 p., 17.3 x 24.1 cm, 24.95 € / $C 48.95. ISBN 978-2-203-20319-8. Pour lectorat jeune adulte (16+).  stars-3-5

Vous trouverez plus d’information sur les sites suivants:

[ AmazonGoodreadsGoogleNelliganWorldCat ]

© PAPIER / Jiro TANIGUCHI / Hiromi KAWAKAMI, 2008. © Casterman, 2020 pour la traduction française.

[ Translate ]

POÉSIE DU DIMANCHE [002.021.052]

Je vous dis merde

À vous tous, je vous dis merde
Car je sais que j’vous emmerde
Vous m’avez persécuté
Vous m’avez désavoué

Je vois que vous espérez
Me voir périr
Je vois que vous désirez
Me voir souffrir

Je pars dans mon désert
Je pars en solitaire
Je pars m’isoler
Je vais me retirer
De cette société
Qui est de vous peuplée

Je ne fait pas d’adieu
Je pars vivre heureux
Et sans du sujet me perdre
Je vous dis merde

Biset
1976/02/27

Le poète du dimanche vous offre encore une oeuvre de jeunesse sortie de ses vieux tiroirs. Rien de bien sophistiqué et qui ne respecte aucunes règles poétiques si ce n’est que c’est en vers. Cela exprime la rébellion de l’adolescent qui souffre d’intimidation et ne se sent pas accepté par une société qui lui semble si incompatible avec ses rêves et ses aspiration. Il la rejète et aspire à la solitude — tout en gardant une touche d’humour. J’avais treize ans. Blessé mais toujours narquois. Comme c’est mon habitude je n’ai changé que quelques mots ici et là pour balancer la métrique de certain vers, éviter les répétitions et resserrer un peu le sujet. J’aime bien…

[ Translate ]

L’Appel de Cthulhu

AppelDeCthulhu-covQuand Francis Thurston hérite des possessions de son grand-oncle archéologue, il se retrouve lié à la tragique destinée du vieil homme… D’après ses papiers, le défunt scientifique enquêtait sur une religion étrange : le culte de Cthulhu. Une mystérieuse gravure représentant son dieu dépeint un monstre cauchemardesque ! Selon le journal laissé par le professeur, cette tablette est l’œuvre d’un artiste qui l’a créée en pleine nuit, alors qu’il était assailli de visions d’une cité fantastique habitée par une créature gigantesque.

Or, ce phénomène a eu lieu le lendemain d’un séisme d’une intensité inégalée, qui a affecté des hommes dans plusieurs contrées… Qu’est-ce qui a bien pu perturber ainsi l’équilibre du monde ? Intrigué par ces écrits, Francis reprend le flambeau et se lance sur la piste du culte, au cœur des ténèbres… 

Des États-Unis à l’Europe en passant par les étendues glacées du Groenland, l’horreur se niche partout ! Avec L’Appel de Cthulhu, H. P. Lovecraft donne une ampleur et une cohérence nouvelles à son univers en reliant les indices éparpillés dans ses récits. Aurez-vous le courage d’affronter la réalité ainsi dévoilée ?

[Texte du site de l’éditeur et de la couverture arrière]

( Attention, lire l’avertissement de possible divulgacheurs )

L’Appel de Cthulhu (クトゥルフの呼び声 ラヴクラフト傑作集 / Kutourufu no Yobigoe – ravukurafuto kessaku-shū / “Appel de Cthulhu – Chefs-d’œuvre de Lovecraft”) a d’abord été publié en feuilleton dans Comic Beam (de mai à novembre 2019), un magazine mensuel de Enterbrain (Kadokawa), avant d’être compilé en un volume en décembre 2019. Ce manga seinen par Gou Tanabe adapte la nouvelle de trente-deux pages The Call of Cthulhu écrite par H.P. Lovecraft en 1926 et publié dans Weird Tales en février 1928. La version française de cette adaptation est paru chez Ki-oon en septembre 2020. 

Gou TANABE a adapté en manga de nombreux récits de Lovecraft: The Outsider (2007), The Hound and Other Stories (2014, publié en anglais chez Dark Horse et qui inclus “The Hound,” “The Temple,” et “The Nameless City”), The Colour Out of Space (2015, traduit en français chez Ki-oon), The Haunter of the Dark (2016, à paraître en français chez Ki-oon en mars 2021 sous le titre Celui qui hantait les ténèbres), At the mountain of madness (2016-17, publié en anglais chez Dark Horse et en français chez Ki-oon, et dont j’ai déjà commenté le volume 1 et le volume 2), The Shadow Out of Time (2018, publié en français chez Ki-oon et que j’ai récemment commenté), The Call of Cthulhu (2019, publié en français chez Ki-oon en septembre 2020). Sa plus récente adaptation est The Shadow Over Innsmouth (インスマウスの影 / Innsmouth no Kage) publié dans Monthly Comic Beam entre juin 2020 et mars 2021. 

AppelDeCthulhu-p144

Page 144

Cette histoire retrace l’enquête menée par l’anthropologue Francis Wayland Thurston après avoir découvert dans les affaires de son grand-oncle George Gammell Angell, un professeur de langues sémitiques, un étrange bas-relief et un manuscrit relatant différents événements étranges s’étant tous déroulés entre le 28 février et le 2 avril 1925. Dans un premier cas, un jeune sculpteur de Providence nommé Henry Wilcox fut épris d’une fièvre et d’un délire durant lequel il créa un bas-relief représentant des hiéroglyphes mystérieux et une figure humanoïde dont “la tête pulpeuse entourée de tentacules surmontait un corps écailleux et grotesque muni d’ailes rudimentaires.” Wilcox vint voir Angell dans l’espoir qu’il puisse identifier l’origine de sa vision mais sans succès. 

Toutefois le récit du sculpteur rappela à Angell un événement similaire dont il prit connaissance lorsqu’un inspecteur de police de la Nouvelle-Orléans, John Legrasse, se présenta en 1908 à une réunion de la Société américaine d’archéologie tenue à Saint-Louis (MO) afin de faire identifier une idole mystérieuse. Elle représentait un monstre anthropoïde accroupie sur un piédestal, sa tête était couverte de tentacules, le corps évoquait celui d’un phoque, les quatre membres étaient pourvues de griffes formidables et il possédait de longues ailes minces sur le dos. L’idole avait été confisqué à une secte vaudou pratiquant des rituels sacrificiels dans des marécages au sud de la Nouvelle-Orléans. Le professeur Webb se rappela avoir entendu parlé d’un culte similaire au Groenland. Ce culte adorait Cthulhu et les Grands Anciens, venus des étoiles, qui ne mourraient jamais mais dormaient dans la cité engloutie de R’lyeh. Ils communiquaient avec les hommes dans leurs rêves en attendant le jour où, lorsque les étoiles seraient propices, ils s’éveilleraient de leur tombeau de pierre et règneraient à nouveau sur la terre.

Alors qu’il tente de confirmer les recherches de son grand-oncle, Thurston tombe sur un article de journal australien mentionnant une idole bizarre découverte sur l’épave d’un yacht en Nouvelle-Zélande en avril 1925! Thurston se rends à Auckland, puis à Sydney et finalement Oslo pour retracer le marin norvégien, Johanson, seul survivant. Il apprends que celui-ci est décédé mais réussi à prendre possession du manuscrit où Johanson relate son aventure et qui s’avère la clé de tout le mystère. Un tremblement de terre avait fait ressurgir la cité de R’lyeh, permettant à Cthulhu d’envahir les rêves à nouveau. Les matelots abordèrent l’île et libérèrent l’abomination. Toutefois, heureusement, la vivacité d’esprit de Johanson avait permis de le replonger dans son sommeil. Mais pour combien de temps encore? Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn

Avec “Les montagnes hallucinées”, L’Appel de Cthulhu est probablement l’un de mes récits préférés de Lovecraft (que j’ai d’ailleurs relu et commenté récemment) car pour la première fois il présente assez clairement le mythe de Cthulhu auquel jusqu’alors il n’avait fait que de brèves allusions. C’est donc une oeuvre emblématique qui aura une grande influence sur l’imaginaire collectif. Gou Tanabe en fait une adaptation incroyablement fidèle. Le récit est fluide et décrit avec précision les événements, les personnages et les créatures — ce qui est un exploit puisque Lovecraft aimait bien rester vague dans ses descriptions — ce qui fait que le court texte de trente-deux pages se retrouve illustré en près de trois cents ! C’est même une amélioration sur le texte originale, parfois lourd et empêtré,  puisque sa clarté et sa précision le rend plus intéressant. L’ouvrage est aussi graphiquement superbe car Tanabe réussi bien à rendre l’aspect sombre du récit sans que les minutieux détails ne se perdre dans un excès de trames ou d’encre. L’effet est amplifié par le haut niveau de production de l’oeuvre, la qualité d’impression mais surtout la superbe reliure en simili cuir rouge qui lui donne un air ancien.

Si je ne suis guère susceptible à l’effroi cauchemardesque que ce genre de récit est censé provoquer, j’ai quand même trouvé que l’Appel de Cthulhu est une excellente lecture qui permet d’aborder (ou de découvrir) l’œuvre de Lovecraft sous un angle nouveau. J’ai aussi hâte de lire la prochaine adaptation de Tanabe, Celui qui hantait les ténèbres, qui devrait paraître imminemment en français chez Ki-oon.

L’Appel de Cthulhu (Les chefs-D’Oeuvres de Lovecraft, 5), par Gou TANABE (dessin) et H.P. Lovecraft (histoire). Paris: Ki-oon (Coll. Seinen), septembre 2020. 294 p. (272 pl.), 15 x 21 cm, 17 € / $C 31.95. ISBN 979-10-327-0663-3. Pour lectorat jeune adulte (16+). Extrait disponible sur le site de l’éditeur. stars-4-0

Vous trouverez plus d’information sur les sites suivants:

[ AmazonGoodreadsGoogleNelliganWikipediaWorldCat ]

© Tanabe Gou 2019

Voir mes commentaires sur les adaptations précédentes de Tanabe:

MontagnesHallucinées-t1-cov montagnes_hallucinees_02-cov Dans_lAbime_du_temps-cov CouleurTombeeDuCiel-cov

 

[ Translate ]

Revue de ‘zines [002.021.051]

Revue de ‘zines

Je constate que ma dernière chronique sur les périodiques et autres ‘zines dans mon champs d’intérêt remonte à un peu plus de trois mois. Ils s’accumulent sur ma table de chevet, encombrant mon tsundoku, et il est donc grand temps que je fasse un peu de rattrapage et que j’en épluche le contenu pour vous. 

Animeland #232 (Octobre – Décembre 2020)

Animeland-232En dossier de couverture on aborde le renouveau du shônen: on définit le genre (son public, ses auteurs), s’intérroge sur son étendu et présente quelques titres en exemples (The Promised Neverland, Chainsaw Man, L’Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen, Sword Art Online, My Hero Academia). En plus de la une, le numéro est divisé en trois grandes sections: “Focus” qui met en lumière divers sujet d’actualité (le distributeur de figurines Cosmic Group, le studio 2D Andarta, la société monégasque Shibuya Productions, l’histoire de Anime News Network, l’historique des webtoons, Petit Vampire et un entretien avec son créateur, Joann Sfar); “On a vu” introduit quelques animation notoires (Josep, Phil Tippett: Des rêves et des monstres, Déca-Dence, Denno Coil, Futariwa Precure, The God of High School, Japan Sinks 2020, RE: Zero: Starting Life in Another World, My Hero Academia: Heroes Rising, Calamity, Weathering with You, Maquia, Fritzi, Great Pretender, Ronja: Fille de Brigand); Et le numéro se conclut sur une série de chroniques (Musique [OST de Japan Sinks 2020 par Kensuke Ushio], Entretiens [avec l’équipe de En sortant de l’école et avec les réalisateurs de GitS_2045 Shinji Aramaki et Kenji Kamiyama], Séance Studio [Studio Trigger], Jeu vidéo [The Last of Us Part II], l’animation dans la Pub [Nescafé], Figure de Pro [Santiago Montiel], Pourquoi [images par seconde], Trouvaille [Séoul Station], et Humeur).

Animeland reste encore le meilleur magazine du genre (il n’en reste plus beaucoup). C’est très riche en information (quoi que je déplore toujours la disparition de la section dédiée aux mangas). Même si cela reste très cher à 13.50 € / 20.99 CAD (mais heureusement il y a les bibliothèques publiques) c’est tout de même 146 pages d’information compacte qui offre une lecture essentielle pour tous amateurs francophone d’anime. stars-3-5

Capsules

dBD #146 (Septembre 2020)

dBD-146À la une de ce numéro on retrouve un interview avec François Boucq (au sujet de New York Cannibals, en collaboration avec Jerome Charyn chez Éditions du Lombard). On poursuit avec des interviews de Corbeyran (qui a écrit quatre cents scénarios de BD!), Pierre-Henry Gomont (pour La fuite du cerveau chez Dargaud), Patrick Prugne (pour Tomahawk chez Éditions Daniel Maghen), et Bérengère Orieux (des Édition Ici Même). On retrouve aussi un article sur les Picture discs.

Dans le “Cahier Critique” je note surtout Yawara! T.1 de Naoki Urasawa chez Kana (Bien; “Importance de la transmission, adversité, coups bas et fougueux combats donnent du relief à ce manga très célèbre publié au Japon dès la fin des années 80”), Fairy Tail – City Hero t.1 par Ushio Ando chez Pika (Bien; “une série policière décalée, pour les fans de la série d’origine”), Tokyo Tarareba Girls T.1 par Akiko Higashimura chez Le Lézard Noir (Super; “album sortie en 2014 (…) ce premier volume de la série risque fort de dépasser le public habituel du drama manga”), Shino ne sait pas dire son nom par Shuzo Oshimi chez Ki-oon (Bien; l’histoire d’une jeune fille atteinte d’un trouble de la parole), So I’m a spider, so what? T.1 par Asahiro Kakashi chez Pika (Bof; “assez superficiel et surtout répétitif”), Les enfants du temps T.1 par Wataru Kubota chez Pika (Super; adaptation en manga du film de Makoto Shinkai Weathering with You, “met en perspective le Japon rural (…) et son pendant urbain. Une belle réussite, qui ne fait pas injure au long-métrage”), et Iruma à l’école des démons T.1 par Osamu Nishi chez Nobi-Nobi (Super; “tordant à souhait!”).

L’habituel déluge d’information de BD; heureusement qu’il a dBD pour nous parler des nouvelles parutions en mangas ! À lire (même si c’est cher — 8.90 € / $C15.99 pour 100 pages [aussi disponible en numérique pour 4.99 €] — mais cela vaut la peine et on le trouve aussi dans les bibliothèques publiques). stars-3-0

Capsules

dBD #147 (Octobre 2020)

dBD-147À la une de ce numéro on retrouve un interview avec Frank Pé (sur Little Nemo et La bête T.1 chez Dupuis et l’artbook Une vie en dessins chez Dupuis-Champaka). On poursuit avec des interviews de Baru (sur Bella ciao T.1 chez Éditions Futuropolis), Julie Rocheleau, Benoit du Peloux (sur Tracnar & Faribol aux Éditions Bamboo), Jordi Lafebre (sur Malgré Tout chez Dargaud), Beate & Serge Klarsfeld (sur Beate & Serge Klarsfeld: Un combat contre l’oubli par Pascal Bresson et Sylvain Dorange aux Éditions La Boite à Bulles), et Derib (sur Yakari: Le fils de l’aigle aux Éditions du Lombard). On trouve également un court hommage à André-Paul Duchâteau (créateur de Ric Hochet et auteur de polar) et un article sur deux grosses parutions chez Taschen (The History of EC Comics par Grant Geissman et Masterpieces of Fantasy Art par Dian Hanson, chacun faisant plus de cinq-cent pages et coûtant 150 € / $200 !).

Dans le “Cahier Critique” je note qu’on a regroupé sur deux pages une sélection des nouveautés mangas mais je n’y ai trouvé rien d’intéressant… Ceci est donc un numéro un peu pauvre. stars-2-5

Capsules

dBD #148 (Novembre 2020)

dBD-148À la une de ce numéro on retrouve un interview avec Didier Convard (sur Lacrima Christi T.6 avec Denis Falque chez Glénat et Neige T.14 avec Christian Gine chez Glénat). On poursuit avec des interviews de Bertrand Escaich/Caroline Roque [BeKa] et José Luis Munera (sur Les Tuniques Bleues T.65: L’envoyé spécial chez Dupuis), David Vandermeulen et Daniel Casanave (sur Sapiens, la naissance de l’humanité T.1 avec Yuval Noah Harari chez Albin Michel), Nicolas Juncker (sur Octofight T.3: Euthanasiez-les tous! avec Chico Pacheco chez Glénat, coll. Treize Étrange), Claude Gendrot (éditeur chez Pif Gadget, Métal Hurlant, chez Dupuis et chez Futuropolis depuis 2006), Noémie Honein (sur De l’importance du poil de nez chez Sarbacane) et William (sur Les Sisters T.15: Fallait pas me chercher! chez Bamboo). On trouve également un article sur l’exposition “Vinyle, quand la musique se dessine” à la Médiathèque musicale de Paris sur les pochettes illustrées. On nous présente aussi des sketch et travaux préparatoires de Luigi Critone qui vient de remplacer Enrico Marini pour Le Scorpion T.13: Tamose l’Égyptien (avec Stephen Desberg chez Dargaud). 

Dans le “Cahier Critique” je note encore une fois surtout des mangas: The Alexis Empire Chronicle T.1 par Awamura & Sato chez Doki-Doki (Super; “Pur récit d’heroic-fantasy (…) brille par sa maîtrise des codes du genre (…), Graphiquement le résultat est également d’excellente facture, notamment lors des scènes de bataille”), La jeunesse de Yoshio par Yoshiharu Tsuge chez Cornelius (Super; “rassemble sept histoires parues en 1973 et 1974. C’est un condensé d’autobiographie à peine déguisée, sans fard, peignant avec acidité le quotidien d’auteurs méprisés. Alors évidemment, c’est sombre, sordide même”), L’Appel de Cthulhu par Gou Tanabe chez Ki-oon (Super; “Grâce à son dessin à la fois précis et charbonneux, le mangaka installe une ambiance de fin du monde”), Spy x Family T.1 par Tatsuya Endo chez Kurokawa (Super; “véritable phénomène au Japon (…) sous son apparence de classique de comédie d’espionage (…) cache (…) une intéressante étude de personnage”), A journey beyond heaven T.1 par Masakazu Ishiguro chez Pika (Super; “une belle découverte”), L’Oxalis et l’or T.1 par Eiichi Kitano chez Glénat (Bien; “un premier volet convaincant”), et My Hero Academia – Team Up Mission T.1 par Horikoshi & Akiyama chez Ki-oon (Super).

Encore un numéro plein à craquer d’infos… stars-3-0

Capsules

Solaris #215 (Été 2020, vol. 46, #1)

Solaris-215La nouvelle formule de Solaris, une revue littéraire format livre qui se veut “l’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire”, a déjà vingt ans !  On y retrouve six nouvelles de science-fiction, un article et les chroniques littéraire habituelles (“Les littéranautes” commentant les parutions locales et “Lectures” commentant le reste — pour la liste des titres commentés voir la table des matières en ligne). Le volet fiction comprends:

  • Les Épinettes à corneilles”, par Josée Bérubé, qui est le texte lauréat du Prix Solaris 2020.
  • Solitude”, par Alain Ducharme, qui “s’interroge, entre autres, sur les difficultés d’appartenance et d’identité lorsque plus rien ne nous est familier”.
  • Dernières Vacances de la femme-termite”, par Michèle Laframboise, qui “nous emmène en voyage littéralement au-dessus des nuages”.
  • Presque le paradis”, par Gabriel Veilleux, “où l’on suit un narrateur anonyme envoyé par la colonie pour déminer une vaste zone criblée d’engins explosifs”.
  • Dans “L’Effet quantocorticoïde”, par Claude Lalumière, “Maxim est en pleine adrénarche, ce qui permet de voyager Outrepart et de vivre des aventures extraordinaires en Outretemps, comme tous les enfants avant leur puberté”.
  • Gris”, par Dave Côté, où “après l’explosion du super-volcan Yellowstone, deux amis décident de traverser la frontière pour looter les maisons vides à Chicago. Un bon plan qui ne peut pas rater, pas vrai?”

Le seul article du numéro est un épisode des “Carnets du Futurible”, par Mario Tessier, consacré à “La pandémie en littérature, en image et en musique — ou la peste en 10 repères choisis”. Le Futurible nous offre des articles qui arrive toujours à point pour nous faire réfléchir à l’actualité — mais à travers la littérature et les médias. Comme à son habitude, c’est fort intéressant. 

Personnellement, je ne suis pas très amateur de courtes fictions et je lis Solaris surtout pour les articles mais ce périodique demeure un excellent moyen pour prendre le pouls des littératures de l’imaginaire. À lire. stars-3-0

Capsules

Solaris #216 (Automne 2020, vol. 46, #2)

Solaris-216Ce numéro de Solaris offre une thématique un peu funèbre et rends en quelque sorte hommage à Jean-Pierre Laigle (connu à une autre époque comme Jean-Pierre Moumon), chercheur et spécialiste de l’imaginaire, qui est décédé en juillet dernier. Il présente trois nouvelles, deux articles ainsi que les chroniques littéraire habituelles (“Les littéranautes” commentant les parutions locales et “Lectures” commentant le reste — pour la liste des titres commentés voir la table des matières en ligne). Le volet fiction comprends:

  • “Là-bas”, par Natasha Beaulieu, qui se déroule dans le même univers que “Ici”, texte lauréat du Prix Solaris 2019 et publié dans le #211.
  • “Avant, la mort nous effrayait”, par Mariane Cayer, fait une “incursion dans le monde de la Sur-Vie”.
  • “La Cité des morts”, par Jean-Pierre Laigle, est une novella (41 p.) “qui aborde le thème de l’après-vie”.

Dans le volet documentaire on retrouve d’abord un article de Jean-Pierre Laigle (évidemment) intitulé “Lune contre Terre, Terre contre Lune : une rivalité catastrophique” et qui fait un historique exhaustif (40 p.) de la thématique des conflits lunaires dans l’imaginaire littéraire et cinématographique. Fort intéressant. Le second article n’est nul autre qu’un épisode des “Carnets du Futurible”, par Mario Tessier, cette fois consacré à la “Vie et mort des démocraties en science-fiction”. Encore une fois c’est on ne peu plus d’actualité. Il y traite de l’attrait des empires totalitaires et des dystopies fascistes en SF, des régimes politiques du futur, de la série “Le Prisonnier”, de la présidence américaine en fiction et il conclut en citant Thucydide ! Tout à fait génial.

Comme toujours, Solaris est la lecture idéale pour nourrir votre imaginaire… stars-3-5

Capsules

[ Translate ]

Monnaies anciennes 26

Les Julio-Claudiens (2)

Tiberius (14-37)

Je n’ai pas de pièce de Tiberius proprement dite mais j’ai une pièce grecque impériale que je crois avoir été frappée sous son règne… (Quoique, après vérification, je n’en suis plus si sûr. C’est le problème avec l’identification des pièces anciennes: parfois on ne pourra jamais obtenir une identification et une datation avec certitude. Je vous parle tout de même de Tiberius…)

Tiberius Claudius Nero est né le 16 novembre 42 AEC au sein d’une vieille famille patricienne (la gens Claudia). Il porte le même nom que son père (qui a été questeur et pontif sous César, ainsi que préteur sous le triumvirat) mais sa mère, Livia Drusilla, se remarie peu de temps après sa naissance (en 39 AEC) avec l’empereur Auguste. Il poursuit une carrière militaire selon le cursus honorum (tribun en 25, questeur en 23, préteur en 16, consul en 13, tribun de la plèbe en 6 AEC) et est adopté par Auguste en 4 EC. Lorsque ce dernier meurt, le 19 août 14 EC, il lui succède, à la demande du sénat et après quelques hésitations, le 18 septembre de la même année. Son règne est plutôt paisible: il maintient les frontières et fait une bonne gestion de l’empire. Toutefois, il est considéré par ses contemporains comme un tyran, probablement à cause de tout les complots qui l’ont entouré et parce que durant ses dernières années de règne (31 à 37), possiblement souffrant de paranoïa, il s’est renfermé dans sa villa de Capri.  Il meurt vraisemblablement de maladie le 16 mars 37 et, après que ses deux successeurs désignés (son neveu Germanicus et son fils Drusus II) soient mort dans des circonstances douteuses, il doit se rabattre sur le fils de Germanicus comme successeur, Caius Julius Cæsar Germanicus surnommé Caligula.

La pièce que je vous présente cette semaine est une monnaie romaine provinciale, qu’on appelle généralement grecques impériales. Comme je l’ai déjà expliqué dans le cas de ma magnifique pièce de Quadratus, les pièces grecques impériales se divisent en deux types. Il peut s’agir d’une monnaie frappée dans une province ou une colonie romaine mais qui conserve la dénomination impériale, la titulature et le portrait de l’empereur. Elles peuvent également être des pièces municipales (dites “quasi-autonome”), frappées par des cités grecques qui ont obtenu une permission spéciale de l’empereur. Ces dernières sont généralement en bronze et conservent des attributs locaux: dénominations locales (comme chalques ou oboles), inscriptions en grecs et, à la place de l’empereur, les avers représentent des divinités grecques (tels Zeus, Artemis ou Apollon) et les types de revers offrent une plus grande variété de sujets. Elles ont été émise en grande quantité à partir du premier siècle et pendant une partie considérable du deuxième siècle. Certaines des pièces les plus anciennes sont datées selon l’ère actienne, mais la plupart portent des dates de l’ère césarienne (WROTH, p. lix). 

IMG_8873-8874Ma pièce appartient au second groupe et est une petite dénomination en bronze (AE15) dans un assez bon état (VG/G [very good/good], Ae [bronze], 15 mm, 3.199 g, payé environ $5 le 1985/01/06, caractérisé par un dépôt verdâtre; die-axis: ↑↑). L’avers représente une tête laurée d’Apollon, à gauche, avec une inscription qui est illisible. Le revers illustre une lyre (ou possiblement une kithara) avec une inscription illisible dans le champs gauche (trois ou quatre caractères), un 𝜞 sur le dessus et un 𝜪 dans le champs droit. 

En procédant par comparaison, j’ai trouvé que ce type semble surtout prévalent à Antioche (province de Syrie, Seleucis et Pieria) — mais il n’y est cependant pas exclusif puisqu’on le retrouve dans d’autres cités comme Megara (selon HEAD, p. 329, mais il s’agit de pièces en argent datant du IIIe siècle AEC; il en recense également à Thera, Myrina, Mytilene, etc.). L’inscription de l’avers serait soit ΑΝΤΙΟΧΕΩΝ (Antiocheon / “[émis] par le peuple d’Antioche”) ou ΑΝΤΙΟΧΕΩΝ ΜΗΤΡΟΠΟΛΕⲰϹ (Antiocheon Metropoleus / “[émis] par le peuple de la cité d’Antioche”). L’inscription sur le revers serait ETO ou ETOY (abréviation de ETOYΣ (έτος) / “année”), le 𝜞 serait une marque d’officine (la troisième officine, celles-ci étant numérotées A, B et C) et le 𝜪 daterait la pièce de 21/22 EC (𝜪 = 70; 70 + -48/49 [début de l’ère Césarienne] = 21/22) soit la neuvième année du règne de Tiberius. Toutefois la plupart des exemples de ce genre de pièces (tant dans les références en ligne [Wildwinds, RPC] que bibliographiques [HEAD, p. 657 ou WROTH. p. 163-64]) sont plus tardives, avec des datations comme “ZOP” (177 = 128/29), sous Hadrien. Ce pourrait-il que les premiers et derniers caractères de la date aient été effacé ne laissant que le “O” de visible? Cela ne semble pas le cas. Et si j’ai vu des pièces similaires (Artemis / Lyre; cf. SEAR #5189 et WROTH, p. 161) datant du règne de Néron (𝝙I𝝦 = 114 = 96 EC), je n’ai trouvé aucun exemple de pièce datant de l’époque de Tibère. Malgré tout, si ce n’est pas une certitude, je continue à croire que ma pièce date de cette époque. C’est peut-être une pièce rare?

Une pièce intéressante qui nous fait bien découvrir que l’histoire et la numismatique sont loin d’être des sciences exactes…

Sources: Wikipedia (Tibère / Tiberius, Roman provincial currency), Google, FAC (Greek imperial coins, BMCGC III, shining Apollo, Greek imperial, Aera Caesariana, “Coin evidence concerning the Caesarean and Actian Eras”), Wildwinds (Antioch, example [text]), Classic coin collector, Lyre on coins, vcoins, CoinProject, eBay, CoinArchives, RPC (group, example). Voir aussi ma fiche.

Bibliographie:

[ Translate ]

Image du mer-fleuri [002.021.048]

Kniphofia triangularis

DSC_0963

[ Nikon D3300, Jardin botanique, 2018/06/26 ]

DSC_0964La tritoma (aussi appelé tisons du diable ou red hot poker” en anglais) est un genre de plante à fleurs de la classe des Liliopsida, de l’ordre des Liliales, et de la famille des Liliaceae selon la classification classique de Cronquist. Toutefois, selon la nouvelle classification phylogénétique (APG III – 2009), ce genre appartient à l’ordre des Asparagales et à la famille des Xanthorrhoeaceae. Originaire d’Afrique, il comprend plus de soixante-dix espèces. Son nom latin de Kniphofia rend hommage à Johann Hieronymus Kniphof, un botaniste allemand du XVIIIe siècle. Il est caractérisé par un épis conique de fleurs de couleurs rouge, orangé ou jaune, souvent bicolores, qui se dresse au-dessus du feuillage. Ses fleurs produisent un nectar abondant qui attire tant les insectes nectarivore (abeilles et papillons) que certains oiseaux (colibris et orioles). Dans ce cas-ci il s’agit de l’espèce Kniphofia triangularis triangularis (mais la fiche signalétique ne précise cependant pas le cultivar). (Source: Wikipedia)

[ Translate ]

Poésie du dimanche [002.021.045]

J’en ai marre de vivre cette vie

J’en ai marre de vivre cette vie
J’en ai marre d’être ce débris
De vivre dans ce trou
Sans un sous
Sans l’un de vous

De cette vie je vais m’éloigner
De cette vie je vais m’esquiver
Je vais filer, décamper
Je vais déguerpir, m’enfuir
De cette vie de suis lassé
Je veux en finir

Mais je dois subir mon sort
Mais je dois attendre la mort
Je suis lassé de vivre
Cette vie complètement ivre
Ivresse de folie
Cette folie de la vie

J’en ai marre de vivre cette vie
J’en ai marre d’être ce débris
De vivre dans ce trou
C’est fini, je sombre, voilà, je suis fou

Biset
1976/02/27

Le poète du dimanche continue à sortir des vers de ses vieilles malles. Ici je n’ai appliqué presqu’aucun changements. Ça ne respecte aucune forme poétique et c’est plutôt médiocre mais cela exprime bien les affres de l’adolescence… J’avais treize ans. C’est cela quand on lit, trop jeune, des poètes comme Nelligan et Beaudelaire. On oubli le cadre et on ne garde que la noirceur…

[ Translate ]

Brigitte Bardot

BrigitteBardot-cov“Aux quatre coins du monde, dès que l’on évoque le Brigitte Bardot, jaillissent les images de l’icône intemporelle du cinéma français. Beaucoup connaissent aussi son engagement farouche pour la cause animale. Mais qui elle est vraiment? Qui se souvient de son combat douloureux pour l’indépendance de l’Algérie? Qui devine sa fragilité derrière ses amours tumultueuses? Qui comprend son attachement à la France d’en bas et d’avant? La collection “Les Étoiles de l’Histoire” propose un regard inédit et empreint d’humour sur les légendes du Cinéma.”

“BB est une légende. Plus qu’un sex-symbol, Brigitte Bardot aura servi de modèle pour Marianne et incarné la France aux yeux du monde entier. Collectionnant les films comme les amants, l’amour et le désespoir, de Roger Vadim à Gainsbourg, elle incarne l’idéal féminin et la liberté sexuelle nouvelle de toute une époque.”

“En évitant la caricature, Bernard Swysen et Christian Paty manient l’humour à hauteur humaine pour décrire la femme derrière la légende. Ils se consacrent ainsi autant à sa carrière artistique qu’à son engagement pour la cause animale.”

[Texte du site de l’éditeur; voir aussi la couverture arrière]

(Attention, lire l’avertissement de possible divulgacheurs)

BrigitteBardot-p047

Page 47

Après Chaplin et Monroe, la collection “Les Étoiles de l’Histoire” s’attaque à Brigitte Bardot. L’album s’ouvre sur un avant-propos de Ginette Vincendeau et une préface de Mylène Demongeot pour se conclure avec une filmographie, une discographie, un note sur la Fondation Bardot et une dédicace de la star. Au centre on retrouve six parties: “Une étoile est née; où BB fera ses premiers pas en chaussons” (12 p.) nous raconte sont enfance et son intérêt pour la dance, “Le destin en marche, où BB découvrira le cinéma” (14 p.) nous raconte le début de sa carrière cinématographique, “La naissance d’un mythe, où BB deviendra blonde” (50 p.) nous raconte ses succès de Et Dieu… créa la femme (Roger Vadim, 1956) à L’Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise (Nina Companez, 1973), “Une nouvelle vie, où BB pourra enfin se consacrer à la cause animale” (32 p.) nous raconte les hauts et les bas de la Fondation BB, “Les liaisons dangereuses, où BB écornera son propre mythe” (8 p.) raconte comment elle s’acoquine avec la droite et ses démêlés judiciaires puis tout se termine dans “Toutes les bêtes sont à aimer, où BB continuera à sa battre pour les animaux” (4 p.).

Une BD sur BB. Cette biographie en images nous présente le style typique de la bande dessinée franco-belge (la ligne claire). Le dessin a une allure réaliste mais avec des visages légèrement caricaturés. C’est drôle et agréable. J’aime donc beaucoup le dessin et le récit biographique est intéressant. On en apprend beaucoup sur BB. Toutefois j’ai été un peu agacé par l’aspect panégyrique du récit qui clairement s’est donné pour objectif de défendre BB face à ses nombreuses critiques (il faut l’avouer sans doute souvent injustifiées), rétablir son image et faire la promotion de sa fondation. C’est tout de même intéressant à lire si vous vous intéressez à la biographie de cette star qui fut tout à la fois détestée et adulée.

Les Étoiles de l’Histoire t.3: Brigitte Bardot, par Bernard Swysen (scénario) et Christian Paty (dessin). Marcinelle: Dupuis (Coll. “Les étoiles de l’Histoire”), mai 2020. 136 pages (120 pl.), 21.8 x 30 cm, 22,00 € / $38.95 Can., ISBN 979-1-0347-4913-3. Pour lectorat adolescent (12+). stars-3-0

Vous trouverez plus d’information sur les sites suivants:

[ AmazonGoodreadsGoogleNelliganWikipediaWorldCat ]

© Dupuis, 2020.

[ Translate ]

Tokyo, amour et libertés

TokyoAmourEtLibertés-covUne histoire d’amour dans le Tokyo d’avant-guerre. Tokyo, 1926. Shinjuku est connu pour son quartier des plaisirs, Hanazono. Ishin, journaliste pour une revue érotique y rencontre Aki, une jeune métisse qui exerce le métier de modèle artistique. Dans une société aux mœurs libérées, leur relation sera pourtant empreinte d’une grande innocence. Cependant, l’ombre de la guerre vient menacer leur idylle…

S’inspirant de l’histoire de ses aïeuls, Kan Takahama nous livre un beau récit où s’entremêlent un érotisme subtil et une sensibilité que nous lui connaissons déjà grâce au Dernier Envol du papillon.

[Texte du site de l’éditeur]

Au quartier des plaisirs de Shinjuku, creuset de liberté où s’épanouit la contre-culture du Japon de l’entre-deux-guerres, Ishin, écrivain érotique en goguette, fait la rencontre d’Aki, une jeune métisse modèle pour des cours de dessin qui va bouleverser sa vie de bohème insouciante.

À travers cette tendre histoire d’amour, Kan TAKAHAMA dresse un portrait criant de vérité du Tokyo des années folles, une ère éphémère de libération et d’exubérance en marge de la militarisation du pays.

[Texte de la couverture arrière]

(Attention, lire l’avertissement de possible divulgacheurs)

Tokyo, amour et libertés (四谷区花園町 / Yotsuya-ku Hanazonochô / lit. “Arrondissement de Yotsuya, quartier de Hanazono”) est un manga josei par Kan TAKAHAMA publié au Japon chez Takeshobo en novembre 2013. La version française est parue en septembre 2017 chez Glénat.

TokyoAmourEtLibertés-p003

Page 3

Le récit débute en novembre 1926 (an 15 de l’ère Taisho) et nous offre les péripéties de Yoshimune “Ishin” Miyake, chroniqueur des quartiers de plaisirs et auteur de romans frivoles, et de Eijiro Aoki, éditeur du magazine “La porte de la sexualité”, qui tentent tant bien que mal de survivre malgré la répression et la censure de l’époque (si l’entre-deux-guerre débute avec une libéralisation de la société, l’ère Showa s’ouvre sur une crise financière qui, en réaction, mènera vers un gouvernement militariste et impérialiste). Le récit se déroule, comme le titre japonais du manga l’indique, dans le quartier des plaisirs de Hanazono de l’arrondissement Yotsuya. Aujourd’hui, le Golden-gai de Hanazono (lit. “quartier doré du jardin fleuri”) fait partie du Shinjuku Golden-gai, un quartier de bars légendaire pour sa vie nocturne et situé entre le quartier des divertissements de Kabukicho et le magnifique sanctuaire de Hanazono. Il est formée de six ruelles étroites dont trois portent le nom de Hanazono (la première [あ か る い 花園 一番 街], la troisième [あ か る い 花園 三 番 街] et la cinquième [あ か る い 花園 五 番 街] rues). C’était autrefois un quartier “red-light” mais, après l’interdiction de la prostitution en 1958, il est resté dédié au divertissement. 

TokyoAmourEtLibertés-p004

Page 4

Lors d’un cours de dessin, Eijiro et Ishin font la rencontre de Aki Tominaga, une jeune métisse nippo-espagnole de Bornéo qui sert de modèle nue. Ishin la revoie plus tard et en tombe amoureux. Lorsque Aki est arrêté lors d’une descente de police dans l’atelier de dessin et est accusé de soutien à un mouvement socialiste, Ishin se résout à demander à son oncle — qui est surintendant général de la police ! — de la faire libérer. Toutefois, celui-ci lui apprend que ses deux frères sont mort de la tuberculose et qu’il doit rentrer aussitôt à Kumamoto car il est maintenant le chef de famille. Aki le retrace et le rejoint mais comme il est d’une bonne famille il ne peut pas l’épouser. Lorsque la guerre éclate et qu’il est mobilisé en 1942, Aki s’occupe de sa mère, qui fini par l’accepter. Le reste de l’histoire nous est raconté par leur petite-fille. Ishin n’est pas revenu vivant de la guerre mais Aki était enceinte… et a vécu jusqu’à quatre-vingt-quinze ans. 

Dans la postface, Kan Takahama nous révèle qu’elle s’est un peu inspiré de son grand-oncle (frère ainé de sa grand-mère) Hidesaburo Tominaga pour le personnage de Eijiro — il était véritablement un éditeur de magazines. Ishin, lui, est un peu inspiré par son grand-père, qui s’appelait vraiment Yoshimune Miyake et qui, s’il n’était pas écrivain érotique, était un personnage fascinant qui est mort jeune, laissant sa grand-mère veuve. Leur amour a du être fort car elle ne s’est jamais remarié. C’est la découverte du journal de son grand-père qui l’a amené à créer cette histoire fictive. Ce genre d’histoire d’amour, avec beaucoup de nudité et de sexualité, constitue un thème qui lui semble cher car elle y revient fréquemment: d’abord avec Le Dernier envol du papillon (蝶のみちゆき / Chō no michiyuki) l’année suivante, puis avec la série La lanterne de Nyx (ニュクスの角灯 / Nyukusu no kakutō) et même, quatre ans plus tard, avec l’adaptation du roman de Marguerite Duras, L’amant (que j’ai déjà commenté).

Tokyo, amour et libertés nous offre de très beau dessins. Malgré des expressions faciales parfois drôle, le style est assez réaliste et utilise beaucoup de trames fines pour produire une grande variété de dégradés de gris. Chose amusante, la partie contemporaine du récit (à la toute fin) est réalisé au crayonné, sans doute pour marquer la différence d’époque. Si le récit est empreint d’érotisme, c’est aussi une belle histoire d’amour sur un fonds d’histoire japonaise. Le récit est un peu lent à démarrer mais nous offre en bout du compte une lecture agréable et intéressante, qui nous fait découvrir une période fascinante de l’historie nippone. C’est donc un très bon manga que je recommande chaudement, surtout aux amateurs de mangas historiques et aux fans de Kan Takahama.

Tokyo, amour et libertés par Kan Takahama (Traduction par Yohan Leclerc). Grenoble: Glénat (Coll. Seinen Manga), septembre 2017. 164 pages (158 pl.), , 14.5 x 21 cm, 10,75 € / $20.95 Can., ISBN 978-2-344-02261-0. Pour lectorat adolescent (16+). stars-3-5

Vous trouverez plus d’information sur les sites suivants:

[ AmazonGoodreadsGoogleNelliganWikipediaWorldCat ]

© Kan TAKAHAMA, 2013. © Glénat, 2017 pour l’édition française.

[ Translate ]

Monnaies anciennes 25

Les Julio-Claudiens (1)

J’avais sauté par-dessus la dynastie des Julio-Claudiens (d’Auguste à Néron) parce que j’ai très peu de pièces de monnaies de cette époque et qu’elles ne sont pas en très bon état (évidemment c’est la dynastie la plus fameuse alors elles sont plus en demande et donc plus chère) mais j’avais promis d’y revenir plus tard. Et bien, voici le moment…

Octavius-Augustus (27 AEC – 14 EC)

Caius Octavius est né le 23 septembre 63 AEC dans une famille aristocratique de l’ordre équestre qui avait fait sa fortune dans la finance à Velitrae. Mais ce n’est qu’avec son père que la famille des Octavii entre dans l’ordre sénatorial lorsqu’il devient le premier à obtenir une charge publique (questeur, puis préteur en 61 et gouverneur de Macédoine) devenant ainsi un homo novus. Par sa mère, qui était la nièce de Jules César, Octave appartient également à la famille des Iulii puisqu’il était le petit-neveu de César. Sous l’égide de ce dernier, Octave, malgré sa santé fragile, fait l’apprentissage de la vie civique et militaire notamment en Hispanie et à Apollonia d’Illyrie. Lorsque César est assassiné aux ides de mars 44 AEC, son testament fait d’Octave son héritier et fils adoptif. Il prends alors le nom de Caius Julius Caesar Octavianus (Octavien). Toutefois, il est beaucoup trop jeune (il a à peine vingt ans) et inexpérimenté pour espérer prendre le pouvoir. Il lui faudra dix-sept ans d’influences, d’alliances faites et défaites (le second triumvirat), de conflits (avec le sénat ou Marc Antoine), de guerres civiles (contre les Républicains, contre les alliés de Marc Antoine, contre Pompée, contre Marc Antoine) et même de guerres frontalières (contre les Parthes ou en Illyrie) pour y parvenir. 

Après la bataille d’Actium (en septembre 31) et le suicide de Marc Antoine et Cléopâtre (en août 30), Octavianus restaure la république (car il a toujours besoin du support du sénat) et partage le consulat avec Agrippa (en 28 et en 27). Il entreprend de faire le ménage parmi les sénateurs qu’il juge indique de la position et, en plus des titres de Imperator et Caesar Divi Filius (“fils du divin César” — César avait été divinisé en 42) qu’il avait déjà reçu en 30, le sénat lui décerne en 27 AEC les titres de Augustus (“le plus illustre”) et de Princeps (“le premier entre tous”). Il est dorénavant connu sous le nom d’Augustus. Dès lors, son règne est considéré non pas comme une dictature (comme pour Jules César) mais comme un Principat. Il enlève subtilement ses pouvoirs au Sénat mais ce n’est qu’en 23 AEC, alors qu’il obtient la puissance tribunitienne (potestas tribunicia), que l’on peut considérer qu’il a le pouvoir suprême. Il entreprends de profondes réformes politiques, sociales, administratives, et financières, fait construire de nombreux monuments, réorganise l’armée, agrandie (en Afrique, en Orient et en Germanie) et consolide (en Rhétie et Illyrie) les frontières afin d’établir la Pax Romana et de faire du monde romain un véritable empire. Il s’est lui même chargé d’énumérer ses accomplissements dans les Res gestae Divi Augusti (“Actes du divin Auguste”). Il meurt de maladie (quoi que sa troisième épouse, Livia Drusilla, est soupçonnée de l’avoir empoisonné) le 19 août 14 EC et son fils adoptif Tiberius (fils de Livia d’un premier marriage) lui succède. Ce dernier le fera immédiatement déifier. 

J’ai trois pièces de monnaies d’Auguste dans ma collection.

IMG_8868-8871Cet assez bel as d’Auguste (G [good], Ae [bronze], 24 x 25 mm, 10.669 g, payé environ $10 le 1985/11/18; Die-axis: ↑↑) nous offre sur l’avers la tête nue de l’empereur à droite avec l’inscription CAESAR. Le revers ne présente que l’inscription AVGVSTVS dans une couronne de lauriers. Selon Sutherland (RIC I) cette pièce aurait possiblement été frappée à Éphèse vers (ou à partir de) 25 AEC. D’autres sources sont plus vagues et parlent d’officines en Asie Mineure (Éphèse? Pergame?) avec une datation entre 27 et 23 AEC. Elle pourrait avoir été émise pour commémorer des événements locaux (comme la réorganisation des frontières orientales, mais celle-ci s’est déroulée surtout vers 22-20) ou, plus simplement (de par le symbolisme de la corona laureata), les victoires (Actium en 30) et nombreux honneurs (Augustus & Princeps en 27, pouvoir tribunicien en 23) qu’Auguste a reçu. Malheureusement, on ne peut pas être plus précis. Sources: Wikipedia, RIC I: 486, CoinArchives, numismatics, vcoins, FAC (Coronae); Sutherland, C.H.V. “The symbolism of the early aes coinages under Augustus” in Revue Numismatique, Année 1965, #7, pp. 94-109. Voir aussi ma fiche.

IMG_8545-8546Ce très bel as impératorial d’Auguste (F [Fine], Ae [Bronze], 26 mm, 9.942 g, acheté à Paris le 1986/02/07 pour 80 FF [± $16]; Die-axis: ↑↘︎) présente sur l’avers la tête nue de l’empereur à droite avec l’inscription TRIBVNIC[IA] POTEST[AS] • CAESAR AVGVSTVS. Le revers n’offre qu’un large S[ENATVS] • C[ONSVLTO] (“avec la permission du Sénat”) entouré de l’inscription L SVRDINVS III VIR AAA FF. Comme je l’ai déjà expliqué avec les pièces républicaines, à cette époque les pièces étaient encore frappées au nom du (ou des) magistrat monnayeur, qui était appelé triumviri monetales (abrégé III VIR) car ils étaient au nombre de trois. Leur titre était tres viri aere argento auro flando feriundo (abrégé III VIR AAAFF), ce qui signifiait “les trois hommes [chargés de] la préparation et la frappe des pièces de bronze, d’argent et d’or”. Dans ce cas-ci, il s’agit du triumvirat monétaire composé de CN F Piso, C Plotinus Rufus et de Lucius Neavius Surdinus. Sur ce dernier, nous savons seulement qu’il a été consul suffectus en 30, triumvir monetalis en 15 et préteur c. 10 (car une inscription commémore le fait qu’il ait fait refaire le pavé du forum). Cette pièce date définitivement d’après 23 AEC (date où Augustus a reçu la puissance tribunitienne) mais la date où a officié Surdinus varie selon les sources: on la place entre 23 et 9 AEC — Karl Pink la situe en 20 et le RIC en 15 AEC. Les sources récentes semblent toutefois tous s’entendre sur cette dernière date. Sources: Wikipedia, RIC I: 386, Cohen 473, CoinArchives, Numismatics, Numismatics, AncientCoins, acsearch, catawiki, vcoins, Wildwinds, FAC (Augustus, III VIR A A A F F);  Pannekeet, C. The moneyers issues under Augustus; Pink, Karl. The Triumviri Monetales and the structure of the coinage of the Roman Republic. (Numismatic Studies #7). NY, American Numismatic Society, 1952 (page 46). Voir aussi ma fiche.

IMG_8547-8548Ce très beau dupondius (F [Fine], Orichalcum [laiton], 27 mm, 13.222 g, payé $20 et caractérisé par un dépôt brunâtre dans le champs et une grosse cavité sur l’avers, dans le cou; die-axis: ↑↓ or 180º) est une pièce commémorative d’Augustus frappée sous Tiberius, son fils adoptif et successeur. L’avers présente une tête radiée de l’empereur, à gauche, avec l’inscription DIVVS AVGVSTVS PATER (“Divin Auguste, Père [de la Patrie]”). Sur le revers on retrouve simplement un large S[ENATVS] • C[ONSVLTO] (“avec la permission du Sénat”) dans une couronne de chêne. Sutherland (RIC I) date cette pièce entre 22/23 et 26 EC mais cette datation m’amène deux questions: pourquoi émettre un pièce commémorative aussi longtemps après la mort et la déification d’Auguste? et Comment Sutherland justifie cette datation? Je n’ai pas trouvé de réponse à la première question mais, pour la seconde, Sutherland explique dans un article que les experts se sont basé sur la comparaison entre la qualité de la frappe, le style du design des pièces commémoratives (notamment la conception de l’oeil de l’empereur et même la direction de l’axe de frappe [die-axis]) et les pièces de Tibère qui sont, elles, datées. Laffranchi les voit comparables aux émissions de dupondii avec des “Pietas”, “Iustitia” et “Salus”, datées de 23 EC environ alors que Sutherland s’entend avec Sydenham pour les trouver similaires aux pièces datées TR POT XXIIII, soit de 22-23 EC. Sources: Wikipedia, RIC I (Tibère): 79, CoinArchives, numismatics, Wildwinds, FAC (Pater, Divus Augustus Pater, Quercea Corona, die axis); Sutherland, C. H. V. “Divus Augustus Pater: A Study in the aes coinage of Tiberius” in The Numismatic Chronicle and Journal of the Royal Numismatic Society Sixth Series, Vol. 1, No. 3/4 (1941), pp. 97-116. Voir aussi ma fiche.

Aussi intéressantes qu’elles soient, ce sont des pièces bien sobres pour représenter ce personnage plutôt extraordinaire qui fut le premier de tous les empereurs romains… La semaine prochaine je vous propose une pièce grecque impériale (frappe provinciale) qui représente non pas l’empereur mais une divinité grecque et qui aurait été frappé sous Tiberius !

[ Translate ]

Image du mer-fleuri [002.021.041]

Eryngium giganteum

DSC_0958

[ Nikon D3300, Jardin botanique, 2018/06/26 ]

DSC_0959Le Panicaut géant (appelé “Miss Willmott’s ghost” en anglais) est une espèce de plante à fleurs vivaces de la classe des Magnoliopsida, de l’ordre des Apiales, de la famille des Apiaceae, et du genre Eryngium — dont on retrouve environ deux-cent-trente espèces. C’est un chardon vivace, quoique de courte durée, qui est originaire du Caucase en Asie occidentale. “Il produit des têtes ramifiées de capitules coniques vert pâle entourés de bractées épineuses en été. Les fleurs deviennent bleues à maturité. Elle meurt généralement après la floraison et est donc normalement cultivé comme une plante bisannuelle.” Son utilité est surtout ornementale mais elle est aussi comestible (tant les racines que les jeunes pousses). Elle fait partie de la flore obsidionale française (typique des lieux ayant subit des séquelles environnemen­tales). Elle est souvent associée au champignon Pleurote du panicaut et est appréciée par de nombreux insectes. Le cultivar le plus connu (illustré ici) est le “Silver Ghost”. Son nom scientifique provient du grec eryggos (“barbe de chèvre”, qui fait allusion à la pilosité de sa racine) et le nom vernaculaire français dérive du latin pane cardus (“pain chardon”, qui fait référence au fait que les racines cuites sont comestibles et que les feuilles matures sont piquantes). Le nom commun anglais fait référence à la jardinière britannique Ellen Willmott, qui gardait toujours des graines sur elle afin de les planter dans les jardins de ses collègues. (Source: Wikipedia)

[ Translate ]

Poésie du dimanche [002.021.038]

Mañana

Mañana, mañana
Tomorrow, morgen, zitra

Le navire surgit de l’espace-temps
Tous ses fulgurants crachant
Des flots de rayons énergétiques
Sur le vaisseau trans-galactique

L’écran de protection tint le coup
Les passagers exécraient contre ces fous
Ces pirates, ces parias, ces forbans
Qui s’attaquaient aux riches navires marchands

La victime put lancer un message sur hyper-onde
Qui parviendrait peut-être trop tard sur un monde
Bételgeuse, Altaïr, Arcturus, Nodus, Capella
Régulus, Rigel, Sirrius, Antarès ou Véga

Peut-être à de nombreuses années-lumières
Dans cet infini et merveilleux univers
Parviendra-t-il enfin à la Planète Mère
Depuis trois millénaire appelée Terre ?

Mais il fut capté par la garde de l’Empereur
Qui passant par là arriva sur l’heure
Faisant fuir le cruel oiseau de proie
Ce qui remplit les passagers de joie

L’Empire Galactique vivra
Nous Terriens avons du cran
Mais comme ce navire surgit du néant
Il n’est pour le moment je le crains
Qu’un songe de demain.
Mañana, mañana…

Biset Lermite
1978/05/08

Ah! L’optimisme de l’adolescence. C’était l’époque où je m’abreuvais de Asimov, Heinlein, Vance, de Fleuve-Noir et de Perry Rhodan. Je lisais une centaine de livres par année et je rêvais d’exploits lyriques dans un avenir sans limites. Encore une fois j’ai fait quelques petits changements (ajustement de métrique, changé un mot ou deux pour éviter les répétitions) mais sinon ce poème est tel que je l’ai écris alors que j’avais presque seize ans…

[ Translate ]

Monnaies anciennes 24

Les Royaumes Environnants 2

Empire Kouchan

Un peu plus à l’est de l’Empire Parthe (dont j’ai parlé la semaine dernière), se trouve un autre royaume avec lequel l’Empire romain a eut des relations commerciales et diplomatiques : l’Empire Kouchan — dont j’ai quelques pièces de monnaies. Les origines du peuple Kouchan remontent à une tribu indo-européenne Yuezhi (月氏), les Guishuang (貴霜, dont le nom occidentalisé deviendra “Kouchan”), qui vivait dans le bassin du Tarim (l’actuelle province chinoise de Xinjiang) avant d’être déplacé vers l’ouest au IIe siècle AEC — dans le grand jeu de boules des populations humaines — par les Xiongnu. Ils s’installèrent en Bactriane, déplaçant à leur tour vers le sud-est les populations du royaume hellénistique Gréco-Bactriens. Ils unifièrent d’abord sous leur bannière les cinq tribus Yuezhi, puis agrandirent leur territoire vers l’ouest en repoussant les tribus indo-scythes et conquérant le royaume indo-parthe, puis au sud dans la région de Gandhara (Indou Kush). À son apogée, au IIe siècle EC, l’Empire Kouchan s’étendra de la mer Caspienne à la vallée du Gange, et de la mer d’Aral jusqu’à l’embouchure de l’Indus, couvrant les actuels Afghanistan,  Pakistan et le nord de l’Inde. Vers le milieu du IIIe siècle, il sera absorbé par l’Empire perse des Sassanides au nord-ouest et par l’Empire Gupta au sud-est. Au IVe siècle, les derniers vestiges de l’Empire Kouchan formeront le Royaume kidarite.

L’Empire Kouchan était riche tant culturellement que économiquement. En plus de leur culture Tokharienne, ils ont intégré les cultures hellénistiques, indiennes et, dans une certaine mesure, persanes. Pour écrire ils utilisaient à la fois une version légèrement modifiée de l’alphabet grec ainsi que l’alphabet gāndhārī. Comme religion ils ont adopté l’hindouisme (particulièrement le culte de Shiva) et le bouddhisme. Le Gandhara était aussi un centre artistique où florissait l’art gréco-bouddhique. Finalement, l’Empire Kouchan était une plaque tournante de la Route de la soie, qui reliait l’Empire Romain à l’Empire Han. Il reprenait la route terrestre aux limites de  l’Empire Parthe mais aussi faisait la jonction avec la route maritime de l’océan Indien à travers la vallée de l’Indus. Ce commerce a fait grandement prospéré leurs trois grandes capitales administratives: Purushapura (Peshawar), Kapisa (Bagram) et Mathura. Les Kouchans ont aussi entretenu des relations diplomatiques tant avec les romains (les sources romaines mentionnent la visite d’une ambassade de Bactriane sous Trajan et Antonin le Pieux) que les Han (les sources chinoises, comme l’Encyclopédie Guanzi ou le Hou Hanshu, les mentionnent fréquemment).

Qui dit échanges commerciaux dit aussi échanges monétaires, et l’Empire Kouchan a produit une grande quantité de monnaie, surtout en or et en cuivre, avec très peu de pièces en argent. Les pièces de cuivre semblent avoir été frappé dans les ateliers des trois capitales régionales: Begram en Bactriane (où l’on retrouve le plus grosses pièces, faisant entre 12 et 16 g), Peshawar dans le Gandhara (8-10 g) et Mathura dans le nord de l’Inde (4 g). Je vous présente donc trois pièces kouchanes de ma collection. À noter que la chronologie des règnes est parfois controversés et change selon les sources.

Kadphises II (90-100 EC)

Ma première pièce est un beau tetradrachme (VG [very good], Cu [cuivre] / Ae [bronze] ?, 26 mm, 16.0403 g) typique du règne de Vima Kadphisès. L’avers représente le roi debout de face, la tête tournée à gauche, richement vêtu (portant un diadème avec de longs rubans, un grand bonnet, une tunique ouverte au genou et un pantalon bouffant), sacrifiant de la main droite devant un autel enflammé et la main gauche sur la hanche (tenant un sceptre? Le manteau? Sur le pommeau d’une épée?); dans le champs de chaque côté on retrouve un trident-hache à gauche et, à droite, une massue et un tamga (monogramme dynastique). L’inscription en grec bactrien (difficilement lisible) serait ΒΑϹΙΛΕΥϹ BACIΛEWN CWTHP MEΓAC ΟΟΗΜΟ ΚΑΔΦΙϹΗϹ (Basileus Basileuon Soter Megas Ooemo Kadphises / “Roi des rois Vima Kadphises le grand sauveur”). Le revers illustre Shiva (Oesho ?) drapé, debout de face et tenant un trident de la main droite, le bras gauche reposant sur la bosse du taureau Nandi derrière lui, à droite. Dans le champs, à gauche, il y a le symbole bouddhiste du Triratna ou un symbole Nandipada. L’inscription en scripte gāndhārī (illisible ici) reprendrait plus ou moins la titulature de l’avers: MAHARAJASA RAJADIRAJASA SARVALOGA ISVARASA MAHISVARASA VIMA KATHPHISASA TRADARA (Le grand roi, roi des rois, seigneur du monde, le Mahisvara (seigneur de la terre), Vima Kathphisa, le défenseur). Selon le poids de la pièce, elle aurait été frappé à Begram. C’est une intéressante pièce bilingue. Références: Wikipedia (FR/EN), Gardner #12-14 (pp.126-27), FAC.  Voir aussi ma fiche.

Vima Kadphisès (aussi appelé Kadphisès II ou Οοημο Καδφισης en grec bactrien) était le petit-fils de Kujula Kadphisès (30-80), le fils de Vima Takto (80-90) et le père de Kanishka (100/120-140/150). Il a mis en place une réforme monétaire basée sur le bimétallisme or / bronze (quoique, compte tenu de la couleur des pièces, le bronze devait contenir un très fort pourcentage de cuivre). Les pièces de bronze ont été frappées par millions et, comme les pièces d’or romaines et kouchanes ont le même poids (8 g), la très grande quantité de pièces d’or romaines résultant du commerce lucratif avec l’Occident était probablement fondue et refrappée à l’effigie du roi Kouchan. 

Huvishka (140/50-180/190 EC)

Cet assez beau tetradrachme (G [good], Cu [cuivre] / Ae [bronze] ?, 22 x 23 mm, 8.076 g, aux bords rognés possiblement pour se conformer à une réforme monétaire ultérieure) est une pièce de Huvishka. L’avers représente le roi (auréolé?) assis sur un éléphant à droite, tenant un ankuśa (aiguillon d’éléphant) et un sceptre avec l’inscription en grec bactrien (ici illisible) þAO þAONANO OOþKO KOþANO (Shao shaonano Ooishki Koshano / “Roi des rois, Huvishka le Kushan”). Le revers illustre Shiva (Oesho) nu, debout de face, avec seulement deux bras, tenant un trident (ou une lance?) dans la main droite et un autre object dans la gauche (selon les sources ce serait un flacon ou un vase (ou gourdin) avec une peau de lion (ou de cerf) — on retrouve un type similaire sur une pièce d’or de Vima Kadphisès en très bonne condition [troisième et quatrième illustrations]). Dans le champs on retrouve un tamgha (monogramme dynastique) à gauche et un symbol Nandipada à droite avec l’inscription en grec bactrien OKþO (Oesho). Considérant son poids, cette pièce aurait possiblement été frappé dans les ateliers du Gandhara.  Références: Wikipedia (FR/EN), Gardner #160 (p. 155), vcoins, vcoins, vcoins, FAC, CoinIndia, CoinArchives, A rough guide to Kushan history: The Devaluation of Huvishka’s Coinage [illustration de l’avers]. Voir aussi ma fiche.

Cet assez beau tetradrachme (G [good], Cu [cuivre] / Ae [bronze] ?, 22 x 25 mm, 16.023 g, aux bords rognés possiblement pour se conformer à une réforme monétaire ultérieure) est une autre pièce de Huvishka (illustré ici dans une intéressante posture — cette position, dites “du prince”, se retrouve plus tard dans l’art Indo-Oriental). L’avers représente le roi à demi-allongé sur un canapé ou un trône, le corps entier auréolé, la jambe gauche pendante, avec l’inscription en grec bactrien (ici illisible) þAO þAONANO OOþKO KOþANO (Shao shaonano Ooishki Koshano / “Roi des rois, Huvishka le Kushan”). Le revers illustre la divinité lunaire Mao, debout à gauche, avec des croissants lunaires sur les épaules, tenant la main droite en bénédiction et tenant le pommeau de son épée avec la main gauche. Dans le champs on retrouve à gauche un tamgha (monogramme dynastique) et à droite l’inscription en grec bactrien MAO. Considérant le poids de la pièce, elle aurait été frappé à Begram.  Références: Wikipedia (FR/EN), Gardner #176 (p. 157), vcoins, vcoins, vcoins, CoinIndia, A rough guide to Kushan history: The Devaluation of Huvishka’s Coinage [illustration du type]. Voir aussi ma fiche.

Huvishka (Οοηϸκι / “Ooishki” en grec Bactrien) était le fils et le successeur de Kanishka (lui même fils de Vima Kadphisès), qui par ses conquêtes contribua à l’expansion de l’Empire Kouchan. Son règne fut relativement paisible, consistant surtout en une période de consolidation qui formera l’âge d’or de l’Empire. Il vénérait le culte de Shiva mais aurait aussi adopté le bouddhisme mahāyāna. C’est sous son règne que l’on a frappé la plus grande quantité de pièces d’or (presqu’autant que tout les autres monarques combinés) avec une grande variété de types. Toutefois, pour les pièces de bronze, on retrouve que trois types d’avers (le roi assis sur un éléphant, ou allongé sur un canapé (ou trône), ou assis les jambes croisées sur un coussin) conjugés avec une dizaine de types de revers illustrant une divinité debout (Ardoksha, Athsho, Herakles, Mao, Miiro [Mithra], Nana, Oedo, Oesho [Shiva] et Pharro), flanquée d’un symbole dynastique à gauche et du nom de la divinité à droite. On constate également le début d’une influence persane puisque le titre de roi n’est plus ΒΑΣΙΛΕΥΣ (basileus en grec) mais þAO (shah).

Ces pièces nous ouvrent une porte sur tout un autre monde, une riche civilisation. Je dois toutefois avouer que cet aparté sur les royaumes environnants de l’Empire Romain a été particulièrement difficile à rechercher et à écrire. La semaine prochaine, je continue dans ma zone de confort avec un retour sur la dynastie des Julio-Claudiens.

Sources: Wikipedia [Empire Kushan (FR/EN), peuple Kushan, art Kushan (FR/EN), Kushan coinage, Vima Kadphises (FR/EN), Huvishka (FR/EN)],  Google, vcoins, coinweek, CoinArchives, FAC, FAC, Coin Galleries: Huvishka, Coin Galleries: Vima Kadphises, Columbia, Coins of Kushana dynasties (Google: Indian Coins & History), The Crowns on Kanishka’s Bronze Coins, Kushan History, Beast Coins, Encyclopaedia Iranica (Kushan dynasty, Coinage, Huviska), A rough guide to Kushan history, Met Museum of Art.

Bibliographie:

[ Translate ]

Image du mer-fleuri [002.021.034]

Centaurea

[ Nikon D3300, Jardin botanique, 2018/06/26 ]

DSC_0961Les Centaurées (aussi appelé en anglais knapweeds, basketflowers ou Cornflower) sont un genre de plantes herbacées à fleurs (Magnoliophyta ou Angiospermae), de l’ordre des Asterales, de la famille des Asteraceae (aussi appelé les “composées” car leur inflorescence est formé d’un capitule composé de nombreuses fleurs minuscules) et de la sous-famille des Carduoideae. Ce genre comprend plus de cinq cents espèces, la plupart similaires aux chardons et cirses mais avec des feuilles non épineuses. Le nom est inspiré de la mythologie grecque et fait référence à une anecdote où le centaure Chiron se serait soigné avec cette plante médicinale alors qu’Heracles l’aurait blessé d’une de ses flèches. Les centaurées sont très nectarifère et attirent donc beaucoup les insectes, comme les papillons, et les larves de nombreuses espèces de lépidoptères s’en nourrissent. En plus de son usage mellifère et pollenisateur, les agriculteurs s’en servent parfois pour former des bandes à coléoptères afin d’attirer des insectes nuisibles loin des cultures. C’est une plante adventice robuste. Certaines espèces sont toxiques (notamment pour les chevaux) d’autres ont des propriétés médicinales (antioxydant) ou culinaire (bouilli ou pour donner de la saveur à des liqueurs), mais elles sont principalement utilisées comme plantes ornementales. Elles sont caractérisées par leurs fleurs violettes rosées à franges enroulées, auxquels les pétales déchiquetées donnent une apparence de chardon. Dans ce cas-ci, le nom précis de l’espèce n’est pas mentionné mais, selon diverses sources, le cultivar ‘Caramia’ appartiendrait soit à la Centaurea polyphylla, à la Centaurea polycephala ou encore à la Centaurea montana (Centaurée des montagnes ou Mountain Coneflower en anglais). Sources: Wikipedia [FR / EN], divers sites horticoles (dont Jardins Michel Corbeil).

[ Translate ]