Monnaies anciennes 49

Les tétrarchies (1)

Avec Diocletianus, j’entre dans un territoire qui ne m’est guère familier: le Bas-Empire romain. J’y ai donc beaucoup à apprendre, ce qui rend l’étude des monnaies de cette époque un peu plus complexe mais aussi très stimulante. C’est une période caractérisée par le fait que le Principat (où l’Empereur est le “prince du Sénat”) est remplacé par le Dominat, un régime autocratique où le (ou les) empereur(s) possède(nt) un pouvoir absolu de droit divin qui serait pratiquement royal s’il n’était collégial (il est d’ailleurs inspiré par les monarchies orientales). L’Empire Romain est très vaste et la crise du IIIe siècle a démontré qu’il faisait face à de nombreux périls (révoltes, invasions, épidémies, dévaluation monétaire, instabilité politique, etc.) et que pour maintenir une administration efficace dans de telles conditions il était nécessaire de diviser le pouvoir, comme Valerianus et Gallienus avaient déjà tenté de le faire. La solution romaine à cette difficulté sera la tétrarchie (qui dédouble l’idée du duumvirat, où le pouvoir est divisé entre un Auguste et un César, en établissant un partage de responsabilités territoriales entre deux Augustes et deux Césars).

Diocletianus (284-305 EC)

Caius Aurelius Valerius Diocletianus est né dans une famille modeste à Salona en Dalmatie le 22 décembre 243/5 sous le nom de Diocles (Διοκλῆς). Il fait une carrière militaire et devient commandant de cavalerie sous l’empereur Carus. Il épouse Prisca c. 284. Après la mort de Carus et de son fils cadet, Numerianus, lors d’une campagne contre les Perses, Diocles est acclamé empereur par ses troupes le 20 novembre 284. Il prend alors le nom de Diocletianus et le titre d’Auguste. Toutefois il doit disputer le pouvoir au fils aîné de Carus, Carinus, qu’il vainc à la bataille du Margus en mars ou en juillet 285. Il doit rapidement repousser des invasions de Quades, Marcomans et de Sarmates. Il réalise que la vie d’un empereur tient à peu de chose (il peut mourir au combat ou être assassiné à tout moment) et la mort d’un empereur peut grandement déstabiliser l’Empire. Un duumvirat (ou dyarchie) — qui n’a rien d’exceptionnel puisque dès le IIe siècle Marcus Aurelius et Lucius Verus avaient co-régné — pourrait mettre fin à l’anarchie militaire. Il nomme donc César (puis Auguste l’année suivante) l’un de ses meilleurs officiers, Maximianus, avec qui il partage la gestion du territoire: Diocletianus commande l’armée d’Orient et Maximianus celle de l’Occident. Leur pouvoir, qui n’était initialement qu’une nomination militaire (et à la rigueur politique si elle était entériné par le sénat), est alors légitimé et ancré dans la religion en devenant sacré (un peu comme dans le cas des monarchies de droit divin): Diocletianus prends le titre de Iovius (représentant et protégé de Jupiter) et Maximianus celui de Herculius (représentant et protégé d’Hercule).

Pour définitivement mettre fin à la crise, Diocletianus entreprend une série de réformes militaires, administratives et économiques. Pour pacifier l’Empire il renforce les frontières en multipliant les forts et les remparts (limes), il fragmente les légions pour créer des unités plus petites mais plus nombreuses et mieux entraînées, puis augmente les effectifs en étendant la conscription aux provinces et en y ajoutant des barbares fédérés. De la même façon, comme le démontre la Notitia dignitatum, il décentralise l’administration, ajoute plus de fonctionnaires en favorisant la classe équestre, subdivise les provinces  en plus petits territoires plus facile à gérer et les regroupe en douze diocèses (l’Italie et l’Égypte perdent alors leurs privilèges). Finalement, il réforme le système monétaire (à partir de la fin de 294, il diminue la valeur de l’aureus, puis crée l’argenteus et une nouvelle monnaie de bronze appelé nummus ou follis; l’ancien antoninianus / aurelianus en billon perdure sous une nouvelle forme que l’on qualifie de “radiate post-réforme”), instaure un nouveau régime fiscal (dès 297 l’impôt foncier est étendu à tout l’Empire et il ajoute un impôt per capita), et fixe tant les salaires que le prix des denrées par l’Édit du Maximum (301).

Le système du duumvirat fonctionne bien mais reste néanmoins encore insuffisant pour bien contrôler la vaste étendue de l’Empire. Diocletianus instaure donc la tétrarchie en 293, où chacun des deux co-empereurs se choisit un César parmi ses meilleurs officiers: Diocletianus prends comme second son gendre Galerius (époux de sa fille Valeria) et Maximianus sélectionne Constantius. La gestion du territoire est répartie entre les tétrarques: Diocletianus (basé à Nicomédie) contrôle l’Asie et l’Égypte, Maximianus (de Mediolanum) contrôle l’Italie, l’Afrique et l’Hispanie, Galère (de Sirmium) est responsable de l’Illyrie et de la frontière danubienne, alors que Constantius (à partir de Augusta Treverorum) est chargé de maintenir l’ordre en Bretagne et en Gaule. Pendant vingt ans ce système offre à l’Empire Romain une stabilité qu’il n’avait pas connu depuis longtemps (ombragé peut-être seulement par d’importantes persécutions contre les chrétiens), au point où, le 1er mai 305, les deux Empereurs se permettent d’abdiquer en faveur de leur césars et de prendre une retraite bien méritée. Maximianus s’installe bien malgré lui en Lucanie et Diocletianus se retire dans un vaste palais (maintenant devenu la ville de Split) près de sa ville natale, où il meurt le 3 décembre 311/12.

Toutefois la tétrarchie, un sytème qui privilégie le mérite des candidats au pouvoir et non l’hérédité, rencontre des difficultés dès la première succession: à la mort de Constantius, le 25 juillet 306, le choix des nouveaux césars (Maximinus Daza et Severus) est contesté par les fils respectifs de Maximianus et Constantius (Maxentius et Constantinus). Le 11 novembre 308, Diocletianus est forcé de sortir de sa retraite pour la conférence de Carnuntum afin d’arbitrer la querelle de succession. Il y est décidé que Maxentius, considéré comme usurpateur et qui avait tué Severus au printemps 307, serait remplacé par un général de Galerius, Licinius. Malheureusement ces luttes de pouvoir entre Galerius, Maximinus, Licinius et Constantinus continuent jusqu’en 324 alors que seul Constantinus en sort vainqueur.

J’ai quatre pièces de monnaie de Diocletianus. Je vous les présente, non pas par ordre chronologique, mais par ordre de qualité… 

IMG_0321-0324La première pièce est un très très beau antoninianus (VF [Very Fine], AE / BI [Bronze argenturé / Billon], 21 mm, 4.188 g, payé environ $6 le 1986/06/16, patine brunâtre/verdâtre, avec trace d’argenture et d’oxydation; die-axis: ↑↓). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié, cuirassé (et drapé sur l’épaule) à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] DIOCLETIANVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre deux Concordiae, drapées, debout face à face, se serrant la main droite et tenant des cornes d’abondance dans la main gauche, avec l’inscription latine CONCORDIA AVGG[VSTORUM] (“la concorde/harmonie des deux Empereurs”) et la marque d’officine I I en exergue.

J’ai eu beaucoup de difficulté à retracer mon identification initiale de cette pièce et je n’ai trouvé qu’une seule référence en ligne qui la mentionne, ce qui est probablement signe que c’est une pièce rare. Selon le RIC (Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, Vol. V, Part II, London: Spink & Son, [1927] 1972, pp. 223), cette pièce aurait été frappée à Lugdunum (Lyon) en 294 EC — donc avant la réforme. Toutefois, ma pièce semble être une variante puisque le RIC donne comme titulature “IMP DIOCLETIANVS P AVG” alors que ma pièce ne comporte pas de “P”.

Sources: Wikipedia (Diocletianus [FR/EN], Concordia [FR/EN]), Google, FAC (Diocletianus, Concordia, Concordia Augg, edict on price), ERIC (Diocletianus); RIC v. 5, pt. 2: 17; Numismatics. Voir aussi ma fiche.

IMG_0298-0305La deuxième pièce est un beau aurelianus (VG/F [Very Good/Fine], AE/BI [Bronze argenturé/Billon], 21 x 22 mm, 2.906 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine brune avec traces verdâtre et rougeâtre; die-axis: ↑↑). L’avers nous montre un buste de l’empereur radié, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] C[AIVS] VAL[ERIVS] DIOCLETIANVS P[IVS] AVG[VSTVS]. Le revers illustre les deux empereurs (Diocletianus debout à droite et Maximianus debout à gauche, tenant une lance transversale pointée vers le bas à gauche) face à face, tenant de la main droite un globe surmonté d’une Victoire, avec l’inscription latine VICTORIA AVGG[VSTORVM] (“la victoire des deux empereurs”), et un •XX•I• en exergue (marque de titrage de la réforme d’Aurelianus) ainsi qu’un 𝝘 (gamma, marque de la 3e officine) dans le champs entre les empereurs.

Cette pièce aurait été frappé à l’atelier de Siscia et daterait de 292 EC.

Sources: Wikipedia (Diocletianus [FR/EN]), Google, FAC (Diocletianus, edict on price, Victory), ERIC (Diocletianus); RIC v. V, pt. 2: 278; Sear RCV (1983): 3424; AugustusCoins, CoinProject (01, 02), FAC, Numismatics, WildWinds (text, image), WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

IMG_0308-0315La troisième pièce est un beau antoninianus (F/VG [Fine/Very Good], AE/BI, 21 mm, 3.677 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine verdâtre avec de fort dépôts de vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] C[AIVS] VAL[ERIVS] DIOCLETIANVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre Jupiter debout à gauche, tenant un foudre (fulmen) de la main droite et un long sceptre dans la gauche, un aigle à ses pieds, avec l’inscription latine IOVI CONSER[VATORI] AVGG[VSTORVM] (“À Jupiter, protecteur des empereurs”), ainsi qu’un SML en exergue (marque l’atelier de Lugdunum) et un A dans le champs droit (marque de la première officine).

Cette pièce aurait été frappé à l’atelier de Lugdunum et daterait de 287-88.

Sources: Wikipedia (Diocletianus [FR/EN], Édit du Maximum [FR/EN], Réforme de Dioclétien [FR/EN], Argenteus [FR/EN], Follis [FR/EN], Post-reform radiate [FR/EN]), Google, FAC (Diocletianus, edict on price, fulmen, Jupiter, sceptre), ERIC (Diocletianus); RIC v. 5, pt. 2: 35; CoinArchives, CoinProject, CoinTalk (Diocletian reform, pre- & post-reform radiate), Numisbids, Numismatics, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

IMG_0333-0339La quatrième et dernière pièce est un assez beau tétradrachme d’Alexandrie (G [Good], Billon (Cu+Zn+Ag) / Potin (Cu+Sn+Pb), 17 x 19 mm, 8.192 g, flan épais, patine brun pâle, payé environ $5 le 1985/01/06; die-axis: ↑↑). L’avers nous montre un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription grecque (illisible) A K ΓOY A ΔIOKΛHTIANOC CЄB (Autocrator Kaisaros ? ?? Aurelios DIOKLETIANOS SEBastos = Imperator Caesar Caius? ?? Aurelius Diocletianus Augustus). Le revers illustre une Athena debout à gauche, tenant une nike et s’appuyant sur un bouclier, avec la datation L Δ (4e année de règne, i.e. 287-288) dans le champs gauche.

Sources: Wikipedia (Diocletianus [FR/EN]), Google, FAC (Diocletianus, edict on price), ERIC (Diocletianus); BMCG v. 15: 2484. acsearch, acsearch, acsearch, CoinArchive, FAC. Voir aussi ma fiche.

Bibliographie:

Ces pièces de monnaie représentent bien la première tétrarchie (son aspect collégial avec le type de la Concordia et la convergence du pouvoir militaire et religieux avec le type du Iovi Conservatori Augustorum) et sa volonté de réorganiser et de pacifier l’Empire (le type de la Victoria) — quoi que la plupart d’entre elles ont été frappé durant le duumvirat et avant la réforme monétaire de Diocletianus. Cette dernière (en créant de nouvelles dénominations et valeurs) rend d’ailleurs la tâche du numismate un peu plus complexe mais toujours aussi intéressante…

Mais ce n’est pas tout, car la semaine prochaine nous nous intéressons au co-empereur de Diocletianus, Maximianus Herculius.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 48

Les empereurs Illyriens (6)

Carinus (283-285 EC)

Marcus Aurelius Carinus est né vers 250 (249 selon certains, 252-53 selon Malalas, Chronographia, XII, 306 seq.) et était le fils aîné de Carus. Sa famille était originaire soit de Narona en Illyricum (Dalmatia), soit de Narbo Martius (Narbonne) dans la province de Gallia narbonensis. Les monnaies et l’épigraphie lui attestent une épouse, Magnia Urbica (qui reçoit les titres d’Augusta et de Mater castrorum [“Mère des camps”]) et un fils, Nigrinianus, mort en bas âge. Son père devient empereur en septembre/décembre 282 alors que Probus est assassiné par des soldats mutins. Peu de temps après, il associe son fils aîné au pouvoir en le nommant caesar et Prince de la jeunesse. En janvier 283, il le fait co-consul et Augustus, et nomme son fils cadet, Numerianus, caesar et princeps juventutis. Les deux fils reçoivent également le titre d’imperator. Carus part alors faire campagne contre les Perses avec Numerianus et confit l’armée d’Occident à Carinus. Toutefois, tout de suite après avoir pris la ville de Ctésiphon en novembre 283, il meurt dans des circonstances étranges (possiblement frappé par la foudre!) et ses deux fils deviennent donc co-empereurs. Pendant que Carinus mène une vie dissolue à Rome (à moins que ce ne soit de la propagande négative créée par ses opposants?), Numerianus ramène vers Rome son armée réticente à continuer les combats contre les Perses. Il meurt (soit à Émese en Syrie, soit à Chalcédoine en Bithynie) dans des circonstances obscures (possiblement assassiné par son beau-père, Arrius Aper) en novembre 284 et l’armée acclame Dioclès, le commandant de la garde impériale, comme nouvel empereur.

Comme Julianus (le corrector de Vénétie) tente d’usurper le pouvoir, Carinus passe d’abord par l’Italie pour écraser cette révolte à Vérone en mai ou juin 285. Ce n’est que par la suite qu’il marche à la rencontre de Diocles (qui a prit le nom de Diocletianus) en Illyrie. Les deux armées s’affrontent à la mi-juillet (ou au printemps?) 285 près de Viminacium en Mésie, lors de la bataille du Margus. Malgré que son armée tienne bien tête à l’usurpateur, Carinus meurt (soit durant la bataille, soit trahit, soit assassiné par un ou des tribun(s) jaloux de l’attention qu’il portait à son/leurs épouse(s)). Il n’aura régné que deux ans et demi et est considéré par les historiens romains comme l’un des pires empereurs. Son armé se rallie alors à Diocletianus qui devient le seul empereur. Son long règne sera le début d’une nouvelle ère pour l’Empire Romain, celle du dominat et des tétrarchies.

IMG_0174-0180Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Carinus mais c’est un très très beau antoninianus (VF [Very Fine], AE / BI [bronze argenturé / Billon], 21 x 22 mm, 4.115 g, payé environ $6 le 1985/06/16, quelques traces d’argenture et de corrosion; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et cuirassé (possiblement drapé sur l’épaule) à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] AVR[ELIVS] CARINVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Équité (Aequitas) debout à gauche, tenant une balance (libra) et une corne d’abondance (cornucopiae), avec l’inscription latine AEQVITAS AVGG[VSTORVM — le double “G” dénotant un pluriel [Duorum Augustorum], soit “l’équité des deux Augustes”] et un “A” (marque de la première officine) dans le champs droit.

Cette pièce représente bien la propagande impériale qui exulte les vertus des empereurs alors que l’Aequitas exprime une idée d’égalité, de justice et de prospérité (par le commerce rendu possible par la stabilité de l’état). Selon le RIC (Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, Vol. V, Part II, London: Spink & Son, [1927] 1972, pp. 166) et les diverses sources en ligne, ce type avec une Aequitas et la marque d’officine “A” n’a été frappé qu’à Lugdunum (Lyon) — le type frappé à Rome [RIC 5.2: 238] comportait “KAZ” comme marque d’officine. Le RIC n’offre pas de datation mais les sources en ligne proposent tantôt avril 283, tantôt janvier 284 mais plus fréquemment surtout 283-284, ce qui fait du sens puisque l’inscription “Aequitas Augg” implique le co-principat de Carinus et Numerianus qui s’étend de la mort de Carus en novembre 283 à la mort de Numerianus en novembre 284.

Sources: Encycl. Brit. (1911), Wikipedia ( [FR/EN], Aequitas [FR/EN]), Google, FAC (Carinus, Aequitas, AVGG, cornucopiae), ERIC (Carinus); RIC v. 5, pt. 2: 212; Sear RCV (1983): 3362; acsearch, ARC, CoinArchives (01, 02), CoinProject (01, 02, 03, 04, 05), FAC, Numismatics, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

Le troisième siècle est très mal documenté par les auteurs de l’époque qui se contredisent souvent et les sources plus riches, comme l’Historia Augusta, sont malheureusement peu fiables. La causes des événements et leur datation est plutôt flou ce qui ne laisse parfois aux historiens modernes que des hypothèses (qui évoluent et changent au cours des époques et avec les nouvelles découvertes archéologiques). Ce qui fait que, dépendant des sources consultées, les motivations des acteurs et les dates varient grandement. Le pire exemple est la divergence que l’on rencontre entre les versions française et anglaise de Wikipedia! Heureusement l’épigraphie et la numismatique fournissent des ancrages solides qui permettent d’établir une datation plus précise et fiable. Cela explique aussi la grande différence rencontré entre les datations d’ouvrages comme le British Museum Catalogues of Coins ou le Roman Imperial Coinage (écrits à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle) et les sources plus récentes que je consulte en ligne.

La semaine prochaine nous nous intéresserons au règne charnière de Diocletianus dont j’ai quatre pièces de monnaie.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 47

Les empereurs Illyriens (5)

Probus (276-282 EC)

Marcus Aurelius Probus est né en août 232 à Sirmium (en Pannonie, anciennement partie de l’Illyrie). Il fait une brillante carrière militaire et déjà sous Valerianus il avait un important poste de commandement de légion. Il sert dans les campagnes d’Aurelianus et Tacitus le nomme commandant de l’armée d’Orient (dux orientis) à la fin de 275 ou au début de 276. À la mort de ce dernier, l’armée l’acclame empereur et, après avoir rapidement éliminé Florianus, son successeur, son pouvoir est confirmé par le sénat en septembre 276. Son intention est de complèter la restauration de l’empire débuté par ses prédécesseurs mais il doit d’abord continuer la consolidation des frontières. Durant les deux premières années de son règne (276-277), il se consacre à sécuriser la Gaule envahie par des Germains (des Francs et des Alamans), puis reprend le contrôle des Champs Décumates et réorganise le limes du Rhin. Les deux années suivantes (278-79), il fait campagne en Rhétie (contre les Vandales et les Burgondes) et en Thrace (contre des Sarmates) et il conclut même une trêve avec les Perses. En 280-81, il devra également étouffer quelques révoltes et tentatives d’usurpations (Saturninus, Bonosus et Proculus). Vers la fin de 281, il rentre finalement à Rome où il célèbre un triomphe et donne des jeux. Il semble croire (ou est-ce de la propagande?) que la crise est terminée et que l’Empire est pacifié. Il aurait déclaré “Brevi milites necessarios non habebimos” (“Sous peu, nous n’aurons plus besoin de soldats”)!

Pendant ce temps il poursuit les réformes économiques de Aurelianus, surtout en ce qui a trait à l’agriculture: il autorise la viticulture en Gaule et en Pannonie, donne des terres agricoles à coloniser à des Germains, qu’il enrôle également comme auxiliaires dans l’armée en Gaule belgique et le long du Rhin pour former une sorte de bande tampon contre les invasions. Il entreprend de nombreux travaux de constructions et rénovations sur les infrastructures de l’Empire (édifices publics, voirie, drainage, irrigation, plantation, etc.) et amnistie de nombreux acteurs des tentatives de révoltes et d’usurpations. Il nomme le préfet du prétoire Carus commandant de l’armée d’Occident.

En 282, il part faire campagne contre les Perses afin de reconquérir l’Arménie et la Mésopotamie. Les travaux de réfection des infrastructures avaient été confié à l’armée, pour que les troupes ne soient pas oisives en temps de paix. De passage à Sirmium en septembre ou octobre 282, lors d’une tournée d’inspection des travaux, Probus est pris à parti par des soldats mécontents de cette corvée et il est assassiné ! La nouvelle prends une semaine à parvenir à Rome et Carus lui succède. Il n’aura régné que six ans.

J’ai cinq pièces de monnaie de Probus. Les deux premières sont des “Restitutor Orbis” dont l’avers offre un buste de l’empereur radié, cuirassé et drapé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] AVR[ELIVS] PROBVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS] (L’Empereur Caesar Marcus Aurelius Probus, Pieux, Heureux, Auguste). Le revers illustre une femme (Orbis?) drapée, debout à droite, présentant une couronne de laurier de la main droite à l’empereur debout à gauche, tenant un globe de la main droite et un long sceptre de la main gauche, avec l’inscription latine RESTITVT[OR] O-RBIS (“Restaurateur du monde”). En exergue on retrouve un XX I (la marque de titrage de la réforme monétaire d’Aurelianus). La seule différence entre les deux pièces réside dans la marque d’officine. 

IMG_0184-0190La première pièce est donc un très beau aurelianus (VG / F [Very Good / Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 20 mm, 3.871 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine verte avec trace de vert-de-gris; die-axis: ↑↑) qui se distingue par la marque d’officine dans le bas du champs centre: E ∆ (Epsilon Delta = la neuvième officine ?).

 

IMG_0195-0201La deuxième pièce est un très très beau aurelianus (F / VF [Fine / Very Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 20.5 x 22 mm, 3.521 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine brunâtre avec encore des traces importantes d’argenture sur le revers; die-axis: ↑↑) qui, cette fois, offre simplement un  B (Beta = seconde officine) dans la bas du champs centre.

Ce type de pièce (avec le Restitutor abrégé en RESTITVT) n’aurait été frappé qu’à Antioche et n’apparait probablement que vers la fin du règne, alors que le succès de l’empereur est apparent (probablement suite à ses victoires contre les Germains), c’est-à-dire vers 280-82 EC.

Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, Orbis, scepter), ERIC (Probus); RIC v. 5, pt. 2: 925; Sear RCV (1983): 3264; CoinArchives (B), Numista, WildWind (B [text, image], E ∆ [text, image]). Voir aussi mes fiches (Epsilon Delta & Beta).

IMG_0207-0214La troisième pièce est un superbe antoninianus (VF/EF [Very Fine / Extra Fine], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 22 mm, 3.746 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine grisâtre avec encore des traces d’argenture le long des reliefs; die-axis: ↑↓) qui présente un avers avec un buste de l’empereur radié et cuirassé (drapé sur l’épaule?) à droite, et l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] PROBVS P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Felicitas drapée, debout à droite, tenant un long caduceus (caducée) et une cornucopiae (corne d’abondance), avec l’inscription latine TEMPO-R[VM] FELICI[TAS] (“La Félicité du temps”), et un I en exergue (marque de la première officine).

Cette pièce exprime bien l’optimisme (ou la propagande) de Probus face à l’avenir et aurait été frappé à Lugdunum (Lyon). Si les sources en ligne ne s’entendent pas sur la datation (certaines proposent 277, d’autres 281-82), la majorité la situe à la période II, émission 6, 1ère officine, c’est-à-dire entre 278 et 279 EC.

Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, caduceus, cornucopiae, Felicitas), ERIC (Probus); RIC v. 5, pt. 2:  104; Sear RCV (1983):  3273; AncientCoins, ARC, BeastCoins, calkinsc, catawiki, CGB, CoinProject, CoinTalk, Numismatics, Numista, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

IMG_0215-2019La quatrième pièce est un très beau antoninianus (F/VG [Fine / Very Good], AE / BI  [Bronze argenté / Billon], 21.5 x 23 mm, 3.765 g, payé environ $6 le 1985/06/16, patine brun foncé avec légère traces de vert-de-gris sur le revers; die-axis: ↑↑). L’avers présente un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite, avec la brève inscription latine PROBV-S P[IVS] F[ELIX] AVG[VSTVS]. Le revers illustre un trophée militaire (tropæum) entre deux prisonniers, avec l’inscription latine VICTOR-IA GERM[ANICA] (Victoire sur les Germains), et un R A entourant une foudre (fulmen) en exergue (cette inscription n’est pas claire mais on peut tout de même la distinguer suffisamment pour l’identifier).

Le tropæum, un monument destiné à commémorer une victoire militaire, est composé d’une croix de bois à laquelle est accrochée une cuirasse, un casque, des boucliers et des armes (lances, épées, etc.) prisent à l’ennemi vaincu. Sur les monnaies, il est souvent représenté avec deux prisonniers de part et d’autre.

Cette pièce aurait été frappée à la première officine de Rome (R = Rome, A = première officine) durant la 6e émission, ce qui la date en 281 EC — et qui correspond probablement à l’époque de son triomphe à Rome.

Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN], foudre, fulmen, tropæum [FR/EN]), Google, FAC (Probus, fulmen, tropæum, Victoria Germ), ERIC (Probus), Roman Emperors; RIC v. 5, pt. 2:  223; Sear RCV (1983): 3275; CoinArchives, CoinTalk, Nomos AG,  Numismatics, vcoins, WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

IMG_0233-0242-0227La cinquième et dernière pièce est un assez beau tetradrachme grec impérial d’Alexandrie (VG [Very Good], AE / BI [Bronze (Cu+Sn) avec fort taux de cuivre ? / Potin (Cu+Sn+Pb) ? / Billon (Cu+Zn+Ag)?], 17 mm [épaisseur variant entre 2.5 mm (à 70º) et 4 mm (à 335º)], 7.0864 g, payé environ $5, flan épais à épaisseur variable; exceptionnellement cette pièce a été brossée avec une laine d’acier douce et de l’huile minérale afin de diminuer les concrétions qui obscurcissaient le relief mais il subsiste encore de traces d’oxydation bleu foncé et vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré et drapé à droite avec l’inscription grecque A K M A𝝪𝝦 𝝥𝝦𝝧𝝗𝝧𝝨 𝝨𝝚𝝗 (Autokrator Kaisaros Markos AURelios PROBOS CEBastos = Imperator Caesar Marcus Aurelius Probus Augustus). Le revers illustre un aigle à gauche regardant derrière lui (vers la droite) et tenant une couronne de laurier dans son bec, avec un L E de part et d’autre dans le champs.

L’aigle représente bien sûr le dieu Jupiter, mais aussi la légion romaine (aquila) et, par extension, le pouvoir impérial. Comme je l’ai déjà expliqué pour les pièces de Quadratus et de Aurelianus (selon Sear GICV, p. xxv et le FAC), les pièces grecques impériales (ou provinciales) étaient souvent datées avec l’inscription ETOYΣ (έτος, parfois abrégé “ET” ou “L” à Alexandrie, qui signifie simplement “année”) suivie d’une date qui correspondait soit à une ère locale (Césarienne ou Actienne) ou à l’année de règne de l’empereur (ou du monarque local). Dans ce cas-ci, à Alexandrie (selon une tradition empruntée aux Ptolémés), “L E” correspond à la cinquième année du règne de Probus, soit du 29 août 279 au 28 août 280 EC.

Sources: Wikipedia (Probus [FR/EN]), Google, FAC (Probus, Eagle, Potin), ERIC (Probus); BMCG v. 15: 2428; Sear RCV (1983): 3290; BeastCoins, Calkinsc, CoinArchives, CoinProject, CoinProject, CoinTalk. Voir aussi ma fiche (recto, verso).

Bibliographie:

Probus aura régné brièvement mais il a joué un rôle important en complétant les réformes d’Aurelianus (et permettant l’expansion de la culture de la vigne!). Suite à sa mort, le préfet du prétoire Carus (originaire de Narbo Martius) est acclamé empereur vers la fin 282 (entre septembre et décembre). Les assassins de Probus sont rapidement jugés et exécutés. Il associe ses fils Carinus et Numerianus au pouvoir et confit l’armée d’Occident au premier, puis part en campagne avec le second. Il rétablit d’abord l’ordre dans le nord (contre les Sarmates en Pannonie), puis poursuit la campagne de Probus contre les Perses. Il remporte une victoire en prenant les villes de Séleucie et de Ctésiphon mais meurt aussitôt foudroyé (littéralement) en juillet ou août 283 ! Il n’aura donc régné qu’une seule année. Ses fils lui succèdent et prennent le titre d’Auguste à l’automne mais Numerianus meurt en Thrace l’année suivante (novembre 284). Carinus, lui, règnera encore un an.

La semaine prochaine nous concluons l’époque des empereurs Illyriens (et celle de la crise du IIIe siècle) avec le principat de Carinus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 46

Les empereurs Illyriens (4)

Tacitus (275-276 EC)

Si, grâce à des empereurs comme Claudius Gothicus ou Aurelianus, la situation de l’Empire Romain s’est grandement améliorée, la crise du IIIe siècle n’est pas encore tout à fait terminée puisque l’anarchie militaire perdure et les empereurs se succèdent encore à un rythme accéléré. Après l’assassinat malheureux de Aurelianus, un nouvel empereur Illyrien prends le pouvoir…

Marcus Claudius Tacitus est né vers 200 à Interamna (Terni) en Ombrie dans une riche famille sénatoriale et se disait descendant de l’historien Tacitus. Il a été consul en 273 et était président du sénat. Après l’assassinat inopiné d’Aurelianus, l’armée ne trouve aucun candidats méritoires car les généraux expérimentés comme Probus sont tous en mission sur la frontière. Au bout de quelques mois d’interrègne, en septembre ou décembre 275, c’est au sénat que l’on demande de nommer un successeur et le pouvoir impérial est alors offert à Tacitus, qui est septuagénaire ! Ses premiers actes sont de faire diviniser son prédécesseur, de récompenser l’armée par un donativum, et de redonner certains pouvoirs au sénat. Il nomme Probus commandant de l’armée d’Orient (dux orientis) et Florianus (possiblement son demi-frère maternel) préfet du prétoire ainsi que commandant de l’armée d’Occident.

Au début de 276, il se rend lui-même en Asie Mineure pour repousser une invasion de Goths et de Hérules en Cilicie (possiblement des mercenaires de l’armée de Aurelianus). Après la victoire, il reçoit le titre de Gothicus Maximus, mais doit revenir immédiatement pour répondre à une invasion de Francs et de Alamans en Gaule. En chemin, en juin 276, il meurt à Tyane en Cappadoce soit d’une fièvre (selon Eutrope, Aurelius Victor et l’Historia Augusta), soit assassiné (selon Zozimus). 

IMG_0162-0169Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Tacitus et c’est un assez beau aurelianus (G [Good], AE / BI [Bronze argenté / Billon], 20.5 mm, 2.104 g, payé environ $6 le 1985/04/14, patine brunâtre avec une importante usure; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre une buste de l’empereur radié, drapé (et possiblement cuirassé) à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] CL[AVDIVS] TACITVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Victoire (Victoria) ailée debout de face, la tête tournée à gauche, tenant une couronne de laurier de la main droite et une feuille de palmier de la gauche (contre son épaule), avec l’inscription latine VICT-O-RIA AVG[VSTA] (la victoire de l’empereur) et un XXIA en exergue (marques de titrage de la réforme d’Aurelianus et de la première officine de Rome — cela pourrait possiblement aussi être un “XXIR” — “R” pour Rome).

Cette pièce commémore sans aucun doute la victoire de Tacitus contre les Goths en Asie Mineure. La chronologie du règne de Tacitus est un peu floue. Certaines sources en ligne datent cette pièce de novembre-décembre 275 mais, comme la victoire contre les Goths semble avoir eut lieu au printemps 276, elle daterait probablement plus de mars à juin 276. Ce type de revers n’a été frappé qu’à l’atelier monétaire de Rome, et dans ce cas-ci à la première officine (A). Cette pièce est également le premier exemple que j’ai de la réforme monétaire d’Aurélien, où les nouvelles pièces de monnaie en “argent” (les aureliani) sont marqués d’un “XX I” pour garantir qu’elles contiennent un ratio 20 pour 1 de cuivre et d’argent (en fait elle sont donc en billon).

Sources: Wikipedia (Tacitus [FR/EN]), Google, FAC (Tacitus, Victoria), ERIC (Tacitus); RIC v. 5, pt. 1: 97; acsearch, acsearch,  CGB, CoinArchives,  leunumismatik, numismatics, numismatics, numista, RIC-MOM (3479, 3480), WildWinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

À la mort de Tacitus, Florianus tente, avec l’appui du sénat, de lui succéder mais Probus est proclamé empereur par les troupes d’Orient (en Égypte, Syrie, Palestine et Phénicie) et le défait au bout de trois mois grâce à sa grande expérience militaire. L’armée de Florianus se révolte et l’assassine. Probus prend alors le pouvoir et peut ainsi offrir à l’Empire un petit peu plus de stabilité… car il règnera un gros six ans !

La semaine prochaine nous découvrirons donc le règne de Probus dont j’ai cinq pièces de monnaie forts intéressantes.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 45

Les empereurs Illyriens (3)

Aurelianus (270-275 EC)

Lucius Domitius Aurelianus est né le 9 septembre 214 (ou 215) à Sirmium en Pannonie (anciennement l’Illyrie). D’origine humble, il a fait une brillante carrière militaire: il commande d’abord une troupe d’auxiliaires, puis sous le règne de Gallienus il combat les Goths à la bataille de Naissus sous le commandement de Claudius, et sous le règne de ce dernier il est promu commandant de la cavalerie d’élite Dalamatienne (equites Dalmatae) puis Maître de cavalerie (magister equitum). Il vainc les Alamani à la bataille du lac Benacus, puis repousse une autre invasions dans les Balkans. À la mort de Claudius en janvier 270, son frère Quintillus est nommé empereur par le sénat mais en mai les légions acclament plutôt empereur leur général, Aurelianus. 

Il semble que dès le début de son règne Aurelianus s’est donné pour objectif de restaurer la grandeur de l’Empire. En 270-71, il écrase rapidement les nombreux usurpateurs qui contestent son pouvoir, puis repousse les envahisseurs germains du nord de l’Italie (bataille de Fanum Fortunae) et des Balkans — recevant ainsi les titres de Germanicus et Gothicus Maximus. Il abandonne la province de Dacie, qui est trop difficile à défendre, et relocalise les populations en Mésie. Aussi, sachant maintenant Rome vulnérable, il fait entourer la ville d’une fortification. Après avoir consolidé sa position, la priorité suivante est de réunifier l’Empire qui s’était scindé en trois à la suite d’une série de crises internes et d’invasions qui se succédèrent après la mort de Severus Alexander, entre 235 et 268. En 272, il s’attaque d’abord à reconquérir l’Empire palmyrénien. Après avoir défait la reine Zenobia et son fils Wahballat, acquérant le titre de Restitutor Orientis, Aurelianus se tourne vers l’ouest en 273 pour reconquérir l’Empire des Gaules alors sous l’autorité de Tetricus qu’il capture à la bataille de Châlons au printemps 274. Il recevra un triomphe à Rome (où il parade les captifs qu’il a gracié: Zenobia, Tetricus et leurs fils respectifs) ainsi que le titre de Restitutor Orbis (“Restaurateur du monde”).

Aurelianus savait bien qu’il aurait été inutile de rapiécer l’Empire si il ne corrigeait pas les causes même de la crise. Il entreprit donc une série de réformes administratives, religieuses et économiques: il a fait reconstruire des infrastructures vétustes, donne un rôle officiel au culte solaire de Sol Invictus (initiant une tendance vers le syncrétisme monothéiste), améliore la distribution alimentaire, organise les corporations de métiers, fixe le prix des denrées essentielles, combat la corruption des fonctionnaires et dans les ateliers monétaires, mais surtout établit une réforme monétaire en créant l’aurelianus, une pièce de bronze argenté ou de billon avec un meilleur aloi que l’antoninianus (5% d’argent) — réforme rendu possible par l’apport de métaux précieux généré par sa campagne en Orient et la reconquête des mines d’Hispanie et de Bretagne. Il aurait probablement accompli encore plus s’il n’avait été assassiné par des officiers qui craignaient la sévérité de sa discipline alors qu’il se rendait en Orient pour faire une nouvelle campagne militaire contre les Perses. Il meurt à Caenophrurium (en Thrace) en septembre 275. Il semble que son épouse, Ulpia Severina, assura l’interrègne pendant quelques mois en attendant que le sénat nomme Tacitus comme successeur.

J’ai trois pièces de monnaie d’Aurelianus.

IMG_0090-0097La première de ces pièces est un très très beau antoninianus (VF [Very Fine], AE / BI [Bronze / Billon]?, 20 x 21.5 mm, 2.055 g, payé environ $5 le 1985/04/14, patine brunâtre avec de légers dépôts de vert-de-gris et le flan est brisé en deux parties [17 x 20 mm et 4.5 x 14 mm]; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] AVRELIANVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une femme (Oriens? Pax?) drapée, debout à droite, présentant une couronne de laurier de la main droite à l’empereur lauré, en habit militaire, debout à gauche, tendant la main droite et tenant une lance (hasta) de la main gauche, avec l’inscription latine RESTITVT[OR] ORIE-NTIS (“Restaurateur de l’Orient”) avec un P en exergue (marque de la 1ère officine [Primus / Premier] de l’atelier de Mediolanum — j’avoue qu’elle est à peine visible et que ce pourrait être aussi bien un S [Secundus / Second], ou même un *S, *T ou *Q [Secundus / Second, Tertius / Troisième, Quartus / Quatrième, pour l’atelier de Siscia] mais selon moi cela ressemble plus à un “P”).

Cette pièce commémore sûrement la victoire de Aurelianus sur Zenobia, reine de l’Empire Palmyrénien (avec ses victoires à Immae et Émèse), et sur l’usurpateur Firmus en Égypte, ce qui lui a permis de réunifier (restaurer) l’Orient à l’Empire Romain et d’acquérir le titre de Restitutor Orientis. Elle date donc probablement de 273-74 (quoi qu’une source en ligne mentionne plutôt 271-272).

Sources: Wikipedia (Aurelianus [FR/EN]), Google, FAC (Aurelianus, Restitutor Orientis, Oriens), ERIC (Aurelianus); RIC v. 5, pt 1: 140; WildWinds (text, image), CoinArchives, CoinArchives, CoinProject (1, 2, 3), vcoins, numista, numismatics, Wikimoneda, CoinTalk. Voir aussi ma fiche.

IMG_0100-0110La deuxième pièce est un assez beau tetradrachme d’Alexandrie (G / VG [Good/Very Good], AE / CU / BI [Bronze / Cuivre /  Billon]?, 22 mm, 8.987 g, payé environ $12, flan épais avec patine rougeâtre et trace de vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur lauré et cuirassé à droite, avec l’inscription grecque Α Κ Λ ΔΟΜ ΑΥΡΗΛΙΑΝΟC CΕΒ (Autokratos Kaisar Lucios DOMitios AURELIANOS CEBastos = IMP[ERATOR] C[AESAR] L[VCIVS] DOM[ITIVS] AVRELIANVS AVG[VSTVS]). Le revers illustre un aigle debout à gauche (les ailes fermées), la tête retournée vers la droite, une couronne de laurier dans le bec, avec une étoile dans le champs gauche et l’inscription grecque ΕΤΟΥϹ (année) et E (5) de part et d’autre. 

Comme je l’ai déjà expliqué dans le cas de la pièce de Quadratus (selon Sear GICV, p. xxv et le FAC), les pièces grecques impériales (ou provinciales) étaient souvent datées avec l’inscription ETOYΣ (έτος, parfois abrégé ET. ou L à Alexandrie, qui signifie simplement “année”) suivie d’une date qui correspondait soit à une ère locale (Césarienne ou Actienne) ou à l’année de règne de l’empereur (ou du monarque local). Dans ce cas-ci, à Alexandrie, ΕΤΟΥϹ E correspond à la cinquième année du règne de Aurelianus, soit du 29 août 273 au 28 août 274.

L’aigle est un symbole qui revient souvent dans l’Histoire. Ici, il représente Jupiter, la légion romaine (aquila) et, par extension, le pouvoir impérial.  Il existe plusieurs variations sur la position de l’aigle (ailes ouvertes, fermées, avec une palmes en travers de l’épaule, entre deux étendards, debout à droite et debout à gauche sur une foudre) et ce type semble avoir été frappé durant toute la durée du règne d’Aurelianus (A = 1, B = 2, Γ = 3, ∆ = 4 — quoi que apparemment certaines pièces auraient été daté rétroactivement) mais semble avoir été plus fréquent les deux dernières années (E = 5, S = 6).  Cette recrudescence de la frappe d’Alexandrie les deux dernières années exprime encore une fois le fait que Aurelianus a reprit le contrôle de l’Orient peu de temps auparavant. Toutefois, il n’a pas eut le temps de rétablir le monnayage provinciale puisque durant son règne seulement trois régions frapperont des pièces grecques impériales: les ateliers de Pamphylie, de Pisidie et d’Égypte (Alexandrie).

Sources: Wikipedia (Aurelianus [FR/EN]), Google, FAC (Aurelianus, Eagle), ERIC (Aurelianus); Sear GICV (1982): 4751, BMCG v. 15: 2359 (Alexandria and the nomes, R.S. Poole, 1892); CoinArchives, CoinProject, CoinProject, numista, FAC. Voir aussi ma fiche.

IMG_0120-0113La dernière pièce est un intéressant et assez beau antoninianus (G [Good], AE / BI [Bronze / Billon], 20 mm, 2.648 g, payé 30 £ le 1985/04/14, patine bronze avec de petites tâches de vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous montre un buste de l’empereur Aurelianus radié et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] AVRELIANVS AVG[VSTVS] et un A (ou possiblement un ∆ ou H) en exergue (marque de la première [ou quatrième, ou huitième] officine). Le revers illustre un buste de Vabalathus lauré (avec possible diadème) et drapé à droite avec l’inscription latine VABALATHVS VCR IM DR (ce qui signifie probablement Vir Clarissimus Rex Imperator Dux Romanorum / “Homme (de rang sénatorial) très illustre, roi, chef de l’armée, duc sous [l’autorité de] Rome”).

Avec ce genre de pièce il est difficile de dire quel côté est l’avers et lequel est le revers. En fait, ici, il s’agirait non pas d’une pièce de Aurelianus mais bien une pièce frappé par Vabalathus (ou Wahballat — qui, en 270, succède à son père, Odeinath, à l’âge de onze ans et règne sur le royaume de Palmyre sous l’autorité de sa mère, Zenobia). Alors qu’ils accèdent au pouvoir et tentent d’affirmer et d’agrandir leur empire (avec la conquête de l’Égypte et d’une partie l’Asie Mineure), Vabalathus et Zenobia veulent démontrer qu’ils reconnaissent toujours l’autorité de l’Empire Romain, qu’ils s’y soumettent (pour l’instant) et désirent la paix. C’est sans aucun doute pourquoi ils ont émis cette pièce conjointe où Vabalathus apparait comme un subordonné (Aurelianus est radié alors que Vabalathus est seulement lauré). Cette pièce a été frappé à Antioche entre nov.-déc. 271 et mars 272. 

Vabalathus se montrera rapidement plus ambitieux et frappera des monnaies où il est radié et se déclare Augustus. Toutefois, Aurelianus ne peut pas tolérer cette tentative d’usurpation et dès la fin de 271 marche sur l’Orient pour reconquérir l’Égypte et Palmyre à l’été 272. Une seconde révolte l’amènera à complètement détruire Palmyre au printemps 273.

Sources: Wikipedia (Aurelianus [FR/EN], Vabalathus [FR/EN]), Google, FAC (Aurelianus, Vabalathus), ERIC (Aurelianus, Vabalathus); RIC v.5, pt. 1: 381, Sear RCV (1983): 3192; acsearch, CoinArchives, CoinArchives, CoinArchives, CoinProject (01, 02, 03, 04),  FAC, FAC, FAC, FAC, FAC, RIC-MOM, vcoins, WildWinds (text, image), WildWinds;  R. Bland, “The Coinage of Vabalathus and Zenobia from Antioch and Alexandria” in The Numismatic Chronicle Vol. 171 (2011), pp. 133-186. Voir aussi ma fiche.

J’ai précédemment beaucoup parlé de l’Empire des Gaules mais ces trois pièces démontrent qu’avant tout Aurelianus a désiré reconquérir et resoumettre l’Orient au pouvoir de Rome pour ainsi restaurer l’Empire Romain dans toute sa gloire. Toutefois, malgré tous les efforts d’Aurelianus, l’anarchie militaire perdure. La semaine prochaine nous traiteront de son successeur, Tacitus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 44

Les empereurs Illyriens (2)

Quintillus (270 EC)

Nous ne connaissons que peu de chose de Marcus Aurelius Claudius Quintillus car les sources historiques de cette époque sont pauvres et contradictoires — seules les sources archéologiques, épigraphiques et numismatiques sont véritablement fiables. Il serait né soit en Mésie, soit à Sirmium en Pannonie Inférieure, et aurait fait une carrière militaire. Sous le règne de son frère, Claudius Gothicus, il aurait peut-être été procurateur de Sardinia ou en charge de la défense du nord de l’Italie. À la mort de Claudius, il est soit acclamé empereur par les troupes de son frère à Aquileia (selon Eutropius, Livre IX, 12), soit qu’il usurpe le pouvoir que son frère avait l’intension de passer à Aurelianus (selon l’Historia Augusta, “Vita Aureliani”, XXXVII, 5), mais il est beaucoup plus probable que ce soit le sénat qui l’ait nommé comme successeur de son frère (selon Zonaras 12: 26).

Il nous est connu comme un empereur modéré et capable (selon Eutropius, Livre IX, 12; Historia Augusta, “Vita Claudii”, XII, 3), défenseur du sénat mais dont le bref règne ne lui a pas permis d’accomplir quoi que ce soit. Une attitude aussi positive devant un règne si bref nous appel à la prudence, car toutes ces sources tardives pourraient être coupables de préjudice favorable ou de flatterie, d’une part parce que Quintillus avait soutenu le sénat (les historiens étant généralement issus de la classe sénatoriale) mais aussi parce que Constantinus tentera plus tard de justifier son pouvoir en faisant remonter son ascendance à la nièce de Claudius et Quintillus, qui aurait été la mère de Constantius Chlorus (Historia Augusta, “Vita Claudii”, 13: 1).

La durée de son règne varie beaucoup selon les sources. Ainsi il aurait été au pouvoir soit pour une durée de seulement dix-sept jours (selon Orosius, VII, 23,2), soit pour cent-soixante-dix-sept jours (6 mois). Toutefois, compte tenu d’une frappe monétaire abondante en son nom (environ 87 types différents selon le RIC), il est maintenant convenu qu’il a régné au moins deux mois, de août à octobre 270 (d’ailleurs le Chronographe de 354 mentionne qu’il a régné soixante-dix-sept jours). 

Après quelques mois, désabusé par les tentatives de Quintillus d’instaurer une plus grande discipline militaire, les troupes qui lui étaient jusqu’alors fidèles se rallient aux légions de Pannonie qui ont acclamé le grand général Aurelianus comme empereur. Quintillus, qui ne peut rien contre un opposant plus populaire et plus fort que lui, meurt alors à Aquileia soit en combat contre les troupes d’Aurelianus (Hieronymus Stridonensis, Chronica, 271), soit par suicide (Zonaras, 12: 26; Jean d’Antioche fragment 154, Fragmenta Historicorum Graecorum IV, p. 599), soit assassiné par ses troupes (Historia Augusta, “Vita Claudii”, 12, 5; Eutropius IX, 12; Epitome de Caesaribus 34, 5; Orosius VII, 23, 2). Cette dernière hypothèse est sans doute la plus probable. Le pouvoir impérial de Rome passe donc entre les mains de Aurelianus, qui réussira à unifier l’Empire à nouveau.

IMG_9207-9210Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Quintillus et c’est un beau antoninianus (VG [Very Good], AE [Bronze] / BI [Billon], 19.5 x 18.5 mm, 3.159 g, payé environ $8 le 1985/12/17, patine verte avec un important dépôt de vert-de-gris; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et drapé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] M[ARCVS] AVR[ELIVS] CL[AVDIVS] QVINTILLVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Victoire ailée et drapée, avançant à droite et tenant dans la main droite une couronne de laurier et une palme dans la main gauche, avec l’inscription latine VICTORIA AVG[VSTI] (la victoire de l’empereur) et un 𝝘 (gamma, marque dénotant la 3e officine de l’atelier de Rome) dans le champs droit. Cette pièce aurait donc été frappé à Rome vers la fin de 270 EC (aucun événement du règne de Quintillus ne peut être lié à l’émission de ce type de Victoire mais comme son bref règne s’est déroulé dans la deuxième moitié de 270, de août à octobre, cette datation est assez juste). 

Sources: Wikipedia (Quintillus [FR/EN]), Google, FAC (Quintillus, Victoria Aug, Victory, wreath, laurel wreath, palm), ERIC (Quintillus);  RIC V-I: 33; CoinArchives, WildWinds (text, image), vcoins, acsearch, catwiki, CoinTalk, Numismatics, nomosag. Voir aussi ma fiche.

Encore une fois, le RIC (Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, vol. V, part I, London: Spink & Son, [1927] 1972, pp. 201-209, 238-247) nous fournit quelques commentaires en guise de conclusion. D’abord, la monnaie frappée sous Quintillus est très similaire à celle de son frère, Claudius Gothicus [RIC, p.201]. “Les frères avaient une forte ressemblance familiale, mais les pièces représentent fidèlement Quintillus comme un homme plus jeune, plus beau, mais manquant de la force de caractère de Claudius” [RIC, p. 205].

Aussi, “De nombreux historiens limitent le règne de [Quintillus] à dix-sept jours, mais la masse de son monnayage qui nous est parvenu contredit cela et soutient l’opinion de Zosimus selon laquelle il a duré quelques mois. Ceci est corroboré par le fait que des pièces ont été frappées à son nom dans tous les ateliers  qui avaient frappé pour son frère, sauf celui d’Antioche, où (…) il est probable que l’ambition de Zénobia l’a amenée à tenter de se débarrasser du joug de l’Empire romain. Ses pièces de Siscia et de Cyzicus sont rares en Europe occidentale, mais apparaissent en nombre dans les trouvailles orientales. Cela s’explique par le fait que “Aurelianus, qui a été proclamé par les légions de Pannonie, a dû dès le moment de la proclamation couper Quintillus, qui était en Italie, de Siscia et de Cyzicus (…)“. Une telle “distribution des monnaies de Quintillus“ rend improbable la “déclaration de Zonaras selon laquelle Claudius sur son lit de mort a investi Aurelianus de la pourpre (…). Ces faits suggèrent certainement que [Quintillus] a eu une courte période de pouvoir incontesté” [RIC, p.201].

Finalement, il note que “Les marques d’atelier sont maintenant devenues un élément beaucoup plus important sur les pièces de chaque atelier qu’elles ne l’étaient sous les règnes précédents (…). Les preuves d’un contrôle central et d’une organisation précise sont moins nombreuses qu’elles ne le seront après la réforme d’Aurelianus (…). Les maîtres des monnaies avaient évidemment plus de latitude qu’on ne leur accorda plus tard” [RIC, p. 208].

La semaine prochaine nous abordons un point tournant du IIIe siècle romain avec le règne d’Aurelianus (dont je possède trois pièces de monnaie).

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 43

Les empereurs Illyriens (1)

Claudius Gothicus (268-270 EC)

Marcus Aurelius Claudius est né en Illyrie (ou une province environnante) le 14 mai 213 ou 214. Les sources sur cette époque étant pauvres, tout ce que l’on sait de lui est qu’il a fait une brillante carrière militaire. Déjà sous Trajan Decius (249–251) il était tribun militaire. Suite à la tentative d’usurpation de Auréolus en 268, Gallienus le nomme maître de cavalerie. Il est possible qu’il ait participé au complot des généraux (Heraclianus, Marcianus et Aurelianus) pour assassiner l’empereur mais, quoi qu’il en soit, il est choisi par les conspirateurs pour le remplacer (ou il est choisi par Gallienus lui-même sur son lit de mort, les sources ne s’entendent pas à ce sujet) et il est acclamé empereur par les légions basées à Mediolanum (Milan). Malgré qu’il ait promis la vie sauve à Aureolus, il laisse ses troupes le massacrer. Il devient ainsi le premier des empereurs illyriens.

Si la principale préoccupation du nouvel empereur était de rétablir de l’ordre dans l’Empire en mettant fin à l’anarchie militaire et aux incessantes révoltes qui étaient à la source de la crise, il a cependant dû d’abord faire face à une nouvelle invasion de Hérules, cette fois accompagnés du renfort d’autres tribus Goths (Greuthungi et Thervingi), Gépides et Peucini. Avec l’aide de son maître de cavalerie Aurelianus, il les a vaincu en 269 à la bataille de Naissus, méritant ainsi son surnom de Gothicus (vainqueur des Goths). À peine quelques mois plus tard, alors qu’Aurelianus termine de repousser les Goths au-delà du Danube, Claudius doit répondre à une invasion d’Alamans qui ont traversé les Alpes pour attaquer le nord de l’Italie. À la fin de l’automne 268, il les repousse à la bataille du lac Benacus, ce qui lui mérite le titre de Germanicus Maximus. Il tourne alors son attention vers l’Empire des Gaules et en reprend une partie (l’Hispanie et la vallée du Rhône) mais ne réussira pas à le reconquérir. À la fin de 269, il doit se rendre à Sirmium pour faire campagne contre les Vandales qui faisaient du pillage en Pannonie. Toutefois, il contracte la peste de Cyprien (possiblement une épidémie de variole ou de rougeole, ou même de fièvre hémorragique virale similaire à la fièvre jaune ou l’ébola) qui ravageait l’Empire à ce moment là. Il succombe au début janvier 270. Son jeune frère Quintillus lui succède brièvement.

J’ai quatre pièces de monnaie de cet empereur que, vous le devinerez, j’aime beaucoup (parce qu’il s’appelait Claudius, évidemment).

IMG_8259-8260La première pièce est un très très beau antoninianus (VF [Very Fine], BI [Billon], 19.5 mm, 2.4681 g, payé $18, de couleur gris mat; die-axis: ↑↑). L’avers nous présente un buste de l’empereur radié et drapé (et possiblement cuirassé?) à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] CLAVDIVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre Isis Pharia debout à gauche, tenant un sistrum de la main droite et un panier de la gauche, avec l’inscription latine SAL-V-S AVG[VSTI] (la santé de l’empereur) et un Є (epsilon, marque de la cinquième officine) en exergue. La pièce aurait été frappé à Antioche (cf. RIC, p. 207) vers la fin 268 / début 269 ou en 269-70.

Sources: Wikipedia (Claudius Gothicus [FR/EN], sistrum [FR/EN]), Google, FAC (Claudius II, Billon, Isis, Pharia Isis, Salus Aug, sistrum), ERIC (Claudius II); RIC v. 5, pt. 1: 217; WildWind (text, image), CoinArchives, acsearch, BeastCoins (image), CoinTalk. Voir aussi ma fiche.

IMG_9617-9622La seconde pièce est un beau antoninianus (F [Fine] / G [Good], AE [Bronze], 17 mm, 3.253 g, payé $US 9.50 le 1985/04/14; die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et drapé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] CLAVDIVS P[IVS] F[ELIX] (pieux et heureux) AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Felicitas drapée, debout à gauche, tenant un caduceus dans la main droite et un long sceptre dans la gauche, avec l’inscription latine FELI-C[ITAS] T-EMPO[RVM] (temps heureux). Il n’y aucune marque d’officine de lisible en exergue mais il y en avait probablement une (un T). Ce type a été frappé à l’atelier de Rome mais sans marque d’officine en exergue et sans  P F dans titulature. Il est donc plus probable que cette pièce ait été frappé à Mediolanum (Milan). Toutefois, rien ne permet de la dater avec précision.

Sources: Wikipedia (Claudius Gothicus [FR/EN], Felicitas [FR/EN], caduceus [FR/EN]), Google, FAC (Claudius II, caduceus, Felicitas), ERIC (Claudius II); RIC v. 5, pt. 1: 145, Sear RCV (1983):  3099; MinautorCoins, Numista, Numismatics. Voir aussi ma fiche.

IMG_9640-9644La troisième pièce est beau antoninianus (VG [Very Good], AE [Bronze], 17 x 18 mm, 2.880 g, payé environ $5 le 1985/06/16, patine brunâtre avec des traces de vert-de-gris sur le revers; die-axis: ↑↓). L’avers nous montre une tête de l’empereur radiée, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] CLAVDIVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Providence debout à gauche, les jambes croisées, appuyée sur une colonne et tenant un baton (sceptre) dans la main droite et une corne d’abondance dans la gauche, un globe à ses pieds, avec l’inscription PROVIDENT[IA] AVG[VSTI] (prévoyance de l’empereur). Il n’y a pas de marque d’officine dans le champs droit (quoi que l’exergue a disparu dans la rognure). Cette pièce aurait été frappé à Rome mais nous n’avons aucune indication qui permettrait de la dater avec précision.

Sources: Wikipedia (Claudius Gothicus [FR/EN], Providentia [FR/EN], cornucopia [FR/EN]), Google, FAC (Claudius II,  Providentia), ERIC (Claudius II); RIC v. 5, pt. 1: 91, Sear RCV (1983):  3117; WildWinds, Numismatics, vcoins, Numista, Numista, CoinProject. Voir aussi ma fiche.

IMG_9625-9635La dernière pièce est un petit mais assez beau antoninianus commémoratif (G [Good], AE [Bronze], 13.5 x 14 mm, 1.192 g, patine verte foncée, rognure sur toute la circonférence, payé $US 12.50 le 1985/04/14;  die-axis: ↑↓). L’avers nous présente une tête radiée (ou un buste radié et drapé?) de l’empereur à droite, avec l’inscription DIVO CLAVDIO (Divin Claude). Le revers illustre un grand autel enflammé (la flamme centrale est bordée de part et d’autre de deux objets qui semblent sphériques — représentant de la fumée?) décoré de quatre panneaux carrés avec des points en leur centre, avec l’inscription CONSECRATIO (Consecration, i.e. acte de rendre sacré ou divin). L’exergue a disparu dans la rognure mais pourrait avoir comporté une marque d’officine (P, S, R ou Q dans le cas de Mediolanum ou XII dans le cas de Rome) ou pas. Cette pièce aurait donc été frappé à Rome ou à Mediolanum (Milan) dès le décès de l’empereur, en 270, et jusqu’à l’année suivante — c’est-à-dire sous le très bref règne de son frère Quintillus ou sous le début du règne de Aurelianus.

Sources: Wikipedia (Claudius Gothicus [FR/EN], ), Google, FAC (Claudius II,  ), ERIC (Claudius II); RIC v. 5, pt. 1: 261, Sear RCV (1983):  3128; acsearch, acsearch, rcs, CoinArchives, CoinArchives, acsearch, CoinTalk, CoinProject, Numismatics, vcoins, beastcoins. Voir aussi ma fiche.

Les types de revers produit par Claudius Gothicus nous montre encore une fois la volonté de présenter au peuple romain une propagande positive en ces temps difficiles: ainsi on fait la promotion de la santé et de la prévoyance de l’empereur et l’on promet des temps heureux alors que l’on tente de stabiliser l’empire. Claudius était en bonne voie d’y réussir mais malheureusement une épidémie à mis fin prématurément à son règne et c’est son successeur qui achèvera la tâche. La crise du IIIe siècle n’est donc pas encore tout à fait terminée.

La priorité a été de sécuriser les frontières et l’économie reste donc très fragile. Sous son règne, comme nous le dit le RIC (Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, vol. V, part I, London: Spink & Son, [1927] 1972, pp. 201-237) “La majeure partie de la monnaie du règne se compose d’antoniniani qui, bien que saucés dans l’argent au moment de l’émission, montrent rarement des traces de ce traitement maintenant. Il existe cependant quelques exemplaires (…) qui sont frappés en alliage blanc [billon?] (…)” [p. 202].

Toutefois, la pièce la plus intéressante des quatre est sans doute la dernière. “En effet, l’une des caractéristiques les plus intéressantes des monnaies qui portent le nom de Claudius est le témoignage qu’elles rendent à l’extraordinaire honneur dans lequel il a été tenu, et la durée pendant laquelle sa mémoire a été chérie, car nous ne trouvons pas moins de trois séries dédicatoires publiées en cet honneur. (…) [Tel que] Les monnaies inscrites DIVO CLAUDIO (…) avec une légende de revers CONSECRATIO (…) [et] avec des types posthumes: l’autel, l’aigle ou le bûcher funéraire. Ces pièces ont commencé à être émises immédiatement après sa mort et se trouvent dans tous les ateliers monétaires, y compris Antioche. Ils sont aussi communs dans les ateliers irréguliers de la Gaule, et certains spécimens barbares qui ont été trouvés semblent être d’origine orientale” (RIC, pp. 202-203).

La semaine prochaine nous nous arrêterons brièvement sur une pièce du frère de Claudius Gothicus, Quintillus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 42

Crise du IIIe siècle (3): L’Empire des Gaules (3) 

Tetricus I & II (271-274 EC)

Gaius Pius Esuvius Tetricus est né dans une noble famille Gauloise. À cause du manque de sources contemporaines, on connait peu de choses sur lui sinon qu’il est devenu sénateur et, qu’au printemps 271, il était gouverneur de Gallia Aquitania lorsque, à la mort de Victorinus, il fut acclamé empereur des Gaules par les troupes basées à Burdigala (Bordeaux). Son pouvoir est reconnu par la plupart des provinces Gauloises (Gaule lyonnaise, Gaule aquitaine, Gaule belgique) et par la Bretagne. La Gaule narbonnaise (partiellement reconquise par le général Placidianus), l’Hispanie et la cité germanique de Argentoratum (Strasbourg) se rallient plutôt à Aurelianus qui, après la mort de Claudius Gothicus (puis de son frère Quintillus), est acclamé empereur romain en septembre 270 par ses troupe de Pannonie basées à Sirmium.

Vers la fin de 271, la pression incessante des tribus germaniques sur la frontière du Rhin amène Tetricus à déplacer sa capitale de Colonia (Cologne) à Augusta Treverorum (Trière). Il les contient d’abord avec succès mais doit éventuellement retraiter et, par la fin de son règne, les excursions de pillages germaniques pénètrent jusqu’à la Loire! Profitant qu’Aurelianus est occupé à reconquérir l’Empire Palmyrénien de la reine Zenobia en Orient, Tetricus reconquiert la Gaule narbonnaise et le sud-est de la Gaule aquitaine. En 273-274, il doit aussi écraser la révolte du gouverneur de la Gaule belgique, Faustinus. Pour l’aider dans ces tâches, au début de 273, il associe son fils, Tetricus Iunior (ou Tetricus II), au pouvoir en lui décernant les titres de caesar et de princeps iuventutis. En janvier 274, il est fait consul et même aussi, possiblement, augustus, c’est-è-dire co-empereur avec son père.

Toutefois, dès qu’Aurelianus en a terminé avec Zenobia en 273, il tourne son attention sur l’Empire des Gaules qu’il envahit par le nord. La confrontation a lieu en février ou mars 274 près de Duro Catalaunum (Châlons-en-Champagne) lors de la bataille des champs Catalauniques. Tetricus doit capituler et est capturé. Aurelianus le fait figurer, au côté de son fils et de Zenobia, dans un faste défilé triomphal à Rome. C’est donc la fin de l’Empire des Gaules et l’Empire Romain est de nouveau unifié. Chose exceptionnelle, Aurelianus octroie aux captifs le pardon et donne même à Tetricus un poste de corrector (un sénateur supervisant la gestion des cités) en Lucanie (ou dans toute l’Italie, les sources ne s’entendent pas à ce sujet). Il mourra de mort naturelle plusieurs années plus tard. Tetricus II n’est pas mentionné par les sources après le triomphe d’Aurelianus. Il a probablement été épargné lui aussi et obtenu une position sénatoriale ou a simplement fini ses jours comme simple citoyen.

IMG_9500-9510J’ai une pièce de monnaie de chacun de ces co-empereurs. La première pièce est un assez beau antoninianus de Tetricus Senior (VG [Very Good] / G [Good], AE [bronze], 18 x 20 mm, 2.239 g, payé environ $5 le 1985/06/16, rogné dans le bas, patine verdâtre et argentée [probablement une pièce “saucée”]; die-axis: ↑↑). L’avers présente un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] TETRICVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Fides, drapé, debout à gauche, tenant deux enseignes militaires, avec l’inscription latine FIDES MILITVM (“la fidélité des soldats”).

Le revers illustre de façon frappante l’élément le plus important pour le maintient au pouvoir d’un empereur en pleine crise du IIIe siècle: la fidélité des soldats. Le RIC (Webb, Percy H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. The Roman Imperial Coinage Vol. 5, Part II (From Probus to Maximian). London: Spink & Son, [1933] 1972, pp. 399-425) indique cette pièce comme ayant été frappée dans un atelier du sud de l’Empire des Gaules (et avance Vienne, en Gaule narbonnaise, comme possible localisation) sans donner de datation précise. Toutefois, les sources modernes (en ligne) identifient ce deuxième atelier comme étant plutôt situé à Colonia Agrippinensium (Cologne) et datent la pièce (sans pourtant fournir de justificatif) à 272-73 EC.

Sources: Wikipedia (Tetricus I [FR/EN], Fides), Google, FAC (Tetricus I, Fides, Military Ensigns, Signa militaria, Legionum Insignia, Roman standard, vexillum), ERIC (Tetricus I);  RIC v. 5, pt. 2: 71, Sear RCV (1983): 3076; Numismatics, WildWinds (text, image), GallicEmpire, FAC [Cologne Mint, issue 3, FIDES MILITVM type], CoinProject, CoinSpot. Voir aussi ma fiche.

IMG_9515-9520La deuxième pièce est un assez beau antoninianus de Tetricus Junior (VG [Very Good] / G [Good], AE [bronze] ou billon, 16.5 x 17 mm, 2.599 g, payé $US 9.50 le 1985/04/14, flan déchiqueté, décentré, la patine grisâtre et argentée semble indiquer que le flan de billon a été “saucé”; die-axis: ↑↓). L’avers présente un buste du césar drapé et radié à droite (on remarque le portrait juvénile) avec l’inscription latine C[AIVS] PIV[S] ESV[IVS] TETRICVS CAES[AR]. Le revers illustre de façon fort intéressante divers emblèmes du pontificat et instruments sacrificiels comme les aspergillum (arroseur ou goupillon), simpulum (louche), capis (cruche avec la hanse à droite), secespita (couteau rituel) et lituus (bâton augural), avec l’inscription latine PIETAS AVGVSTOR[VM] (“la piété des Empereurs”) — l’usure et la rognure ayant fait disparaître la fin de l’inscription, celle-ci pourrait en fait être PIETAS AVGG mais la distance, la taille et le positionnement des lettres rendent AVGVSTOR plus probable.

Ici, les co-empereurs veulent de toute évidence promouvoir leur grande piété et ainsi s’attirer les faveurs des dieux (ils en avaient bien besoin!). Tout comme la pièce précédente, le RIC attribut cette pièce au deuxième atelier (que l’on suppose être situé dans le sud, possiblement à Vienne) sans avancer de date précise. Toutefois, les sources modernes (en ligne) identifient ce deuxième atelier comme étant plutôt situé à Colonia Agrippinensium (Cologne) et datent la pièce à 273-74 EC. Dans ce cas-ci on peut facilement justifier cette datation par le fait que Tetricus II aurait reçu le titre de caesar au début de 273 et que son principat prit fin avec l’avénement d’Aurelianus à la fin de 274.

Sources: Wikipedia (Tetricus II [FR/EN]), Google, FAC (Tetricus II, Pietas, PIETAS AVGG, aspergillum, simpulum, capis, Secespita, lituus), ERIC (Tetricus II); RIC v. 5, pt 2: 254 ou 258, Sear RCV (1983): 3088; CoinProject, ARC, numismatics, FAC (Cologne Mint, issue 6, PIETAS AVGVSTOR type), WildWinds (text, image), GallicEmpire, BeastCoins, vcoins, CoinArchives (1, 2, 3), HarvardMuseum, FralinMuseum. Voir aussi ma fiche.

Le RIC nous dit que “la plupart des monnaies régulières de Tetricus et de son fils (…) suivent si étroitement le style de l’atelier du sud de Victorinus qu’il ne laisse aucun doute qu’elles proviennent de la même source” (p. 399) et il propose que ce second atelier pourrait être situé à Vienne (en Gaule narbonnaise). Toutefois, les sources récentes semblent n’indiquer que deux ateliers monétaires: celui de  Augusta Treverorum (Trière), caractérisé par ses bustes radiés, cuirassés et drapés, et celui de Colonia (Cologne), caractérisé par des bustes qui sont uniquement radiés et cuirassés. 

Avec Tetricus, la cohésion de l’Empire des Gaules semble s’étioler. En effet, “Le déclin de la fabrication, de la taille, du poids et de l’individualité [des pièces de monnaie], dont les signes commencent à apparaître après la mort de Postumus, a maintenant avancé jusqu’à indiquer l’épuisement de l’esprit qui, sous ce grand empereur, a provoqué l’établissement de la Imperium Galliarum” (RIC, p. 400). Il était donc bien mûr pour la reconquête par Aurelianus… Ce dernier réunifie l’Empire Romain qui échappe ainsi de peu à l’extinction par le fractionnement. Toutefois, la fin de l’Empire des Gaules et de l’époque des Trente Tyrans ne signifie pas pour autant la stabilité de l’Empire: la crise du IIIe siècle (et l’arnachie militaire qui l’a provoqué) n’est pas encore tout à fait terminée et il y aura encore de très nombreux usurpateurs du pouvoir. Par exemple, Carausius (commandant de la flotte navale Classis Britannica sous Maximianus Herculius) se révolte et réussit à se tailler un Empire de Bretagne, qui demeurera modeste (n’incluant que la Bretagne et le nord de la Gaule) et éphémère (puisqu’il ne durera que six ans, de 286 à 293).

La semaine prochaine nous reprenons le fil de notre récit des empereurs romains au travers de leur monnaie avec le premier des empereurs Illyriens, Claudius Gothicus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 41

Crise du IIIe siècle (3): L’Empire des Gaules (2) 

Victorinus (269-271 EC)

Marcus Piavonius Victorinus est issue d’une riche famille gauloise et sert dans l’armée sous Postumus où il gravit rapidement les échelons: il est nommé tribunus praetorianorum en 266/267, puis co-consul avec Postumus en 268 et fut peut-être même nommé préfet du prétoire. Après la mort de Marius, il est acclamé empereur des Gaules par les troupes basées à Augusta Treverorum (Trière). Comme la plupart des usurpateurs, son règne fut bref et le manque de sources contemporaines fait que nous n’en connaissons peu de chose. Son pouvoir ne fut reconnu que par les provinces de Gaule, de Germanie et de Bretagne. L’Hispanie se rallia à l’empereur légitime de Rome, Claudius Gothicus. Ce dernier redouble les efforts pour reprendre l’Empire des Gaules sous son contrôle. Il envoi le général Placidianus pour reconquérir le sud-est de la Gaule mais seulement la ville de Cularo (Grenoble) est reprise. Toutefois, la ville de Augustodunum (Autun) en profite pour se rebeller aussi mais Victorinus la reprend (et ses soldats Bataves la pillent) après un siège de sept mois au printemps 270. Claudius Gothicus ne pousse pas plus loin sa tentative de reconquête car il doit porter son attention sur des invasions d’Alamands en Italie et de Goths dans les Balkans. Au début de l’année 271, Victorinus est assassiné par l’un de ses officiers, Attitianus, jaloux de l’attention qu’il portait à son épouse. Il est remplacé par Tetricus, qui était alors gouverneur de Gallia Aquitania.

J’ai quatre pièces de monnaie de Victorinus: deux Pietas et deux Salus. 

Les deux premières pièces sont deux antoniniani très similaires avec un type de Pietas. L’avers présente un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] VICTORINVS P[IVS] F[ELIX] (pieux heureux) AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Pietas drapée (et diadémée?) debout à gauche, sacrifiant de la main droite au-dessus d’un autel allumé et tenant une boîte à encens (acerra) de la gauche avec l’inscription latine PIETAS AVG[VSTI] (la piété de l’empereur).

IMG_9456-9461Le premier est un beau antoninianus (F [Fine] / G [Good], AE/AR [bronze argenté], 17.5 x 19 mm, 1.728 g, payé $US 9.50 le 1985/04/14, le flan est partiellement rogné et déchiqueté et la patine présente une étrange iridescence sans doute due au fait que la pièce est “saucée“; die-axis: ↑↑).  Le début de la titulature de l’empereur est perdu dans la rognure et le revers est en moins bon état que l’avers mais la pièce demeure toutefois identifiable par comparaison. La pièce aurait été frappé un deuxième atelier (le principal étant Cologne) dans le sud de l’Empire mais aucun indice ne nous permet une datation précise. 

IMG_9476-9480La deuxième pièce est un assez beau antoninianus (G [Good] / VG [Very Good], AE [bronze], 20 x 21 mm, 3.211 g, payé environ $5.60 le 1985/06/16, le flan est relativement épais et couvert d’un dépôt aquamarine ou vert-de-gris qui masque les détails de la pièce; die-axis: ↑↓). L’inscription de l’avers est pratiquement illisible (sauf pour le IMP C initial qui est assez clair). Celle du revers se distingue bien mais on note que le “S” de PIETAS ressemble plus à un “O”… La pièce aurait également été frappé au deuxième atelier mais aucun indice ne nous permet une datation précise. 

Sources: Wikipedia (Victorinus [FR/EN]), Google, FAC (Victorinus, PIETAS AVG), ERIC (Victorinus); RIC v. 5, pt 2: 57, Sear RCV (1983): 3067; WildWinds (1 [text, image], 2 [text, image]), ARC, CoinProject (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7), CoinArchives, vcoins, beastcoins, numismatics, GallicEmpire, classicalcoins; Voir aussi mes fiches [1 & 2].

Les deux pièces suivantes sont deux antoniniani également très similaires mais cette fois avec un type de Salus. L’avers présente un buste de l’empereur radié, cuirassé et drapé  à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] VICTORINVS P[IVS] F[ELIX] (pieux heureux) AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Salus debout à gauche, tenant un long sceptre vertical de la main gauche et une patère dans la main droite, nourrissant un serpent qui s’élève d’un autel, avec l’inscription latine SALVS AVG[VSTI] (la santé de l’empereur). 

IMG_9464-9468La troisième pièce est un très beau antoninianus (F [Fine], AE/AR [bronze argenté], 17 x 18.5 mm, 2.286 g, payé environ $5 le 1985/06/16, le flan est partiellement déchiqueté et la patine brunâtre présente la même iridescence argentée que la première pièce mais, s’il n’y a aucun dépôt, certains détails ont été effacé par l’usure; die-axis: ↑↑). Le début de la titulature est perdu mais le reste est bien lisible. Sur le revers, ce qui distingue les deux pièces, est la césure du S-ALV-S et le fait que le AVG est absent ou a été effacé par l’usure. La pièce aurait été frappé par l’atelier du sud en 271 (selon certaines sources en ligne, mais je n’ai pas trouvé de justification pour cette datation).

IMG_9485-9490La dernière pièce est un assez beau antoninianus (F [Fine] / G [Good], AE [bronze], 18 x 16 mm, 2.588 g, payé environ $8 le 1985/12/17, patine brun & vert foncé avec des traces de vert-de-gris; die-axis: ↑↑). Ici aussi le début de la titulature a été effacé et, sur le revers, il n’y a pas de césure dans le SALVS et le AVG est clairement présent (quoique le “A” soit illisible). Compte tenu de ces différences entre les deux pièces, peut-on attribuer à celle-ci le même atelier et la même datation? Ce n’est pas très clair…

Sources: Wikipedia (Victorinus [FR/EN]), Google, FAC (Victorinus, SALVS AVG), ERIC (Victorinus); RIC v. 5, pt 2: 71, Sear RCV (1983): 3070; WildWinds (text, image), coinarchives (1), beastcoins, CoinTalk, numismatics, GallicEmpire (image), FAC, numista; Voir aussi mes fiches [3 & 4].

On note une grande variation dans la taille et le poids des antoniniani sous Victorinus. Et, si l’atelier de Colonia Claudia Ara Agrippinensium (Cologne) généralement préfère le buste drapé au cuirassé, produit des pièces dont le dessin est agréable et bien exécuté et le lettrage bien formé, on remarque toutefois que près de la moitié de la production monétaire de Victorinus est dans un style différent. Le nez est large et le lettrage moins précis: les M et N sont disjoints et les V ont une base ouverte. Victorinus a clairement utilisé un autre atelier mais le style ne ressemble pas non plus à celui de Lugdunum (Lyon). Le RIC (Webb, Percy H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. The Roman Imperial Coinage Vol. 5, Part II (From Probus to Maximian). London: Spink & Son, 1972, pp. 379-385.) propose un atelier dans le sud, possiblement Moguntiacum (Magnence), qui fut l’atelier de Laelianus, ou alors soit Vienna (Vienne) ou Valentia (Valence) dans la Gallia Narbonensis (une source en ligne propose Augusta Treverorum). Il semble, toujours selon le RIC, que les types de Pietas et de Salus aient tous deux été frappé par ce second atelier du sud. 

La semaine prochaine nous terminons notre aparté sur l’Empire des Gaules avec l’empereur Tetricus et son fils, Tetricus II.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 40

Crise du IIIe siècle (3): L’Empire des Gaules (1) 

Postumus (260-269 EC)

En plein coeur de l’anarchie militaire qui a plongé l’Empire Romain dans la crise du IIIe siècle, on retrouve un territoire autonome qui s’est scindé du reste de l’Empire. Il s’agit de l’Empire des Gaules qui a été créé par l’un des nombreux usurpateurs du pouvoir romain, surnommés les “Trente Tyrans” par l’Histoiria Augusta : Marcus Cassianus Latinius Postumus. 

Nous ne savons pas grand-chose sur Postumus et ce que nous savons provient principalement de sources peu fiables comme l’Historia Augusta. On croit qu’il était d’une origine provinciale modeste et, comme il a émis des monnaies dédiées à une divinité locale (Hercules Deusoniensis), serait né à Deusone (Diessen en Hollande) près de la frontière Batave. Il aurait donc des origines gauloises ou bataves. Très doué, il aurait rapidement gravi les échelons militaires jusqu’à devenir gouverneur de Germanie Inférieure sous le règne de Valerianus. Lors d’une invasion germanique en 259 (Alamans, Francs et Juthunges), Gallienus — qui est en charge de l’occident alors que son père Valerianus est en charge de l’orient — confit à son fils Saloninus (à peine âgé de dix-sept ans) la défense de la frontière du Rhin et Postumus y commandait l’une des armées.

À l’été 260, son armée écrase une colonne de Juthunges qui revenait d’Italie chargée de prisonniers et du fruit de leurs pillages. En septembre, suite à une dispute sur la distribution du butin (l’armée n’appréciant pas la décision du jeune Saloninus et de son préfet du prétoire Silvanus de s’accaparer le trésor; et la nouvelle de la capture de Valerianus par les Perses a sans doute aussi été un facteur), les soldats proclament leur général empereur et entreprennent de faire le siège de Colonia Agrippinensium (Cologne). Ils prennent la ville rapidement, puis assassinent Saloninus et Silvanus (quoi que plus tard ils blâmeront les gaulois pour le meurtre). Le pouvoir “Impérial” de Postumus est immédiatement reconnu par les troupes de Gaule, de Germanie et de Rhétie. L’année suivante, il contrôle également la Bretagne, la Gaule Narbonaise et l’Hispanie. Étrangement, plutôt que de marcher sur l’Italie pour devenir l’Empereur de Rome, il établit plutôt son propre fief dans le coin nord-ouest, l’Empire des Gaules, et choisit pour capitale soit Colonia Agrippinensium (Cologne), soit Augusta Treverorum (Trèves). Postumus structure l’administration de son “empire” en prenant exemple sur Rome: il est nommé consul et Pontifex Maximus, reçoit la puissance tribunicienne, établit un sénat et une garde prétorienne, frappe de nombreuses monnaies (principalement avec des types de victoires ou une série importante dédiée aux Travaux d’Hercules), et il défend avec succès son territoire contre les invasions germaniques et les tentatives de Gallienus de le reconquérir (ce dernier réussi bien à faire le siège de Augusta Treverorum, mais il doit abandonner après avoir été blessé d’une flèche).

Toutefois, si Postumus réussit à maintenir la paix et la prospérité dans son empire pendant plus d’une demi-douzaine d’années, les troubles présents dans le reste du monde Romain finissent par le rattraper. Grâce aux apports d’argent provenant du front du Rhin et des mines d’Hispanie, il a réussi à maintenir une monnaie forte jusqu’en 265 mais, par la suite, la quantité d’argent dans la monnaie chute à des niveaux comparable au reste de l’Empire causant une crise économique. Il n’était pas non plus exempt à voir son pouvoir contesté  par un usurpateur puisqu’en janvier 269, Laelianus, le gouverneur de Germanie Supérieur, se révolte et est nommé empereur par ses troupes (Legio XXII Primigenia et Legio VIII Augusta). Postumus recapture la ville de Mogontiacum (Mayence) et fait tuer Laelianus, mais durant l’été 269 il est assassiné à son tour par ses propres troupes qu’il tentait d’empêcher de piller la ville! Il semble que ceux-ci lui reprochait aussi son manque d’ambition… Les légions acclament un certain Marius, un simple soldat, pour le remplacer mais celui-ci ne jouira du pouvoir que quelques mois puisqu’il est assassiné à l’automne 269 et remplacé par le préfet du prétoire Victorinus

IMG_9197-9203Je n’ai qu’une seule pièce de Postumus et c’est un très beau antoninianus (VF [Very Fine] / VG [Very Good], AR (Billon ou flan de bronze saucé), 21 mm, 3.504 g, payé 95 FF, caractérisé par un très très bel avers mais un revers un peu plus usé et un peu flou, die-axis: ↑↑). L’avers présente une buste de l’empereur radié, drapé et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] C[AESAR] POSTVMVS P[IVS] F[ELIX] (pieux et heureux) AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Victoire ailée avançant à gauche, une couronne de laurier dans la main droite et une palme dans la gauche, un prisonnier à ses pieds, avec l’inscription latine VICT-OR-IA AVG[VSTI] (“Victoire de l’Empereur”).

Selon le RIC  (Webb, Percy H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. The Roman Imperial Coinage Vol. 5, Part II (From Probus to Maximian). London: Spink & Son, 1972, pp. 310-368.) ce type n’a été frappé qu’à Lugdunum (Lyon) mais il n’offre aucune datation précise (260-268). Toutefois, les sources en ligne (sans justificatif apparent, possiblement en se basant sur des données archéologiques) mentionnent que ce type aurait pu être frappé aussi à Augusta Trevorum (Trèves) ou à Colonia Agrippinensium (Cologne), et avance comme date le début du règne (260-261). Le motif de victoire peut faire référence soit aux victoires de Postumus contre les envahisseurs Germains (peut être sur les Juthunges), soit au fait qu’il ait résisté à toute les tentatives de Gallienus pour reconquérir son territoire.

Sources: Wikipedia (Postumus [FR/EN], Empire des Gaule [FR/EN]), Google, FAC (Postumus, VICTORIA AVG, laurel wreath, victory, palm), ERIC (Postumus), GallicEmpire; RIC 5.2: 89, Sear RCV (1983): 3032; CoinArchives, acsearch, arc, WildWinds (text, image), numista, numismatics, vcoins, CoinTalk, FAC, YorkCoins, ACG, WorthPoint, CoinProject.  Voir aussi ma fiche.

La semaine prochaine nous nous attardons sur le règne de Victorinus dont j’ai quatre pièces de monnaie.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 39

La crise du IIIe siècle (2): Les Trente Tyrans 

Gallienus (253-268 EC) (3)

En 267, Gallienus doit faire face à une nouvelle invasion de tribus Germaniques (parfois appelé génériquement Goths ou même, par erreur, Scythes). Cette fois il s’agit des Hérules qui, à l’aide d’une flotte de centaine de navires, pillent la côte sud de la Mer Noire, assiégeant sans succès Byzance et Cyzique. La marine romaine les repousse en Mer Égée où ils continuent leur pillage sur les îles de Lemnos et Skyros, avant de s’attaquer aux villes d’Athènes, de Corinthes, d’Argos et de Sparte. La milice athénienne dirigée par Dexippus les repousse au nord, où ils sont intercepté par l’armée romaine sous le commandement de Gallienus. Ils sont défait lors d’une bataille à la frontière entre la Macédoine et la Thrace, près de la rivière Nessos. Toutefois, Gallienus n’a pas le temps de savourer sa victoire. Après avoir accepter la reddition du chef Hérule, Naulobatus, il doit laisser la suite des opérations à Marcianus et partir précipitamment pour l’Italie afin de réprimer la révolte de son maître de cavalerie Aureolus. Ce dernier, campé à Mediolanum (Milan), devait protéger le nord de l’Italie contre une attaque de l’usurpateur Postumus, mais au lieu de cela il donne son support à ce dernier et tente lui-même d’usurper le pouvoir impérial. Gallienus gagne une première bataille près de Pontirolo Nuovo et fait le siège de Mediolanum. 

Toutefois, plusieurs de ses hauts officiers (Heraclianus, Marcianus, Claudius et Aurelianus) complotent contre lui durant le siège et il est assassiné en septembre 268. Le sénat, apprenant sa mort, fait exécuter sa famille (son frère Valerianus, son neveu Marinianus et sa femme Salonina) et leurs partisans. L’un de ses maîtres de cavalerie Illyriens, Claudius, lui succède (soit qu’il a été choisi par Gallienus lui-même sur son lit de mort, ou par ses co-conspirateurs). Ce dernier doit aussitôt faire face à une nouvelle invasion de Hérules, cette fois accompagnés du renfort d’autres tribus Goths (Greuthungi et Thervingi), Gépides et Peucini. Leur attaque sur les côtes occidentales de la mer Noire, sur la mer de Marmara (Propontis) et en Mer Égée est inefficace et Claudius les vaincra en 269 à la bataille de Naissus, méritant ainsi son surnom de Gothicus (vainqueur des Goths). Son bref règne annoncera la fin de l’anarchie militaire et débutera l’époque des empereurs illyriens.  

Voici donc mes trois dernières pièces de monnaie de Gallienus:

La première de ces pièces est un assez beau antoninianus (G [Good], AE [bronze], ± 18 mm, 2.823 g, payé $9.50 US le 1985/04/14, patine brunâtre et le quart de la bordure du flanc est déchiquetée, die-axis: ↑↙︎). L’avers présente une tête de l’empereur radiée à droite avec l’inscription latine GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une antilope marchant à gauche avec l’inscription latine (partiellement lisible) DIANAE CONS[ERVATORI] AVG[VSTI] (“Diana, protectrice de l’empereur”) et un XII (marque de la douzième officine de l’atelier de Rome) est légèrement discernable en exergue.

À la toute fin du règne de Gallienus (probablement en 267-68), les ateliers de Rome produisirent une émission monétaire qui honorait neuf divinités romaines afin d’obtenir leur protection en ces temps très troublés. Chacune des divinités était représentées par un ou plusieurs animal réel ou mythique: Apollo (centaure, griffon), Diana (biche, cerf, antilope / gazelle), Hercule (lion, sanglier), Juno (biche / élan / chevreuil), Jupiter (bouc), Liber Pater (panthère / tigresse), Mercure (hippocampe / Criocampus [créature mi-bélier, mi-poisson]), Neptune (capricorne [animal mythique mi-chèvre, mi-poisson], hippocampe) et Sol (Pegasus, taureau). On appel cette série soit “Conservatio”, soit la série animalière de Gallienus. Chacune des officines a produit un type différent de ces pièces. Le groupe le plus fréquent était celui dont l’inscription référait à Diana (43.5%) et le type illustrant une antilope (ou gazelle) a été frappé par la onzième (XI), avec l’antilope à droite, et douzième (XII) officine, avec l’antilope à gauche. Quelques rares pièces de ces types auraient pu également être frappées à l’atelier de Siscia. Cette pièce a donc fort probablement été frappée à Rome, par la douzième officine, vers 267-68.

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], Diana [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus, Diana, DIANAE CONS AVG, Conservator, zoo collection), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 181, Sear RCV (1983): 2853; vcoins, vcoins, vcoins, Numista, Numista, CoinArchives, MA-Shops, acsearch, coinproject, CoinTalk. Voir aussi ma fiche.

La pièce suivante est un très beau antoninianus (F [Fine], AE [bronze], 18 x 21 mm, 2.946 g, payé $US 9.50 le 1985/04/14, importante patine verte [oxyde de cuivre] et le bas de la pièce est rogné, die-axis: ↑↑). L’avers présente une tête de l’empereur radiée à droite avec l’inscription latine GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Mars, casqué, en tenue militaire, debout ou marchant à gauche, tenant une branche d’olivier dans la main droite, s’appuyant sur un bouclier de la main gauche et une lance posée sur son bras gauche, avec l’inscription latine MARTI PACIFERO (“pour Mars, le pacificateur”) et un A (marque d’officine, alpha = première officine) dans le champs gauche.

Comme je l’ai mentionné la semaine dernière, l’une de quatre grandes thématiques que l’on retrouve dans les différents types de pièces de monnaie émises sous Gallienus (selon Troy Kendrick, A Reassessment of Gallienus’ reign, lui-même citant Erika Manders) est l’association de l’empereur aux divinités. Si c’est la deuxième plus importante thématique après les représentations militaires durant le règne conjoint, l’association divine devient la catégorie incluant le plus grand nombre de pièces frappées après 260 — c’est-à-dire près du quart de l’émission monétaire. L’exemple précédente, qui évoque Diane (la déesse chasseresse), fait partie de cette catégorie. C’est aussi le cas pour cette pièce qui évoque Mars le Pacificateur, un dieu qui amène la paix mais par la victoire. Cette pièce fait partie non seulement du groupe d’association divine mais également de celui des représentations militaires. “Se présenter comme un dieu, un héros, un sauveur ou le médium par lequel le pouvoir divin apportait la paix et la prospérité était un élément standard de la propagande parmi les empereurs. [KENDRICK, p. 57] (…) La «série animale» et la proclamation de tant de dieux protégeant Gallienus étaient probablement un effort pour simultanément impressionner et rassurer toutes ses troupes, qui choisissaient des divinités individuelles à qui prier et faire des sacrifices. [p. 61] (…) Gallienus a tenté de donner à son règne un fondement religieux, faisant appel à un large éventail de divinités qui étaient adorées dans tout l’Empire” [p. 63]. Cette pièce est donc un autre exemple où Gallienus promet au peuple de l’Empire la victoire, la paix et la prospérité, en disant “Ne vous inquiétez pas, avec moi ça va bien aller.”

La nomenclature (GALLIENVS AVG) nous indique encore que la pièce a été frappée durant la période où Gallienus régnait seul, c’est-à-dire après 260. Malheureusement, aucun élément ne nous permet une datation plus précise. Cette pièce aurait donc été frappée à Rome, par la première officine, vers 260-268.

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], Mars [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus, Mars, Marti, Mars), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 236, Sear RCV (1983): 2880; Numista, vcoins, CoinArchives, CerberusCoins, MA-Shops, Numismatics, acsearch, acsearch. Voir aussi ma fiche.

Mon dernier exemple est une pièce grecque impériale (monnaie provinciale romaine). J’ai toujours cru qu’il s’agissait d’un tétradrachme mais en fait c’est un decassarion, “une dénomination de bronze valant dix as (assarion en grec) qui était généralement frappé par les ateliers provinciaux romains. Il ne respectait pas une norme de poids standard mais suivait plutôt la norme locale, ainsi il s’agissait simplement d’une pièce qui avait pour valeur dix fois la dénomination de base locale” [ACG]. 

C’est donc un très beau decassarion frappé à Perga, en Pamphylie, sur la côte sud de l’Anatolie (F+ [Fine+], AE [bronze], 29.5 mm, 15.087 g, payé environ $5 le 1985/01/06, surface rugeuse et dépôt rougeâtre, die-axis: ↑↑). L’avers présente une tête de l’empereur laurée, cuirassée et drapée à droite avec l’inscription grecque AVT KA𝚰 𝞟𝞞 𝞚𝞘  𝚪𝚨𝚲𝚲𝚰𝚮𝚴-𝚶 CEB (Aut[okratos] Kai[sar] Po[blios] Li[cinios] Gallieno Ceb[astos] = Imperator Ceasar Publius Licinius Gallienus Augustus) et un grand “𝚰” devant le buste (un indice de la dénomination). Le revers illustre un coffre à trois pattes avec trois bourses au-dessus, et l’inscription grecque 𝚷𝚬𝚸-𝚪𝚨𝚰-𝛀𝚴 (Pergaion / Perga, le nom de la cité qui a frappée la monnaie).

La symbolique de ce type de revers est incertaine. Cela pourrait faire référence à des offrandes divines ou à une libéralité de l’empereur (distribution d’argent au peuple) car le coffre et des bourses évoque une idée d’argent (sacs de monnaies). J’aurais probablement besoin de faire plus de recherches sur ce sujet. De plus, aucun élément de cette pièce ne permet de la dater avec précision, donc tout ce que l’on peut dire c’est qu’elle a été frappée à Perga vers 253-268 (quoique la présence de “AVT KAI” suggère que c’était durant le règne conjoint, soit 253-260).

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], atelier monétaire), Google, FAC (Gallienus), ERIC (Gallienus), ACG (Decassarion), ; CoinProject (1, 2, 3), CoinArchives, SNG, WildWind (text, image). Voir aussi ma fiche.

En conclusion, comme je l’ai déjà mentionné quand j’ai parlé de son épouse Salonina, ce qui rend Gallienus intéressant c’est que, malgré le fait qu’il ait été un empereur-soldat, il a aussi été un empereur hellénisant et humaniste, adepte du néoplatonisme et tolérant envers les cultes orientaux (Allat, Sol, religions à mystères), particulièrement envers le christianisme — ce qui a d’ailleurs beaucoup facilité son avancement. Il a également fait des réformes militaires où le commandement des armées a été confié à des Magister equitum (des officiers expérimentés d’origine illyrienne ou pannonienne) et où il a créé de nouvelles divisions de cavalerie, plus aptes à répondre rapidement aux invasions et plus adaptées aux tactiques des germains.

Gallienus a pris le pouvoir au pire moment de la crise du troisième siècle, quand l’Empire aurait dû s’effondrer, mais d’une manière ou d’une autre, il a réussi à tout garder ensemble probablement principalement grâce à sa réforme de l’armée. Il a comprit que l’armée était celle qui faisait et défaisait les empereurs et que s’il pouvait garder les soldats payés, occupés et heureux, il pourrait rester au pouvoir. Pour ce faire, il a entre autre créé de nouveaux ateliers monétaires (Mediolanum et Lugdunum) pour frapper des pièces plus près des légions du nord afin de leur assurer un salaire stable. 

Toutes ces luttes intestines avec les usurpateurs et les guerres pour tenir les envahisseurs à distance coûtaient énormément cher à l’Empire. Et le fait que les mines d’argent d’Espagne étaient soit épuisées, soit sous le contrôle de l’Empire des Gaules a contribué à aggraver la crise économique. Malheureusement, Gallienus ne pouvait rien faire à ce sujet, sinon continuer à produire de la monnaie avec au moins une apparence de normalité. Comme la teneur en argent des pièces devenait de plus en plus basse, on cachait ce fait en sauçant les pièces dans une solution d’argent pour leur donner un bel aspect argenté. Il a également utilisé sa monnaie pour diffuser une forte propagande affirmant que tout allait bien et qu’il garderait l’empire en sécurité et prospère. Et, d’une manière miraculeuse, il a réussi à rester au pouvoir pendant quinze ans, à tenir les envahisseurs et les usurpateurs à distance et l’empire en marche. C’est pourquoi son règne a marqué un point tournant dans l’Empire romain au troisième siècle.

Pour les trois prochaines semaines, avant de nous attaquer aux empereurs Illyriens, nous ferons un petit détour pour discuter de l’Empire des Gaules fondé par Postumus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Monnaies anciennes 38

La crise du IIIe siècle (2): Les Trente Tyrans 

Gallienus (253-268 EC) (2)

À partir de 260, Gallienus règne seul sur l’Empire. Toutefois, son règne continue d’être en proie aux même menaces qui persistaient durant les années de règne conjoint avec son père: révoltes, usurpations du pouvoir et invasions, le tout sur un fond de crise économique. Après la défaite de la bataille d’Édessa et la capture de Valerianus, l’armée Sassanide du roi Shapur attaque la Cilicie et la Cappadoce pillant une trentaine de cités. Ce qui restait de l’armée romaine s’est rallié sous le commandement de Ballista et de Fulvius Macrianus pour repousser les Sassanides avec l’aide d’Odenathus et de ses cavaliers Palmyriens. Fort de ce succès, Macrianus décide de nommer empereur ses fils Quietus et Iunius Macrianus. Les deux Macrianus, gagnant à leur cause les légions de Pannonie, marchent sur l’Italie mais sont défait en Illyrie par le général Aureolus au printemps ou au début de l’été 261. Au même moment, Odenathus pousse plus profondément en territoire Sassanide. Il assiège sans succès la capital de Ctesiphon mais réussi néanmoins à reprendre tout le territoire que les romains avaient perdu depuis le siège de Nisibis en 252. Par 262, Odenathus contrôle une bonne partie de l’Orient romain (le Levant, la Haute Mésopotamie et l’est de l’Anatolie) et ne peut résister à s’en déclarer le roi (avec son fils Herodianus), fondant ainsi l’Empire palmyrénien. Gallienus, préoccupé par la situation à la frontière nord de l’Empire, n’a pas le choix de le tolérer — il lui donne même le titre de dux Romanorum (commandeur des Romains). Lorsque Odenathus est assassiné en 267, le pouvoir passe à son fils Waballath (sous la régence de son épouse Zenobia) qui parvient à en agrandir le territoire (ajoutant une partie de l’Arabie et l’Égypte — qui s’était déjà rebellée sous Macrianus, puis sous le préfet Aemilianus en 262) jusqu’à ce qu’Aurelianus y mette fin en 273.

Pendant ce temps, Gallienus est au prise avec un autre usurpateur au nord de l’Empire. Suite à la défaite d’Edessa et à la révolte de Macrianus, le commandant des légions du Rhin, Postumus, est proclamé empereur par ses troupes en septembre 260. Il assiège et prends Colonia Agrippinensium (Cologne) et y établit sa capitale. Il y fait également assassiner Saloninus, le fils de Gallienus. Son pouvoir est immédiatement reconnu par les troupes de Gaule, de Germanie et de Rhétie. L’année suivante, il contrôle également la Bretagne, la Gaule Narbonaise et l’Hispanie. Étrangement, plutôt que de marcher sur l’Italie pour devenir l’Empereur de Rome, il établit plutôt son propre fief dans le coin nord-ouest: l’Empire des Gaules. Gallienus, affaiblit par la rébellion de Macrianus et de nouvelles invasions Goths au nord-est, ne réussira jamais à éliminer cet empire. Il réussit bien à assièger Postumus mais il est blessé par une flèche tirée du rempart et doit abandonner. Et lorsque Aureolus revient de l’Orient avec des renforts, celui-ci le trahit, donne son support à Postumus et tente d’usurper le pouvoir à son tour… L’Empire de Postumus (à qui succèdera Victorinus, puis Tetricus) ne sera reconquit que par Aurelianus en 274. À suivre…

Cette semaine, je vous présente trois autres pièces de monnaie de Gallienus.

IMG_9150-9154La première pièce est un assez beau antoninianus (G [Good], AR [argent], 17.5 x 18 mm, 2.344 g, payé environ $6 le 1985/04/14, die-axis: ↑↑). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite, avec l’inscription latine GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Liberalitas drapée, debout à gauche, tenant une tessera de la main droite levée et une corne d’abondance (cornucopiae) de la main gauche, avec l’inscription latine LIBE-RAL[ITAS] AVG[VSTORVM] (la générosité de l’empereur) et un S (marque d’officine, S[ecundus] = deuxième officine) dans le champs droit. 

La nomenclature (GALLIENVS AVG) nous indique que la pièce a été frappée durant la période où Gallienus régnait seul, c’est-à-dire après 260. Le RIC (vol V, pt 1: p. 33) nous apprend que ce type de Liberalitas a été frappé seulement à Rome. Il commémore une libéralité, ou distribution d’argent au peuple. Celles-ci eurent lieu en 253, 254, 256 et — la seule du règne de Gallienus — en 263. Ces libéralités sont bien représenté par les attributs de la divinité allégorique: la cornucopiae, qui représente l’abondance, et la tessera, qui est une sorte de planche avec des trous utilisées pour compter rapidement le nombre approprié de pièces à distribuer. Cette pièce a donc été frappée durant le règne unique de Gallienus, à Rome, en 263.

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], Liberalitas [FR/EN], corne d’abondance [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus, Liberalitas, tessera, cornucopiae), ERIC (Gallienus); RIC  vol. V, pt 1: 227, Sear RCV (1983): 2877; Numista, WildWinds (text, image), CoinProject, Numismatics. Voir aussi ma fiche.

Les deux pièces suivantes sont des antoniniani représentant des Providentiae mais, si elle offrent les inscriptions similaires, elles illustrent la divinité avec des attributs différents.

IMG_9188-9193La première Providentia est un assez beau antoninianus (VG [Very Good] / G [Good], AR / Billon ?, 21 x 17 mm, 2.257 g, payé environ $8 le 1985/12/17, l’avers est assez bien conservé mais il y a un important dépôt sur le revers et tout le bas de la pièce est rogné; die-axis ↑↑). L’avers nous offre une tête de l’empereur radiée avec l’inscription latine GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Providentia drapée, debout à gauche, tenant un globe dans la main droite et un long sceptre transversal dans la gauche avec l’inscription PROVID[ENTIA] AVG[VSTORVM] (la providence [protection? prévoyance?] de l’empereur). Il ne semble pas y avoir de marque d’officine dans le champs (et l’exergue a disparu dans la rognure, donc impossible de savoir si elle contenait une marque quelconque…).

Encore une fois, la nomenclature (GALLIENVS AVG) nous indique que la pièce a été frappée durant la période où Gallienus régnait seul, c’est-à-dire après 260. Dans ce cas-ci nous nous retrouvons devant deux possibilité. La première (RIC 270) est une frappe aux ateliers de Rome qui normalement comporterait un “P” dans le champs droit mais certaines sources en ligne indique qu’il existerait un type sans aucune marque — toutefois, pour cette frappe, personne n’ose avancer de datation donc nous restons avec l’intervalle du règne seul, soit 260-268. La seconde possibilité (RIC 508a) est une frappe à l’atelier de Mediolanum (Milan) qui comporterait soit un “P” dans le champs droit (ce qui n’est pas le cas) ou un “MP” en exergue (ce qui est impossible à vérifier avec cette pièce). Je juge plus probable qu’il s’agisse de la seconde possibilité. Le sources en ligne date le type de cette frappe à 265-66 mais je n’ai pas pu trouver de justification pour cette datation. Il me faudrait sans doute faire des recherches plus approfondies…

Sources: Wikipedia (Gallienus, Providentia [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus, Providentia), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 270 / 508a, Sear RCV (1983): 2888; CoinArchives, Numismatics, WildWinds (RIC 270: text, image; RIC 508: text, image),  bnumis, CoinProject, MA-Shops. Voir aussi ma fiche.

IMG_9171-9175L’autre Providentia est un beau antoninianus (VG [Very Good], AE [bronze], 21 x 22 mm, 3.946 g, payé environ $6 le 1985/04/14, die-axis: ↑↑) qui nous offre en avers une tête de l’empereur radiée à droite avec l’inscription latine GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Providentia debout à gauche, tenant un bâton dans la main droite et une cornucopiae dans la main gauche; à ses pieds, à gauche, il y a un globe et l’on retrouve l’inscription latine PROVIDEN[TIA] AVG[VSTORVM] (la providence [protection? prévoyance?] de l’empereur). Il n’y a aucune marque d’officine dans le champs ou en exergue.

La nomenclature (GALLIENVS AVG) nous indique encore que la pièce a été frappée durant la période où Gallienus régnait seul, c’est-à-dire après 260. Ce type de Providentia (avec cette inscription et pas de marque d’officine) ne semble se retrouver que dans les pièces frappées à l’atelier de Siscia. Les sources en ligne la date de 267-68 (mais, encore une fois, je n’en ai pas trouvé le justificatif).

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], Providentia [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus, Providentia, Siscia), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 580; vcoins, WildWinds (text/image), bnumis, CoinProject. Voir aussi ma fiche.

L’utilisation du type de revers avec une Providentia est très révélateur d’un aspect important de la propagande impériale de Gallienus. Elle montre quelle image il voulait donner de lui-même et de son règne principalement à travers ses portraits officiels et les différents types de frappes monétaires. Cela nous permet indirectement de connaitre l’idéologie et les politiques qu’il voulait communiquer au peuple. Selon Troy Kendrick (A Reasses­sment of Gallienus’ reign, lui-même citant Erika Manders), on retrouve durant le IIIe siècle quatre grandes thématiques dans les différents types de pièces de monnaie émises: les représentations militaires (22.5%), la promotion d’un âge d’or ou saeculum aureum (19.2%), la glorification des vertus de l’empereur (17.4%) et l’association de l’empereur aux divinités (21.8%). La frappe monétaire sous Gallienus suit les mêmes proportions. La prédominance des types militaires (qui évoquent des victoires ou vantent la valeur d’une légion pour la fidéliser) reflète bien l’importance qu’il accordait à l’armée — et pour cause! Le message qu’il veut faire passer à travers les types de frappes est qu’il est favori des dieux et, par ses propres mérites et vertus (pietas, clementia, justicia, aequitas, liberalitas, providentia, indulgentia, etc.), il est l’homme de la situation pour maintenir la paix et la prospérité de l’Empire. C’est l’habituel “Ça va bien aller” et ceux qui disent autrement font des “fake-news” (Quoi? Quelle crise?)…

Comme pour les pièces présentées la semaine dernière, celles-ci sont une bonne évidence de la dévaluation monétaire sous Gallienus (voir aussi RIC v. 5 pt 1, pp 7-8). Le coût élevé des campagnes militaires, l’épuisement des mines d’argent et l’émission constante de nouvelle monnaie par une succession d’empereurs et d’usurpateurs causent une importante inflation à laquelle on répond par une dépréciation monétaires et les pièces contiennent donc de moins en moins d’argent. L’antoninianus, qui lors de sa création par Caracalla, contenait 50% d’argent n’en contient plus que 10% au début du règne de Gallienus. On compense en frappant des pièces en billon (ce qui donne un aspect plus terne aux pièces) ou en trichant par l’utilisation de pièces saucées (un flan de bronze est trempé dans une solution d’argent pour lui donner une apparence argenté). Toutefois avec le temps et l’usage ce plaquage tend à disparaître et l’antoninianus prend l’apparence d’une simple pièce de bronze. À la fin du règne de Gallienus, les pièces ont moins de 3% d’argent et cela tombe à près de 1% dans la décennie suivante!

La semaine prochaine je vous présenterai mes trois dernières pièces de monnaie de Gallienus et je vous entretiendrai de sa mort et de son legs.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Poésie du dimanche [002.021.129]

Introduction

Ces quelques poèmes insensés
Ont servis à me défouler
Mes désirs, mes horribles peurs
Soupapes d’où s’échappait la vapeur
De cet immense et éternel train
Fonçant vers un avenir incertain

Biset
Janvier 1980

 

J’avais écrit ces quelques vers, à dix-sept ans, comme introduction pour un éventuel recueil de poésie. Étrangement, lorsque j’ai effectivement écrit la préface de mon premier recueil, je ne les ai pas utilisé… Bon, le poète du dimanche va probablement se mettre sur pause pour quelques temps, à moins que j’exhume des trucs plus profondément enfoui dans mes tiroirs (plus vieux ou plus moche?) ou que je ponde quelques choses de nouveau. Il faudra peut-être vous contenter de haïkus pour le moment…

Voir l’index des poèmes publiés sur ce blog (excluant haïku et tanka pour l’instant)…

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Monnaies anciennes 37

La crise du IIIe siècle (2): Les Trente Tyrans 

Gallienus (253-268 EC) (1)

Cette période nous offre sans aucun doute l’un des principats les plus intéressants du IIIe siècle. Publius Licinius Egnatius Gallienus est né vers 218. Il épouse Cornelia Salonina vers 240 (dont j’ai déjà parlé un peu plus tôt dans cette chronique) qui lui donne trois enfants: Valerianus II (c. 240-258), Saloninus (c. 242-260) et Marinianus (c. 249 – 268). Lorsque son père, Publius Licinius Valerianus, accède au pouvoir en septembre 253, il est nommé caesar et augustus, reçoit la puissance tribunicienne et devient le co-empereur de son père. Il est nommé consul pour une première fois en 254. Pour faire face aux nombreux périls qui menacent leur vaste empire (les habituelles révoltes, usurpations et invasions), Gallienus et son père se divisent le territoire d’une façon qui rappel ce qui deviendra plus tard la tétrarchie: Gallienus demeure en Italie pour contrer les invasions des tribus germaniques sur le Rhin et le Danube, alors que Valerianus se rend en Orient pour affronter les Perses sassanides. De 254 à 260, Gallienus passe la majorité de son temps dans les provinces romaines du nord (Germanie Inférieure et Supérieure, Rhétie, Norique, Pannonie, Dacie, Illyrie) pour repousser des invasions de Francs, d’Alamans et de Juthunges tout en écrasant la révolte du gouverneur de Pannonie Ingenuus ainsi que celle de Regalianus dans les Balkans. Son fils Valerianus II meurt en 258 (possiblement aux mains de Ingenuus). En 260, lors de la bataille d’Édesse, son père est capturé par les troupes du roi Sassanide Sapor I et il meurt subséquemment en captivité. Dès lors, Gallienus règnera seul sur l’Empire. À suivre…

J’ai neuf pièces de monnaie de Gallienus mais cette semaine je n’en présenterai que trois. Les deux premières pièces sont très similaires — en fait, à quelques détails près, elles sont identiques. Ce sont de beau ou même très beau antoniniani qui portent tous deux les même illustrations et inscriptions tant sur l’avers que sur le revers. Les avers nous offrent un buste de l’empereur radié et cuirassé à droite avec l’inscription latine GALLIENVSP[IVS] • F[FELIX] (pieux et heureux) • AVG[VSTVS] — notez les points avant, au milieu et après le “• P • F •”. Les revers illustrent deux captifs germains liés et assis au pied d’un tropæum (trophée militaire) avec l’inscription latine GERMANICVS MAX[IMVS] V [Quintum] (vainqueur des Germains pour la cinquième fois).

IMG_9140-9143La première de ces pièces est caractérisée par une couleur argenté plus terne (presque grisâtre) qui indique que le flan est composé d’un alliage faible en argent appelé billon (G [Good] / VG [Very Good], 20 x 21 mm, 3 g, payé $15 le 1987/09/21; die-axis: ↑↑). Le tropæum, un monument destiné à commémorer une victoire militaire, est composé d’une croix de bois à laquelle est accrochée une cuirasse, un casque, des boucliers et des armes (lances, épées, etc.) prisent à l’ennemi vaincu. Ici, on note que la deuxième rangée de boucliers pointe vers le bas.

IMG_9144-9147La deuxième de ces antoniniani avec un GERMANICVS MAX V (VG [Very Good] / F [Fine], AR [argent], 23 x 20 mm, 3.6265 g, payé environ $14 [70 FF], die-axis:  ↑↑) est caractérisée par une couleur argenté brillante (ce qui dénote un alliage avec un titre d’argent plus élevé ou une pièce “saucée” encore en bon état — i.e. le flan de billon a été plaqué ou trempé dans l’argent pour lui donner une apparence de meilleure qualité; souvent la couche d’argent disparait avec l’usure ce qui ne serait pas le cas avec cette pièce) et le fait que le lettrage de la nomenclature sur l’avers à l’air légèrement étiré et est un peu flou (conséquence d’un frappe de mauvaise qualité ou d’une trempe qui a laissé des coulisses?). On note que la deuxième rangée de boucliers du tropæum pointe vers le haut. Ce détail du trophée est la seule différence entre les pièces — elles ont donc probablement été frappé à des moments différents ou par des officines différentes et avec des coins différents.

Sans donner beaucoup de détails, le RIC [Webb, P.H., ed. by Mattingly, H. & Sydenham, E.A. Roman Imperial Coinage, vol. V, part I, London: Spink & Son, 1972, pp. 16-36] indique que la nomenclature GALLIENVS P•F• AVG a été utilisé par les ateliers de Lugdunum (entre 256 et 259), de Mediolanum (257-59), de Rome et d’Asie (à partir de 260). Toutefois, le revers avec le GERMANICVS MAX V n’est recensé que pour l’atelier de Lugdunum dès 258 et jusqu’à ce que l’atelier tombe sous le contrôle de l’Empire Gaulois de Postumus en 260. Ces pièces auraient donc été frappé à Lugdunum (Lyons) en 258-259. Certaines sources en ligne indiquent ces pièces comme ayant été frappé à Colonia Agrippinensis (Cologne), où l’atelier de Lugdunum aurait été transféré pendant un certain temps. 

Ces pièces commémorent une des nombreuses victoires de Gallienus contre les Germains durant le règne conjoint avec son père (253-260) — il s’agit probablement soit des Francs qui envahirent la Gaule par le Rhin Inférieur en 258 ou des Alamans et des Juthunges qui envahirent l’Italie par les champs Décumates. Il vainc les Alamans à la bataille de Mediolanum (Milan) en 259.

Sources: Wikipedia (Gallienus [FR/EN], tropæum [FR/EN]), Google, FAC (Gallienus), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 18j, Sear RCV (1983): 2861; CoinArchives, WildWinds (1: text/image, 2: text/image, 3: text/image, 4: text/image, 5: text/image), CoinTalk, BeastCoins, acsearch, vcoins, vcoins, numista, arc, numismatics, CoinProject, ancientcoins. Voir aussi mes fiches (fiche 1 et fiche 2).

IMG_9177-9181La dernière pièce est un bon antoninianus de bronze (G [Good], Ae [bronze], 19 x 20 mm, 2.635 g, payé environ $6 le 1985/06/16, la patine est d’un brun très foncé, presque noir, alors que le relief est d’un brun clair, consistant avec une pièce de bronze; die-axis: ↑↓). L’avers nous offre un buste de l’empereur radié et drapé à droite avec l’inscription latine (à peine lisible) GALLIENVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre un Sol drapé, debout, à demi tournée vers la gauche, la main droite levé et tenant un globe dans la main gauche, avec l’inscription latine (à peine lisible) AETERNITAS AVG[VSTI] (l’éternité de l’Empereur) et un 𝚪 (gamma)dans le champs gauche. 

Rien ne permet de dater précisément cette pièce. Toutefois, cette nomenclature (GALLIENVS AVG) semble avoir été utilisé surtout durant le règne seul de Gallienus (260-268) [voir le RIC vol. V, pt I: 34]. De plus, les marque d’officines en grec (gamma = troisième officine) ne semblent avoir été utilisé qu’aux ateliers de Rome. Cette pièce aurait donc été frappée à Rome, entre 260 et 268, sans doute pour souhaiter à l’empereur un long règne.

Sources: Wikipedia (Gallienus, Sol), Google, FAC (Gallienus, Aeternitas, Aeternitas Aug, Sol, catalog), ERIC (Gallienus); RIC vol V, pt 1: 160; numista, CoinProject (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8), WildWinds (1: text/image, 2: text/image, 3: text/image), vcoins, coinstree, CoinTalk, MA-Shops, numismatics. Voir aussi ma fiche.

Ce que l’on remarque avec ces pièces, c’est qu’elles démontrent bien la dévaluation monétaire qui eut lieu sous le règne de Gallienus — la quantité d’argent utilisé dans les pièces diminue drastiquement vers la fin du règne [voir le RIC vol. V, pt I: 7-8]. Toutefois, nous reviendrons sur ce sujet bientôt… La semaine prochaine, je vous présente trois autres pièces de monnaie de Gallienus.

Voir l’index des articles de cette chronique.

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Pictorial chronicles [002.021.121]

Semaine XV en images

[ iPhone 11 Pro, Iles Laval & Parc Frédéric-Back, 2021/04/25 ∼ 05/01 ]

Dimanche: Une journée tranquille de congé à rattraper les tâches ménagères et à écrire sur le blogue. Rien d’intéressante à signaler…

Lundi: Après le souper, nous allons marcher dans le parc juste à temps pour observer un superbe coucher de soleil. À ma grande surprise, au même moment, une lune énorme se lève derrière le cirque du soleil. C’est la super lune du printemps que les anglophones appellent “Pink Moon” (pas parce qu’elle est vraiment rose mais parce qu’elle apparait au moment des premières floraisons). Une “super lune” se produit lorsqu’une pleine lune se produit alors qu’elle est au périgée (le point où, dans son orbite elliptique, la lune est la plus proche de la terre) et que le soleil, la terre et la lune sont alignés de sorte que la lune reçoit un maximum d’illumination solaire (syzygie). La lune peut ainsi paraître 7% plus grosse que d’habitude et 15% plus brillante! Une deuxième super lune se produira cette année, le 26 mai prochain. Je me suis dit alors, je vais retourner à la maison chercher ma caméra pour prendre des photos de la lune avec un zoom. Malheureusement, je me suis rendu compte qu’il était 19h55. Le couvre-feu commençait bientôt, ne me laissant pas le temps pour des photos. J’ai attendu plus tard et, un peu avant minuit, j’ai pris quelques photos à partir de mon balcon…

Mardi: Je fini le travail un peu plus tôt à cause du couvre-feu. Je reviens en bicyclette électrique et décide de passer par le parc qui, dix minutes avant le couvre-feu, est pratiquement désert. C’est l’occasion d’observer un autre beau coucher de soleil…

Mercredi: Une journée pluvieuse sans histoire…

Jeudi: J’ai pris congé et ce sera ma dernière longue fin de semaine avant mes vacances à la fin mai (tous le mois d’avril j’ai eut de longue fin de semaine pour finir mes banques de congés) mais il y a beaucoup à faire. Le matin, j’ai un rendez-vous téléphonique avec mon médecin de famille (le dernier avant qu’elle ne prenne sa retraite, après cela il va me falloir trouver un nouveau médecin!) mais Hydro-Québec débarque aussi pour remplacer le fil qui relit la maison au réseau électrique (apparemment la capacité de notre panneau électrique est plus grande que le calibre du fil, alors ils vont le changer; de plus, le fil avait été un peu abîmé par le frottement avec une branche d’arbre). Je leur demande d’attendre un peu avant de commencer leur travail (parce que pas d’électricité veut aussi dire pas de téléphone IP!) mais de toute façon, le médecin m’appelle sur mon cellulaire… J’en profite ensuite pour prendre rendez-vous avec l’urologue. En après-midi, nous nous rendons au cimetière pour rendre hommage à mes parents et déposer des fleurs sur la tombe familiale. Nous en profitons pour faire le tour des îles-Laval (là où j’ai grandi) et constater l’avancement des travaux du REM (le Réseau Express Métropolitain) qui remplacera l’ancien train de banlieue (et qui sera mis progressivement en service en 2023-2024). Les rails ont été enlevé, la butte excavée, la gare de l’île Bigras sera SOUS les rails (!) et le nouveau pont entre l’île Bigras et Montréal est presque complété. Cela est prometteur… Je termine la journée dans le jardin (une première tulipe a éclose!), puis une brève marche dans le parc et finalement sur l’ordinateur pour écrire ma chronique sur l’histoire des empereurs romains vu au travers de ma collection de pièces de monnaie anciennes.

IMG_9277Vendredi: Je me suis acheté une pompe électrique sans fils pour vérifier la pression et gonfler les pneus de ma bicyclette/scooter. Le gadget s’avère efficace et utile car je constate que les pneus n’avaient que la moitié de la pression requise (ce qui pourrait expliquer l’incident de la semaine dernière). Je fais quelques menu travaux (j’installe un AirTag sur ma bicyclette) et j’écris un peu mais c’est une journée paresseuse où j’en profite pour rattraper mon visionnement d’émissions de télé. Nous faisons également notre promenade quotidienne dans le parc pour observer la nature (beaucoup de merles, un couple de cardinals, un pic mineur, quelques bernaches et marmottes — les habitués). Comme il a plu ces derniers jours, des mares se sont formées dans le parc et un couple de canard colvert s’y ébat.

Samedi: Une répétition de la veille: je fais de menus travaux dans le jardins (le pommier commence à faire des feuilles !), j’écris un peu, regarde la télé (entre autre je termine la première saison de la série Legend of the Galactic Heroes: Die Neue These [銀河英雄伝説 ディ ノイエ テーゼ / Ginga Eiyū Densetsu: Di Noie Tēze / Legend of the Galactic Heroes: The New Thesis] dont les douze épisodes ont été diffusé à la télévision japonaise entre avril et juin 2018, puis diffusé sur le web par Crunchyroll avant d’être publié en BluRay par FUNimation en mars 2019. Il s’agit d’un remake par Production I.G. de la fameuse série d’OVA basé sur les romans de Yoshiki Tanaka, [ AmazonNelliganstars-3-0) et nous prenons notre marche quotidienne dans la parc. Cette fois-ci, je remarque que les poiriers en face du Cirque du Soleil sont en fleurs. Je note également un très bel arbuste à fleurs jaunes (ce serait un Forsythia). Somme toute, ce fut une belle semaine assez tranquille…

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Monnaies anciennes 36

La crise du IIIe siècle (1): Les usurpateurs (4)

Volusianus (251-253 EC)

Caius Vibius Afinius Gallus Veldumnianus Volusianus est né vers 230 et ses parents sont Trebonianus Gallus et Afinia Gemina Baebiana. Lorsque son père (qui est alors gouverneur de Mésie) est proclamé empereur en juin 251 suite à la mort de Decius durant une campagne contre les Goths, il adopte le fils de ce dernier, Hostilianus, pour légitimer son pouvoir et le fait auguste et co-empereur. Il ne donne à son propre fils, Volusianus, que le titre de César mais le marie à la soeur de Hostilianus. Toutefois, à la mort de celui-ci en novembre 251 (soit de la peste [selon Aurelius Victor], soit assassiné [Selon Zozime]), Volusianus le remplace comme auguste et co-empereur. Il est fait consul en 252 et 253. L’Empire est lourdement affecté par la peste et, si Trebonianus Gallus avait acheté la paix avec les Goths, cela ne les a pas empêcher de continuer leur incursion en Mésie. À la même époque, les Sassanides envahissent la Mésopotamie et même capturent Antioche! Compte-tenu du sort de leur prédécesseur, les empereurs décident d’éviter la confrontation et restent à Rome. C’est sans doute ce fait qui incita le commandant de l’armée de Mésie, Aemilianus, à se rebeller et à usurper le pouvoir. Trebonianus Gallus et Volusianus furent assassiné par leur propre soldats en août 253, ceux-ci décidant de se soumettre aux forces supérieures de l’usurpateur qui marchait sur Rome. Ils n’auront régné que deux ans.

IMG_9125-9131Je n’ai qu’une seule pièce de Volusianus et c’est un relativement beau antoninianus (F [Fine] / G [Good], Ar [argent, à faible titre probablement autour de 30-35%], 20 x 22 mm, 3.5736 g, payé environ $5, caractérisé par un dépôt verdâtre [bleu saphir et sarcelle/teal pour être plus précis] plus important sur le revers, die-axis: ↑↑). Sur l’avers on retrouve un buste de l’empereur radié, drapé et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERTOR] CAE[SAR] C[AIVS] VIB[IVS] VOLVSIANO AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Pax debout à gauche tenant une branche d’olivier dans la main droite et un long sceptre transversal dans la main gauche, avec une étoile dans le champs droit et l’inscription latine (peu visible) PAX AVGG[VSTI] (“la paix des empereurs” — le double “G” dénote un pluriel).

Selon le RIC (Mattingly, H., Sydenham, E.A. & Sutherland C.H.V.. Roman Imperial Coinage, vol. IV, part III, London: Spink & Son, 1949, pp. 153-157, 178), “La 3e émission [avec les CONCORDIA AVGG (assise), PAX AVGG et VIRTVS AVGG] couvre probablement l’année 252. L’étoile dans le champs qui accompagne un tiers des émissions devrait marquer une occasion spéciale de bon augure — le consulat conjoint des empereurs le 1er janvier (?) ou l’anniversaire de leur accession (?). (…) On notera que la composition de la 3e émission est certaine. Le seul doute est de savoir si l’émission avec «l’étoile» précède, suit ou est enchâssée dans l’autre. Notez les nombres élevés pour les PIETAS AVGG et PAX AVGG, le nombre bas pour la VIRTVS AVGG. [p. 154] (…) L’émission avec une étoile ne couvre qu’environ un tiers de l’année. En tant que symbole solaire, l’étoile avait été utilisée par l’empereur Elagabalus, prêtre du dieu-soleil Elagabalus. L’occasion exacte n’a pas été déterminée. [p. 157]” Cette pièce aurait donc été frappée à Rome durant l’année 252.

Après la mort de Decius aux mains des Goths en juin 251, Trebonianus Gallus leur achète la paix. Cela accorde à l’Empire un bref répit — qui est probablement célébré par cette pièce de monnaie. Toutefois, la paix prend fin en 252 alors que le roi Sassanide Shapur I et son fils Ardashir I traversent l’Euphrate avec leur troupes pour envahir la Mésopotamie lors de la bataille de Barbalissos. Et, en 253, le gouverneur Aemilianus refusant de leur payer un tribut, les Goths envahissent à nouveau la Mésie.

Sources: Wikipedia (Volusianus [FR/EN], antoninianus [FR/EN], Couronne radiée [FR/EN], Pax [FR/EN]), Google, FAC (Volusian, Catalog, Catalog, Catalog), ERIC (Volusian); RIC 4.3: 180; CoinProject, Numismatics, CoinArchives, WildWinds (text, image), acsearch, acsearch. Voir aussi ma fiche.

Marcus Aemilius Aemilianus (originaire de Maurétanie) est gouverneur de Mésie lorsque les Goths transgressent à nouveau la frontière romaine. Il réussi à les repousser au-delà du Danube. Fort de ce succès, il est proclamé empereur par ses troupes le 24 juillet 253. Trebonianus Gallus charge alors le commandant des armées du Rhin et du Haut-Danube, Valerianus, de mettre fin à cette révolte mais ce dernier est lui-même acclamé empereur par ses troupes! Les deux armés marchent sur Rome et, après la mort de Trebonianus Gallus et Volusianus en août 253, Aemilianus est reconnu comme leur successeur par le sénat. Malheureusement, son armée décide de se rallier plutôt à Valerianus et il est assassiné ! 

Cette constante lutte pour le pouvoir entre les militaires provoque une longue période d’anarchie qui plongea l’Empire Romain dans une grave crise socio-économique. À cette époque, il y a tellement d’usurpateurs du pouvoir que l’Histoire Auguste parle des Trente tyrans (quoique les autres sources historiques et numismatiques ne permettent d’en confirmer que dix-sept). Malgré cela (et en plus de la constante pression sur les frontières notamment en Gaule et en Orient), les règnes de Publius Licinius Valerianus (qui dura sept ans) et de son fils Publius Licinius Egnatius Gallienus (15 ans) offriront un peu de stabilité. Lorsque Valerianus est capturé par les Sassanides en 260, lors de la bataille d’Édesse (pour subséquemment mourir en captivité), Gallienus — jusqu’alors co-empereur avec son père — règnera seul sur l’empire. Dès la semaine prochaine, nous traiterons de son règne (probablement en deux ou trois parties car je n’ai pas moins de neuf pièces de monnaies de Gallienus!).

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Pictorial chronicles [002.021.115]

La semaine en huit images…

[ iPhone 11 Pro, 2021/04/18-24 ]

Dimanche: Ce qui est bien le dimanche c’est que je fini de travaillé tôt et, comme le soleil se couche maintenant plus tard, on a assez d’ensoleillement pour avoir le temps d’aller prendre notre marche de santé après le souper. C’était une superbe journée avec un beau ciel. J’aime bien prendre le temps d’admirer le couché de soleil…

Lundi: Durant le week-end j’ai appris que ma voisine dit à qui veut bien l’entendre que nous sommes racistes parce qu’on ne lui parle pas… Je ne sais trop pourquoi ce genre de ragot m’embête et je n’ai pas arrêté d’y penser car je sais que c’est un mensonge. Toute ma vie j’ai fait de grands efforts pour ne pas tomber dans le piège de la généralisation et j’essai toujours de juger les gens sur leur mérite personnel et non sur leur apparence, comme la couleur du cheveu, des yeux et, encore moins, de la peau. J’hésite à en parler car ces temps-ci c’est un sujet controversé mais le fait est qu’en général je ne parle à personne. Au travail, je fais un effort pour papoter avec les collègues mais je ne parle pas aux voisins — à moins qu’ils ne viennent me parler (dans ce cas là j’engage la conversation pour rester poli; même avec la voisine d’en face qui est vietnamienne, ou celle d’à côté qui est sud-américaine, ou la vieille madame italienne et le monsieur portugais — leurs origines n’a rien à voir, au contraire cette diversité m’enchante). C’est ma philosophie de “vivre et laisser vivre.” Évidemment, je vais avoir encore moins le goût de converser si les gens viennent surtout me voir pour se plaindre, me blâmer de tout ce qui leur arrive (non, si votre abris Tempo que vous avez mal installé et négligé de déneiger s’est écrasé ce n’est pas de ma faute), me jeter des regards…umm… méchants parce q’ils pensent que c’est moi qui ait porté plainte sur le fait que leur cour arrière ressemble à un camp de réfugiés et est un nid à feu, me menacer (“vous savez, les maisons ça peut passer au feu…”) et encore moins pour me parler de religion! Dès qu’on amène Jésus dans la conversation, moi je décroche (c’est ma politique du “caput, domus, templum” — les seuls lieux où ce sujet devrait être abordé). Non, madame, je ne vous parle pas mais c’est simplement parce que vous êtes… une crisse de folle ! Je sais, c’est horrible de discriminer le gens à cause de leur santé mentale, mais, bon, personne n’est parfait…

Mardi: En me rendant au travail, j’ai roulé dans un nid de poule profond que je n’ai pas pu éviter (sur la 2e Ave, en face du Cirque du Soleil et de l’arrêt de la 94 — les rues de Montréal sont vraiment dans un terrible état, particulièrement au printemps). Plus tard, après être arrivé au travail, j’ai remarqué que la roue arrière était un peu abîmée: il y a une légère déformation sur la jante de la roue (mais c’est seulement d’un côté). Quelle malchance! Toutefois, le gars qui m’a vendu la bicyclette électrique (Kolo Scooters, à qui j’ai envoyé une photo) me dit que ce n’est pas grave et que cela peut s’arranger facilement (et à peu de coût). Pour éviter ce genre de problème il faut juste s’assurer d’avoir une bonne pression dans les pneus (40 lbs)… Apple annonce de nouveaux produits mais rien de bien intéressant pour moi (à part peut-être les AirTags).

Mercredi: Nous sommes affligé d’un tempête de neige d’avril qui nous laisse un bon cinq centimètres — quoiqu’après avoir neigé toute la journée il n’y a pas vraiment d’accumulation et cela fond rapidement). J’ai peur que la neige et le froid ne donnent un choc fatal aux fleurs et à la végétation qui commençaient à se développer mais, non, les jonquilles qui avaient fleuri mercredi dernier semblent avoir récupéré (toutefois, les fleurs du magnolia, elles, ont perdu leur blancheur et ont tourné d’une couleur brunâtre). Le lendemain après-midi tout avait fondu et le printemps reprenait son cours…

Jeudi: L’un de mes chats, Caramel, a développé des problèmes de comportement qui me déconcertent. De temps en temps, sans raison apparente, il se met à miauler et cracher mais seulement envers mon épouse. Est-ce pour exprimer sa peur, de la douleur, un besoin d’attention? Depuis le début de l’hiver, on a recueilli dans le garage un pensionnaire, Félix, mais ils ne se rencontrent jamais. Caramel peut sans doute le sentir et cela lui cause possiblement du stress? Un collègue m’a suggéré l’utilisation de phéromones qui ont un effet calmant sur le chats. J’en ai commandé et on verra ce que ça donne… Aussi, cela fait deux semaines que j’ai reçu le vaccin d’AstraZeneca-Oxford contre la Covid-19 (aka AZD1222)!

Vendredi: Au début de la semaine, je me suis réveillé une nuit avec une douleur dans le dos. J’ai d’abord cru que c’était musculaire. Mais après quelques jours, j’ai commencé à avoir des “sensations bizarres” dans le système urinaire, puis des envies fréquentes… Je devais me rendre à l’évidence: je faisais à nouveau une pierre au rein ! Comme je n’avais pas eut de coliques néphrétiques (ces douleurs atroces qui généralement accompagne cette condition) j’en ai conclu que j’étais chanceux et que la pierre était de petite taille. J’avais raison car non seulement elle est passé rapidement mais elle ne faisait que trois millimètres. Comme la température s’est réchauffée nous en profitons pour faire notre promenade dans le parc et nous observons la ménagerie habituelle de cardinals, pic bois et marmottes…

Samedi: Une autre superbe journée. Plus d’une semaine après leur éclosion et après avoir enduré la neige, les jonquilles sont encore en bonne forme. Dans le parc, je note une petit arbre fruitier en fleurs (possiblement un pommetier). Quel magnifique printemps! Malheureusement, la pluie s’annonce pour les prochains jours… J’ai appliqué pour une position supérieure dans une autre bibliothèque (bon, je n’ai pas grand chance de l’obtenir car cela fait plusieurs fois que je postule sur ce genre d’emploi sans succès mais on ne sait jamais)… Et plus que deux-mil-deux-cent-vingt jours avant la retraite…

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cogitationes me [002.021.114]

Pensée du jour (Pour moi-même)

V. Un jardin de livres

L’autre jour, sur FB, je suis tombé sur cette citation populaire de Marcus Tullius Cicero: “Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut.” Je suis bien d’accord mais le texte est encore plus intéressant si on le remet dans son contexte. D’abord, cette traduction est inexacte quoiqu’elle rend bien l’esprit de la citation. Le texte original est “si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil” et cela se traduirait littéralement plutôt par “Si vous avez un jardin dans votre bibliothèque, tout sera complet” (ou, selon le traducteur, “vous ne manquerez de rien”, “vous avez tout”, “rien n’échouera”). Certains ont également interprété la citation dans le sens “si vous avez une bibliothèque donnant sur un jardin” ou “avec vue sur le jardin.”

Cette citation de Cicéron provient de ses Epistulae ad Familiares [Lettres aux amis] 9.4. À cette époque, il s’est retiré dans sa villa de Tusculum et tente de se faire oublié car Rome est en pleine guerre civile, alors que le dictateur Julius Caesar viens de vaincre Pompeius, le dernier de ses alliés du premier triumvirat, à Pharsale. En juin 708 AUC (46 AEC), Cicéron écrit à son ami Varron pour l’inviter à venir le visiter. Dans son contexte plus large le texte se lit ainsi: Quapropter, si venturus es, scito necesse esse te venire; (…) Sed de his etiam rebus, otiosi cum erimus, loquemur; (…) Tu si minus ad nos, nos accurremus ad te: si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil. C’est à dire [selon Itinera Electronica], ”S’il est vrai que vous deviez venir, c’est qu’il est dans l’ordre des choses nécessaires que vous veniez : si au contraire je ne vous vois point, c’est que votre venue se trouve en dehors des choses nécessaires. (…) Mais nous causerons de tout cela quand nous n’aurons rien de mieux à faire (…). Si vous ne vous hâtez, je cours auprès de vous, soyez-en sûr; et pour peu que vous ayez un jardin près de vos livres, nous n’aurons rien à désirer.“

Peu importe comment on traduit cette citation un peu obscure provenant d’une lettre tarabiscotée de Cicéron (et, comme Jean-François Géraud, nous pourrions en disserter longuement en nous étendant sur le rôle des jardins et des bibliothèques dans l’otium romain) c’est surtout la conjonction même des idées de bibliothèque et de jardin — deux lieux de calmes, propices à la réflexion — qui est intéressant. Étant donné que hortus fait surtout référence à un jardin potager (où l’on cultive des légumes, fruits, fines herbes et plantes aromatiques pour sa consommation personnelle) et qu’une bibliothèque est un lieu où l’on conserve, protège et diffuse le Savoir, nous pouvons affirmer que l’un nourrit le corps alors que l’autre nourrit l’esprit. L’un et l’autre sont même interchangeable, car dans un jardin on peut préserver et exprimer un ensemble de connaissances botaniques et horticoles, chaque variété et espèce étant bien alignée en rangées comme des livres sur une étagère. De même, une bibliothèque est vivante car régulièrement nous y ajoutons de nouvelles pousses et élaguons les éléments qui n’ont plus d’utilité, mettant de l’avant les sujets populaires du jour ou de la saison. Ce n’est pas par hasard que l’on retrouve de plus en plus de plantes (souvent disposées dans un atrium) dans les bibliothèques modernes. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un lieu à la fois relaxant et stimulant. Ce n’est donc pas surprenant que Cicéron ait considéré cette conjonction comme l’endroit idéal pour une discussion politique ou philosophique entre amis.

Je trouve mon contentement car, moi aussi, je possède les deux. Que pourrais-je demander de plus?

[002.021.114]

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Monnaies anciennes 35

La crise du IIIe siècle (1): Les usurpateurs (3)

Philippus II (247-249 EC)

Marcus Iulius Severus Philippus est né en 237. Ses parents sont Philippus Arabus et Otacilia Severa. Lorsque son père devient empereur en février 244, il est fait Caesar alors qu’il n’est âgé que de sept ans. Trois ans plus tard, en 247, il est fait consul. À son retour triomphal, suite à une campagne militaire victorieuse sur le Danube, son père le fait Auguste et co-empereur en août 247. L’année suivante, il est fait consul pour une seconde fois et, en avril 248, Rome célèbre un millénaire depuis sa fondation avec des jeux séculaires. Toutefois, l’Empire connait une grave crise socio-économique qui cause beaucoup de mécontentement au sein de la population et de l’armée, ce qui encourage l’apparition de plusieurs usurpateurs du pouvoir impérial. Son père meurt à l’automne 249 alors qu’il affronte l’un d’eux, Traianus Decius, durant la bataille de Vérone. Les sources antiques semblent indiquer que Severus Philippus soit mort avec son père, mais les historiens modernes croient plutôt qu’il lui a survécu et a brièvement régné seul sur l’empire, avant d’être assassiné par les prétoriens qui favorisaient Decius. Il n’avait que douze ans.

IMG_8278-8279Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Philippus II. C’est un très beau sesterce (F [Fine], Ae? [bronze] ou Orich.? [orichalque / laiton], 28 mm, 17.146 g, payé environ $35 le 1985/12/17; d’une couleur jaunâtre; die-axis: ↑↑) qui nous offre sur l’avers un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] PHILIPPVS AVG[VSTVS]. Le portrait juvénile nous confirme qu’il s’agit bien de Philippus II et non de son père, qui avait frappé des pièces similaires. Le revers illustre une Pax debout à gauche tenant une branche d’olivier et un sceptre transversal, avec l’inscription latine PAX AETERNA (“paix éternelle”) et un S[ENATVS] C[ONSVLTVM] (“par décret du sénat”) dans le champs de part et d’autre. 

Cette pièce date donc de l’époque où Philippus II était Augustus (247-249) et probablement au tout début du principat, alors que la victoire de la campagne danubienne était suffisamment fraîche pour laisser encore un espoir de paix durable (sinon éternelle), c’est-à-dire en 247. Cette datation est d’ailleurs confirmée par le RIC (Roman Imperial Coinage, vol. IV, part III, pp. 58, 61-62, 103).

Sources: Wikipedia (Philippe II [FR/EN], Pax [FR/EN]); FAC (Philip II, Pax, Pax Aeterna, scepter), ERIC (Philip II); S-RCV (1983): 2572, RIC 4.3: 268c; Numismatics, Wildwinds, CoinArchives, MA-Shops, sixbid. Voir aussi ma fiche.

Je n’ai pas de pièces du successeur de Philippus, Decius (mais j’en ai une de son épouse, Herennia Etruscilla, dont j’ai déjà parlé un peu plus tôt, dans le vingtième épisode de cette série). Caius Messius Quintus Decius est né en 201 dans la province de Pannonie inférieure. Sénateur, il aurait été gouverneur de Mésie inférieure dans les années 230, puis préfet de Rome en 245. En 248, alors que les Goths font des incursions sur la frontière du nord et que des usurpateurs fomentent la rébellion, Philippus l’envoie (en compagnie de son fils Herennius Etruscus) pour mater la révolte de Pacatianus en Mésie. Ayant aisément accompli cette tâche, Decius devient lui-même usurpateur et est acclamé empereur par ses troupes. Il défait Philippus à Vérone, puis il entre à Rome où le sénat confirme ses pouvoirs. Il prend alors le nom de Traianus Decius. Son bref règne est affligé des même problèmes que son prédécesseur: des usurpateurs (Lucius Priscus et Valens Licinianus) et des invasions de Goths. Il meurt, au côtés de son fils Herennius, en combattant les Goths lors de la Bataille d’Abrittus. Le gouverneur de Mésie, Trebonianus Gallus (dont je n’ai pas de pièces non plus), est aussitôt acclamé empereur par les troupes survivantes. Il adopte l’autre fils de Decius, Hostilianus, pour légitimer son pouvoir et fait un caesar de son propre fils, Volusianus. Nous discuterons de ce dernier la semaine prochaine !

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Poésie du dimanche [002.021.108]

Nelligan

Son âme est un soulier percé
Et son esprit comme un soldat blessé
Perd son sang et sa vitalité
Se vide de sa substance, de ses idées

Il prend l’eau de sa coque éventrée
Dans l’abime, le vaisseau d’or a sombré
L’hymne aux morts est joué
O Nelligan, Ave !

 

Biset
1979/11/17
1980/07/07

Le poète du dimanche a écrit cet hommage à Nelligan pour l’occasion de l’anniversaire de son décès, le 18 novembre (1941). C’est un piètre hommage (deux quatrains, tous sur la même rimes) mais je n’avais que dix-sept ans. Nelligan, lui, a écrit la plupart de ses chefs-d’oeuvres à l’âge de vingt ans mais rapidement, avant même de compléter son Récital des Anges, sa santé mentale décline (possiblement après un excès de fièvre) et il sombre dans l’apathie. Tel Icare, il aura volé trop près du génie et la démence qu’il avait appréhendé (et même prédit) l’enveloppe. Il n’aura écrit qu’une centaine de poèmes, dont la profondeur tragique nous hantent tous depuis.

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Monnaies anciennes 34

La crise du IIIe siècle (1): Les usurpateurs (2)

Philippus Arabus (244-249 EC)

Marcus Julius Philippus est né dans la province d’Arabie vers 204. En 234, il marie la fille d’un gouverneur, Otacilia Severa, qui lui donne un fils en 237, Marcus Julius Philippus Severus. On sait peu de choses de lui avant qu’il ne remplace Timesitheus comme préfet du prétoire à l’hiver 243. Lorsque Gordianus meurt durant sa campagne contre les Perses sassanides en février 244, Philippus est acclamé empereur par les troupes. Il s’empresse de conclure la paix avec Shapur Ier et lui paie un lourd tribut d’un demi-million de sesterces pour la libération des prisonniers romains. Avant de revenir à Rome, il fait construire des monuments dans sa province natale à Bostra et Héliopolis, ainsi que la ville de Philippopolis. À Rome, le sénat confirme sa position mais dès 245 il doit repartir en campagne militaire contre les Carpes sur la frontière Danubienne, puis contre les Arsacides en Arménie qui refusent de reconnaitre le traité de paix avec les Sassanides. Il revient toutefois à Rome en août 247, juste à temps pour célébrer le millénaire de la fondation de Rome avec l’organisation de Jeux séculaires en avril 248. Il profite de l’occasion pour faire de son fils, Philippus II, son second (caesar) et son héritier. 

La dévaluation de la monnaie et des troubles sociaux (notamment en Égypte, ce qui perturbe l’approvisionnement en blé) causent beaucoup de mécontentements (particulièrement au sein de l’armée), ce qui suscite l’apparition de nombreux usurpateurs: Pacatianus sur le Danube, Jotapianus en Orient, Silbannacus, Sponsianus et même Traianus Decius (préfet de Rome et commandant exceptionnel des troupes en Pannonie et Mésie) qui est acclamé empereur par ses troupes et marche sur Rome. À l’automne 249, Philippus et son fils doivent l’affronter à Vérone avec des effectifs moins nombreux et moins expérimentés. Ils sont vaincus et assassinés. C’est au tour de Decius de prendre le pouvoir… 

Anecdote intéressant, le surnom de Philippus Arabus (Philippe l’Arabe, étant donné qu’il est originaire de la province d’Arabie) lui a été attribué tardivement puisqu’il apparaît pour la première fois dans un ouvrage de la fin du IVe siècle, l’Épitomé de Caesaribus. C’est également une tradition tardive qui présente Philippus comme le premier empereur chrétien: Eusèbe de Césarée en fait d’abord mention au IVe siècle dans son Historia Ecclesiastica (VI, 34) et l’idée sera ensuite reprise par Jean Chrisostome (de S. Babylas 1), Hieronymus de Stridon (Chronicon), Orosius (Historia Adversus Paganos 7, 28) au Ve siècle, et Jordanis (Getica XVI) au VIe siècle. Après avoir longuement débattu sur ce sujet, le modernes s’entendent qu’il est peu probable que Philippus ait été chrétien puisqu’il était le grand pontif de la religion romaine. Il en connaissait certainement les préceptes, auxquels il était sans doute réceptif, et il en tolérait la pratique. Toutefois, il n’y a aucune preuve numismatique ou épigraphique qu’il y ait été convertie.

IMG_9052-9059Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Philippus. C’est un très beau sesterce (F [Fine], Ae [bronze], 25 x 28 x 28.5 mm, 15.131 g, payé environ $20 le 1985/01/25; caractérisé par une couleur gris foncée, une encavure au centre de l’avers [sur l’oreille], une rognure pour lui donner une forme plus carrée et par de petits trous sur la bordure qui ont probablement servi à porter la pièce comme un médaillon; die-axis: ↑↑). Cette pièce présente sur l’avers un buste de l’empereur barbu, lauré, drapé et cuirassé à droite avec l’inscription latine IMP[ERATOR] PHILIPPVS AVG[VSTVS]. Le revers illustre une Felicitas debout de face, la tête tournée à gauche, tenant un caducée dans la main droite et une corne d’abondance dans la gauche, avec l’inscription latine P[ONTIFEX] M[AXIMVS] TR[IBVNICIA] P[OTESTATE] IIII CO[N]S[VL] II P[ATER] P[PATRIAE] et un S[ENATVS] C[ONSVLTVM] dans le champs de part et d’autre. 

Deux remarques viennent à l’esprit au cours de l’identification de cette pièce. Il y a d’abord deux types d’inscription possibles sur l’avers: IMP M IVL PHILIPPVS AVG (RIC 150a) et IMP PHILIPPVS AVG (RIC 150c). Compte tenu de la grosseur, de l’espacement et de la disposition du lettrage de l’inscription, cette pièce appartient clairement au deuxième type. Ensuite, la titulature du revers nous permet une datation précise. Philippus reçoit les titres d’Augustus, Imperator, Pontifex Maximus et Pater Patriae lors de son accession au pouvoir en 244 mais ne reçoit la puissance tribunicienne (renouvelée annuellement au 1er janvier) pour la quatrième fois (TR P IIII) et le consulat pour une seconde fois (COS II) seulement en 247. La pièce ne peut donc dater que de cette année là.

La représentation de la Felicitas est sans doute une façon de souhaiter “bonne chance” à l’empereur ou de souligner ses succès alors qu’il conclut une campagne militaire et qu’il s’apprête à célébrer, l’année suivante, le millième anniversaire de la ville éternelle.

Sources: Wikipedia (Philippe l’Arabe [FR/EN], Felicitas [FR/EN], caduceus [FR/EN], cornucopiae [FR/EN]), FAC (Philip I, Felicitas), ERIC (Philip I); S-RCV (1983): 2498, RIC 4.3: 150c; Wildwinds, Wildwinds (text, image), CoinArchives, CoinArchives, CoinProject, Numismatics, British Museum, acsearch, acsearch, acsearch. Voir aussi ma fiche.

La semaine prochaine je vous présente une pièce de Philippus II.

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Pictorial chronicles [002.021.100]

Le week-end en six images

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Longue ligne au Stade Olympique pour le vaccin (2021/04/08)

Jeudi : le gouvernement ouvre la vaccination à tous les 55 ans et + pour l’Astra-Zeneca. Si les quantités disponibles étaient limités en région, cela ne semble pas être un problème à Montréal. Par contre l’attente est longue. Parti de la maison vers 11h15, je suis arrivé à 11h40 et on me donne un ticket pour 13h00. Quand je reviens on me dit qu’il y a un petit délai (quinze ou vingt minutes qu’y disait — plutôt le double) et on nous fait monter sur l’esplanade: ça c’est la file d’attente pour entrer dans la file d’attente ! Mais, bon, je fini par entrer dans le stade pour m’enregistrer vers 14h15 et, après avoir longuement marché dans les dédales de la bête de béton, je reçois mon vaccin une heure plus tard. Je suis de retour à la maison vers 16h. Smooth! Mais trop stressé pour prendre un selfie victorieux…

 

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Jonquille fleurira bientôt (2021/04/08)

Vendredi : Je passe la pire nuit de mon existence. Pendant près de quatre heures j’ai des frissons si extrême que je danse “le bacon” dans mon lit — à se demander si ce n’était pas des convulsions. Après autant de contractions, tous les muscles de mon corps sont meurtries et douloureux. J’ai mal à la tête, un peu de fièvre et une légère nausée. Le pire (et le plus inquiétant) c’est que toute la nuit mon rythme cardiaque s’est maintenu au-dessus de 120 bpm ! J’annule mon rendez-vous avec le physiothérapeute (pour ma tendinite au talon d’Achille) et je prends la journée relax, me déplaçant comme un p’tit vieux… J’écris un peu et je regarde pousser les fleurs mais, malheureusement, les jonquilles n’ont pas encore fleuries. En après-midi mon rythme descent en bas du 100 bpm, puis redevient relativement normal à 80 bpm (mon normal est plus autour de 70) en soirée. Les courbatures disparaissent et je me sens à nouveau moi-même. 

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Magnolia en pleine floraison (2021/04/10)

Samedi: Je dors profondément. Tout semble revenu à la normale ce matin mais mon rythme cardiaque demeure plus élevé que d’habitude. Tous cela n’est que les effets secondaires normaux d’un vaccin — il est mieux d’être efficace ce damné vaccin ! Comme c’est encore une superbe journée (nous sommes vraiment choyé ces derniers temps: il fait si chaud et si beau) j’en profite pour faire les menus travaux autour de la maison que j’avais prévu pour cette fin de semaine et que j’étais trop indisposé pour faire la veille. Je balaie la ruelle en face de chez nous, coupe quelques branches, arrange le petit toit de l’escalier de la sortie du sous-sol pendant que ma femme commence à préparer le jardin pour les semences. Je sors faire une commission en vélo électrique puis on va prendre notre petite marche de santé dans le parc. Surprise: le magnolia un peu plus haut sur ma rue est déjà en pleine floraison !

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Inflorescence (catkin) de Populus × canadensis (peuplier canadien)

Tout semble avoir progressé rapidement ces derniers jours: il y a déjà des tulipes d’écloses sur le terrain d’un voisin (en plus des jonquillescrocus, jacinthes et ces petites fleurs bleues dont j’ai oublié le nom — Gloire des neiges [Chionodoxa forbesii] ? Scille de Sibérie [Scilla siberica] ?) et même les bourgeons des lilas sont sur le point d’éclore. Il n’y a pas encore de feuilles aux arbres mais la nature semble vraiment être sur le point d’exploser de vie. C’est l’un des plus beau moment du printemps. Tout est en avance de plusieurs semaines comparé à l’année dernière ! Cela veut dire que la saison des allergies est aussi sur le point de commencer… En effet, j’ai remarqué dans le parc que les peupliers sont également en fleurs (mais le pire est encore à venir, i.e. quand le cotton se mets à s’envoler). Je trouve d’ailleurs que l’apparence de l’inflorescence du peuplier (que les anglais appel catkin mais qui se dit chaton en français!) à quelque chose de très sexuelle… J’en profite pour mentionner que le peuplier canadien (Populus ×canadensis, de la famille des Salicaceae) est un hybride entre le Populus deltoides femelle et le Populus nigra mâle. Il ne faut jamais passer à côté d’une occasion d’accroitre son savoir…

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Marmota marmota ! (2021/04/10)

Notre promenade dans le parc Frédéric-Back a été très fructueuse puisque nous avons observé un cardinal rouge  (Cardinalis cardinalis) qui tirait du pistolet-laser pour nous distraire de sa femelle, deux bernaches du Canada (Branta canadensis) qui passaient en rase-motte au-dessus des arbres pour aller prendre leur quartier nocturne sur la pelouse du parc et trois marmottes communes (Marmota monax) — dont deux jeunes qui s’amusaient gaiement sur le dessus d’une butte. C’est beau de voir le parc si plein de vie (et je ne parle pas des gens qui se rassemblent en groupe pour faire le party sans même porter le masque). C’est le moment idéal pour observer les oiseaux car il n’y a pas encore de feuilles aux arbres. Mais cette opportunité va hélas bientôt prendre fin. Même quand ils ne se cachent pas dans le feuillages, il est difficile d’identifier les oiseaux qui se tiennent à l’écart et ne demeurent pas en place longtemps. J’en ai vu des petits au ventre blanc cet après-midi et je serais bien en peine de dire ce que c’était (mésange/chickadee ?, Bruant/sparrow ?, Viréo ?, Fauvette/warbler ?)…

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Pause (2021/04/10)

Après avoir fait le lavage, accompli plusieurs tâches dans le jardin et pris ma marche de santé dans le parc, je suis revenu à la maison pour profiter d’une pause bien méritée. Je me suis assis dans le jardin (pour admirer mon travail), je me suis ouvert une bonne bière (une fois n’est pas coutume) et je me suis mis le nez dans un livre. Rien de mieux que de se perdre dans un monde et des aventures fictives pour oublier le nôtre et relaxer (et rien de mieux pour oublier la bibliothèque que de lire une histoire de… bibliothèque invisible !). Il s’agit ici du premier volume d’une série de fantasy par l’auteur britannique Genevieve Cogman: The Invisible library [Goodreads / Nelligan]. L’idée de bibliothécaires en mission style Indiana Jones dans des mondes parallèles pour trouver des manuscrits rares et préserver l’équilibre entre l’ordre et le chaos n’a rien de bien original mais cela permet de mettre en scène des mondes hybrides qui mélangent magie, supernaturel et cyberpunk! Je ne fais que commencer mais cela m’apparait très divertissant et agréable à lire… Demain, dimanche, retour au travail (dans une bibliothèque!).

Ce fut donc un riche week-end. De plus, aujourd’hui est le centième jour de l’année et il ne me reste plus que deux-mil-deux-cent-trente-quatre jours avant la retraite… Bonne semaine à tous !

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Monnaies anciennes 33

La crise du IIIe siècle (1): Les usurpateurs (1)

La mort de Severus Alexander précipite l’Empire Romain dans une période d’anarchie militaire où se succèdent de nombreux “empereurs-soldats.” Déstabilisé dans tous ses aspects, l’empire connaitra au IIIe siècle une grave crise qui débute avec la période dite des “usurpateurs”. Le 20 mars 235 Maximinus Thrax est proclamé empereur par les légions de Germanie. Plusieurs usurpateurs lui contestent le pouvoir (Magnus, Quartinus, Gordianus et son fils Gordianus II) et le sénat proclame de son côté Pupienus Maximus et Balbinus, mais c’est le petit-fils de Gordianus (l’enfant de sa fille Antonia Gordiana), qui avait été brièvement co-empereurs avec Pupienus et Balbinus, qui finit par prendre les rênes de l’Empire.

Gordianus III (238-244 EC)

Marcus Antonius Gordianus nait le 20 janvier 225 dans une famille sénatoriale originaire d’Asie Mineure. Après que Maximinus Thrax ait été assassiné par ses propres troupes, il est fait Cæsar le 22 avril 238 (alors qu’il n’a que treize ans) à la demande du peuple. Toutefois, les prétoriens éliminent Pupienus et Balbinus, et dès le 29 juillet 238 il devient le seul empereur. Il prends alors le titre de Imperator Cæsar Marcus Antonius Gordianus Pius Felix Augustus. Due à son jeune âge, l’administration de l’Empire revient surtout à sa famille et à son conseillé, Timesitheus — dont il épouse la fille (Furia Sabina Tranquillina) à l’été 241. Son bref règne est consacré a apaiser de nombreux troubles: en 240 le proconsul d’Afrique Sabinianus tente une révolte, il conclut un traité avec les Goths en Mésie inférieure, en 241 le peuple de Rome s’agite à cause de l’inflation, puis les Perses sassanide menacent la frontière de Mésopotamie et de Syrie. Le 11 février 244, Gordianus III est mortellement blessé dans une bataille près de Falludja. Le préfet du prétoire Marcus Julius Philippus lui succède. Il est déifié et on lui consacre un mausolée.

IMG_8276-8277J’ai deux pièces de monnaie de Gordianus III. La première est un sesterce très beau mais assez ordinaire (F [Fine], Ae [bronze], 29-30 mm, 17.799 g, payé environ $35 le 1985/12/17; die-axis: ↑↑) qui nous offre en avers un buste drapé et lauré de l’empereur, à droite, avec l’inscription latine IMP[ERATOR] GORDIANVS PIVS FEL[IX] AVG[VSTVS]. Le revers représente une Felicitas debout de face, la tête tournée à gauche, tenant un caducée dans la main droite et une corne d’abondance dans la gauche, avec l’inscription latine FELICITAS AVG[VSTI] et un S[ENATVS] C[ONSVLTVM] dans le champs de part et d’autre (La bonne fortune de l’empereur, par décret du sénat). Rien ne permet de dater cette pièce avec précision mais le RIC indique que la titulature de l’avers daterait de la fin du règne, du printemps 240 à février 244. L’ajout du Pius Felix indiquerait sa piété envers ses prédécesseurs, Gordianus I & II, et référerait à sa chance d’avoir supprimée la révolte en Afrique. La représentation de la Felicitas ferait possiblement allusion à son départ pour l’Orient ou, plus probablement, à son mariage avec Tranquillina en 241. Sources: Wikipedia (Gordianus III [FR/EN]); Sear RCV (1988): 2384, RIC 4.3: 310a, C 76; CoinArchives. Voir aussi ma fiche.

IMG_8950-8953La seconde pièce, une petite dénomination de bronze (AE22) grecque impériale, est en moins bonne condition (quoique encore assez belle) mais est beaucoup plus intéressante (G [Good], Ae [bronze], 22 mm, 10.821 g, payé environ $7; die-axis: ↑↖︎). L’avers représente un buste de l’empereur lauré, cuirassé et drapé d’un paludamentum, une étoile dans le champs droit, avec l’inscription grecque (illisible) AVTOK K M ANT ΓOPΔIANOC CEB (Autokratos Kaisar Marcos Antoninos Gardianos Cebastos = Imperator Caesar Marcus Antoninus Gordianus Augustus). Le revers représente un buste, à droite, du roi d’Edessa (Osroène, Mésopotamie), Abgar X Phraates, barbu, portant une tiare diadèmée, un collier et une robe, une étoile dans le champs gauche, avec l’inscription grecque ABΓAPOC BACIΛEYC (Abgaros Basileus = roi Abgar). 

Le royaume d’Edessa était un petit état d’origine nabatéenne qui avait réussi à acquérir son indépendance des Parthes puis des Sassanides. Caracalla en fit une province romaine en 216, mais il était apparemment redevenu un état satellite de Rome du temps de Gordianus III, qui en fit son allié dans sa campagne contre Sapor Ier. Cette pièce conjointe frappée à Edessa commémore cette alliance et daterait de 242-244 (du début de la campagne contre les Sassanides jusqu’à la mort de Gordianus III).

Sources: Wikipedia (Gordianus III [FR/EN], Abgar d’Édesse, Edessa [FR/EN], Osroène [FR/EN]), Iranica online; BMCG (XXVII) #144-158; acsearch, acsearch, coincommunity, vcoins, vcoins, coinarchives, wildwinds (text, image). Voir aussi ma fiche.

Bibliographie:

Hill, G.F. Catalogue of the Greek Coins in the British Museum Vol. 27: Arabia Mesopotamia, and Persia. London: BM, 1922. pp. 114-116.

On poursuit la semaine prochaine avec une pièce de Marcus Julius Philippus dit “Philippus Arabus.”

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Pictorial chronicles [002.021.095]

Le printemps dans le parc

Hier j’ai fait une promenade dans le Parc Frédéric-Back: j’y ai vu deux couples de bernaches et un couple d’urubu en plus des traditionnels merles, étourneaux, hirondelles, corneilles et goélands. La veille j’avais vu des bernaches et des pluviers kildir. La semaine d’avant j’avais vu un couple de canards. On a également aperçu notre première fleur de l’année, un tussilage. Les arbres ont des bourgeons, nos iris et jonquilles — même les tournesols — sortent de terre. C’est vraiment le printemps!

[ iPhone 11 Pro, VSP, 2021/03/27 & 2021/04/03-04]

Aujourd’hui, comme le beau temps persistait, je suis retourné prendre ma marche quotidienne dans le parc, cette fois avec ma caméra qui a un zoom (Nikon D3300 + Tamron Tele-Macro 70-300mm). J’espérais revoir les bernaches et les urubus. Quelle chance jai eut! Quelle joie ce fut !

J’ai vu encore plus de fleurs — et même quelques insectes (mouches, abeilles). Plus de tussilages (Tussilago Farfara ou Coltsfoot) avaient éclot et il y avait de superbe crocus sur le terrain d’un de mes voisins. J’ai aussi constaté que des ouvriers avaient travaillé aujourd’hui pour installer la fontaine près du Cirque du soleil… Maintenant, s’ils pouvaient enlever ces damnés clôtures et ouvrir les nouvelles sections, J’en serais encore plus heureux…

[ Nikon D3300, VSP, 2021/04/05]

J’ai bien sûr revu les bernaches (Branta canadensis / Canada goose) qui, à ce temps-ci de l’année, aiment bien venir s’installer sur les pelouses du parc…

[ Nikon D3300, Parc Frédéric-Back, 2021/04/05]

Les urubus à tête rouge (Cathartes aura / Turkey vulture) étaient à l’appel aussi, planant et tournoyant dans le vent à la recherche de quelques proies ou par simple plaisir.

[ Nikon D3300, Parc Frédéric-Back, 2021/04/05 ]

J’y ai aussi aperçu quelques autres oiseaux: d’abord un simple moineau domestique (Passer domesticus / House Sparrow) et, plus rare, une superbe Crécerelle d’Amérique (Falco sparverius / American Kestrel)…

Ce fut vraiment un superbe week-end. C’est agréable de voir la nature se réanimer. Cela présage bien pour le reste de la saison…

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Cogitationes me

IIII. Thought of the day (for myself)

Today we are celebrating the greatest mystery of our time: the fact that a symbol of fertility (and constant renewal) can give birth to a symbol of sweet decadence — a rabbit laying chocolate eggs ! One can wonder what it has to do with the son of god being crossed and coming back to announced the zombie apocalypse. Go figure…

[002.021.094]

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Monnaies anciennes 32

Les Sévères (4)

Severus Alexander (222-235 EC)

Gessius Bassianus Alexianus est né à Arca (Phénicie syrienne) en 208. Son père est Gessius Marcianus et sa mère est Julia Mamæa (fille de Julia Mæsa et nièce de Julia Domna). Petit-neveu de Septimius Severus, il est fait césar par son cousin Elagabalus en 221 et lui succède lorsqu’il est assassiné en mars 222. Il prends alors le nom de Marcus Aurelius Severus Alexander et n’a que quatorze ans. Sous l’auspice de sa grand-mère il reçoit une excellente éducation mais n’est guère doué pour les affaires militaires (ce qui fait qu’il n’est pas très aimé de l’armée). Son règne, qui dura treize ans, est relativement paisible et prospère. Il est considéré comme un empereur simple, sage, juste et pieux. Il réforme la morale, redonne du pouvoir au sénat, fait des réformes économiques favorisant les pauvres et bâtit de nombreux monuments. Même si il est pacifique, il doit néanmoins défendre les frontières d’abord contre les Perses sassanides (qui ont renversés et assimilés l’empire Parthe) sur le front orientale en 231, puis contre les Alamans et les Sarmates en Germanie en 234. Les troupes, devenues insubordonnées, lui reprochaient d’être faible et de favoriser une paix négociée plutôt que le combat. Le 19 mars 235 la Legio XXII Primigenia se mutine à Moguntiacum et assassine Alexander, ainsi que sa mère, et acclame l’un des leur comme empereur, Gaius Julius Verus Maximinus dit “Le Thrace”. Ainsi prends fin la dynastie des Sévères, précipitant l’Empire Romain dans une période d’anarchie militaire qui durera cinquante ans!

IMG_8944-8947Je n’ai qu’une seule pièce de Severus Alexander. Il s’agit d’une très belle pièce grecque impériale (F [Fine]/VG [Very Good], petite dénomination [ae26] de bronze [ae], 25 x 26 mm, 9.400 g, payé environ $6 le 1985/06/16, caractérisée par des égratignures sur l’avers [sur le buste] et par une étrange patine d’un vert foncé brillant, comme si la pièce était recouverte d’un glacis; die-axis: ↑↑) qui nous offre sur l’avers un buste de l’empereur lauré, cuirassé et drapé à droite avec l’inscription grecque AVT K M AVR CEV – AΛEXANΔΡOC (Autokrator Kaisar Marcos Aurelios Severos Alexandros = Imperator Caesar Marcus Aurelius Severus Alexander). 

Le revers illustre une Homonoia (Ὁμόνοια — divinité grecque allégorique personnifiant la concorde, l’unanimité et l’unité d’esprit, parfois simplement appelée “Concordia”, son équivalent latin, par les sources) debout à gauche avec un modius sur la tête, et tenant une corne d’abondance (cornucopia) dans la main gauche et une patère dans la main droite. La représentation de la Concorde fait sans aucun doute allusion à la politique pacifiste de Severus Alexander. On retrouve également sur le revers l’inscription grecque YΠ ΦIΡ ΦIΛOΠAΠΠO – Y MAΡKIANOΠOΛITΩN (VP Fir. Philopappus Marcianopolis — il faut noter la particularité que le double “P” de Philopappoy (ΠΠ) et les deux derniers caractères de Markianopoliton (ΩN) sont attachés pour ne former qu’une seule lettre).

Cette inscription nous indique que la pièce a été frappée à Marcianopolis (une ville de Mésie inférieure, un peu à l’ouest d’Odessus (Varna), qui a été fondé par Trajan en 106 et qu’il a nommé en honneur de sa soeur Marciana). Cette cité a frappé sa propre monnaie (tant grecque impériale que quasi-autonome) entre le règne de Commode et de Philippe II (180-249) et à partir de Septimius Severus (193) les pièces comportaient le nom du légat romain (gouverneur de la province) précédé de l’abréviation VP (VΠ. pour υπατευοντος / ypatevontos / lit. “subalterne” mais ici signifiant plutôt legatus consularis ou “gouverneur consulaire“). Dans ce cas-ci il s’agit de Fir[mius?] Philopappus, dont on ne connait pas grand chose sinon qu’il a été gouverneur de Mésie inférieure vers 225-226. La pièce a donc été frappée durant cette période.

L’étrange patine de la pièce m’a suscité un léger doute sur son authenticité mais, après réflexion, je crois qu’il est peu probable que des faussaires se donnent autant de peine pour reproduire de petites dénominations qu’ils ne revendraient par la suite que quelques dollars. La pièce est donc fort probablement authentique.

Sources: AMNG 1043, BMCG 3: 68/74; GICV 3266/3269 (avec diff. gouv.); Wikipedia (Severus Alexander [FR/EN], Concordia [FR/EN] , Divinités grecques [FR/EN], Homonoia, modius, cornucopia [FR/EN], patère [FR/EN], Mésie [FR/EN], Marcianopolis [FR/EN], Governors of Lower Moesia); FAC (Severus Alexander, Severus Alexander, Greek Imperials, AMNG, Homonoia, Concordia, cornucopiae, patera, VP), ERIC (Severus Alexander), Digital Historia Numorum (Markianopolis); WildWinds (Text, image), Wildwinds (text, image), Biddr. Voir aussi ma fiche (mise à jour).

Bibliographie: 

Je suis très content car j’ai aujourd’hui découvert beaucoup plus d’information sur cette pièce que j’en avais trouvé initialement lors de son acquisition. Ce n’est jamais facile d’identifier une pièce avec des inscriptions grecques, surtout quand une partie des sources d’information est en allemand (ou même en Bulgare!) mais l’internet se révèle très utile pour ce genre de situation. En effet, il y a vraiment infiniment plus d’information de disponible en ligne maintenant que j’en avais dans les années ’80 avec la bibliothèque de l’université… 

La semaine prochaine nous poursuivons notre histoire des empereurs romain au travers de leurs monnaies en abordant la crise du IIIe siècle provoquée par l’anarchie militaire. La première période de la crise est celle des “usurpateurs” et, comme je n’ai pas de pièces de Maximinus Thrax ni des deux premiers Gordianus, je saute directement à Gordianus III !

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Monnaies anciennes 31

Les Sévères (3)

Elagabalus (218-222 EC)

Après une brève interruption (le règne de Macrinus et de son fils Diadumenianus), la dynastie des Sévères se poursuit avec Varius Avitus Bassianus. Ce dernier est né à Émèse (Syrie) en 203. Dès l’âge de treize ans il est grand-prêtre du culte du dieu solaire Élagabal (d’où le surnom, parfois orthographié Heliogabalus, qu’on lui donnera surtout de façon posthume). Sa grand-mère Julia Maesa (qui était la soeur de Julia Domna et donc la belle-soeur de Septimius Severus et la tante de Caracalla) obtient le soutien de la légion romaine postée en Syrie (la Legio III Gallica) pour mettre au pouvoir Varius, qui est l’enfant de sa fille Julia Soæmias. Macrinus est assassiné et le jeune Varius, à peine âgé de quatorze ans, devient empereur en juin 218. Comme il ressemble physiquement à Caracalla et que l’on veut poursuivre l’association fictive avec la dynastie des Antonins, il prends alors le nom de Marcus Aurelius Antoninus.

Elagabalus est un empereur faible qui laisse l’administration de l’Empire à sa mère et à sa grand-mère pour se consacrer à la débauche (de fastes banquets et des orgies homosexuelles) et surtout à sa fascination pour le culte solaire. Il fait construire un temple où toutes les divinités romaines, orientales et même chrétiennes peuvent être vénérées sous la bienveillance d’Élagabalus. Il fait même venir d’Émèse (Homs) la pierre sacrée du dieu solaire (une bétyle, ou pierre météorique, qui ont souvent été vénérées comme c’est le cas de la pierre noire de la Kaaba à La Mecque). Tout comme Akhénaton l’avait fait en Égypte avant lui avec le culte de Aton (ou Aurelianus le fera plus tard avec Sol Invictus), il tente sans succès d’imposer une forme de monothéisme solaire. Pressentant que l’excentricité et la débauche de son petit-fils causeraient sa perte, Julia Maesa le convainc d’adopter et de prendre comme césar son cousin Alexianus Bassianus (enfant de son autre fille, Julia Mamæa). Lorsqu’en mars 222 Elagabalus perds le soutien de l’armée et est tué par le peuple en colère, Alexianus lui succède sous le nom de Severus Alexander. 

IMG_8936-8940Ma seule pièce d’Elagabalus est une petite dénomination de bronze (AE 18) dans un assez bel état (G [Good], Ae [bronze], 18 mm, 2.446 g, payé environ $7, caractérisée par sa couleur noire; die-axis: ↑↓) dont l’avers nous offre une tête laurée de l’empereur, à droite, avec l’inscription grecque AVT KAI MA ANT𝜴NEINOC (Autokrator Kaisar Marcos Aurelios Antoneinos = Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus). Le revers ne représente qu’un grand S – C (Senatus Consulto, “par décret du sénat”), surmonté des lettres grecques “Δ Є” et avec un petit aigle en dessous, le tout dans une couronne de laurier agrémentée en haut d’une étoile.

Il s’agit d’une pièce provinciale (aussi appelé grecque impériale) frappé à Antioche. Rien ne nous permet malheureusement de dater la pièce avec précision et l’on doit se contenter des dates de règne de l’empereur comme datation: 218-222. La signification du “Delta-Epsilon” qui apparait fréquemment sur les pièces de Elagabalus et de son cousin Severus Alexander est incertaine. Est-ce une datation ou une marque d’officine? Les deux hypothèses les plus retenues par les spécialistes est qu’il s’agit d’une abréviation soit pour Δ[𝚮𝚳𝚨𝚸𝚾𝚰𝚱𝚮𝚺] Є[𝚵𝚶𝚼𝚺𝚰𝚨𝚺] (l’équivalent grec de Tribuniciae Potestatis), ou soit Δ Є[𝚷𝚨𝚸𝚾𝚬𝚰𝛀𝚴] (une “des quatre éparchies” [circonscription ou diocèse] de Syrie).

Sources: (Elagabalus [FR/EN], sénatus-consulte); BMCG 20: 434 (p. 203 + pl. XXIV 9); FAC (Elagabalus, S CGreek Imperials), ERIC (Elagabalus); WildWinds (text, image), WildWinds (text, image), Numista, CoinProject, CoinArchives, acsearch, Provincial Romans. Voir aussi ma fiche.

Bibliography: 

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Pictorial chronicles [002.021.078]

Hopefull spring

Snow, mud and ice
Disappearing at last
As the sun warm us all

On this last day of winter, I took a walk into the park. It was a little colder than the previous day, as if the winter wanted to remind us that it was still there… However, the hopeful signs of the coming spring could be seen everywhere: in the tiny shoots of daffodils (which will flower at last this year, I expect) or in the birds that were starting to populate the bare branches of the trees and fill the air with their songs. Today, I have seen a female cardinal (Cardinalis cardinalis), a downy woodpecker (Dryobates pubescens) and two crows (Corvus brachyrhynchos). 

At the same time, the coming of spring brings hope of more  than sunnier and warmer days. The coronavirus pandemic has reached its first anniversary and it has now been a year also since we started confinement and mitigation measures. People are exhausted and fed up with the distanciation and the mask wearing. Unfortunately, the threat of more potent virus variants forces us to persist in our efforts. But warmer temperature will allow for more outdoor activities which will in its turn alleviate our mental stress and the increasing vaccination pace will soon help everyone to better defend against the virus and create enough immunity to starve its spread and mutation.

I have never seen a spring burdened with so much hope…

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Monnaies anciennes 30

Les Sévères (2)

Caracalla (211-217 EC)

La dynastie des Sévères se poursuit avec Lucius Septimius Bassianus. Il est né le 4 avril 188 à Lugdunum (Lyon) alors que son père était gouverneur de la Gaule lyonnaise. Il est toutefois d’origine berbère-punique par son père (l’empereur Septimius Severus) et syrienne par sa mère, Julia Domna. Dès l’âge de huit ans il est fait césar par son père et prends alors le nom de Marcus Aurelius Antoninus (car son père voulait légitimer son pouvoir en s’associant à la dynastie Antonine) — mais on le surnomme “Caracalla” car enfant il aimait porter ce vêtement gaulois à capuchon et manches longues. L’année suivante, il est nommé pontife, puis, en 198, Augustus. En 202, il épouse Fulvia Plautilla (fille de Gaius Fulvius Plautianus, un ami de Severus et préfet du prétoire). À la mort de son père en 211, pour respecter ses volontés, Caracalla accède au pouvoir conjointement avec son jeune frère Publius Septimius Geta. Toutefois, dès l’année suivante, pour sécuriser sa position, il fait assassiner ce dernier ainsi que tous opposants ou possibles compétiteurs (incluant sa propre épouse!). Cela annonce déjà comment son bref règne sera sanglant (même ses portraits officiels lui donne un air de brute cruelle). 

Ayant fait campagne auprès de son père (entre autres en Bretagne contre les Calédoniens), il se voit comme un grand général et s’identifie à Alexandre le Grand. Sans raison évidente (sinon l’arrogance des Alexandrins), il commet une série de massacres à Alexandrie en 215-216 qui déciment l’intelligentsia grecque de la ville. Comme son père, il passe la majorité de son règne en coûteuses campagnes militaires, principalement contre les Alamans (213) et les Parthes (216), utilisant des techniques qui tiennent plus de la fourberie et du massacre que de la tactique militaire. On se souvient de lui surtout pour ses énormes et luxueux thermes (bains publics inaugurés en 216) et pour l’Édit de Caracalla (Constitutio antoniniana) qui accorde en 212 la citoyenneté romaine (héréditaire) à tout homme libre de l’Empire. Cela a pour but d’uniformiser l’Empire et d’en accroître le revenu des impôts mais aura aussi pour effet de diminuer le recrutement de l’armée (jusqu’alors le service militaire était la seule façon d’obtenir la citoyenneté pour les provinciaux) et d’accroître la persécution des Chrétiens (tout citoyen se devant de faire des sacrifices aux dieux romains, les Chrétiens s’y refusent car ils sont monothéistes). Il a aussi introduit une nouvelle monnaie d’argent en 215, l’antoninianus, qui valait deux denarius. Considéré comme un tyrant impopulaire, Caracalla est assassiné le 8 avril 217 par Iulius Martialis, un officier de la garde Prétorienne, alors qu’il est au front Parthe. Le préfet du prétoire Macrinus (originaire de Maurétanie Césarienne) lui succède avec son fils Diadumenianus. Ils ne règneront toutefois que deux ans, puisque la syrienne Julia Maesa (soeur de Julia Domna, donc belle-soeur de Septimius Severus et tante de Caracalla) incite l’armée (la Legio III Gallica) encampée en Syrie à se rebeller pour restaurer les Sévères au pouvoir. Ils acclament empereur son petit-fils, Varius Avitus Bassianus (surnommé Elagabalus).

IMG_8562-8563Je n’ai qu’une seule pièce de monnaie de Caracalla: un très bel As (VG [very good], Ae [bronze], 23 mm, 6.136 g, payé $20 le 1985/01/25, die-axis: ↑↑) qui nous offre sur l’avers un buste de l’empereur lauré, drapé et cuirassé, à droite, avec l’inscription ANTONINVS PIVS AVG[VSTVS] – PONT[IFEX] TR[IBVNICIA] P[OTESTATE] VI [SEXTA]. Le revers illustre une Dea Caelestis (Déesse céleste), tenant un tambour (tympanum — quoique sur certaines pièces elle tient un fulmen, éclair, et on ne distingue pas sur ma pièce lequel de ses attributs elle tient dans sa main) et un sceptre (ou une branche?), assis, à droite, de face, sur un lion galopant au-dessus d’eaux tumultueuses sortant d’un rocher, avec l’inscription INDVLGENTIA[E] – AVG-G[VSTORVM] puis IN CARTH[AGINA] en exergue et S[ENATVS] C[ONSVLTVM] dans le champs droit (sous le lion) — ce qui se traduit par “A l’indulgence des empereurs (Augusti) à Carthage, avec la permission du Sénat”. Comme Caracalla reçoit la puissance tribunicienne pour la sixième fois en 203, on peut donc en déduire que la pièce a été frappé cette année là, alors qu’il était encore co-empereur avec son père.

On peut, bien sûr, s’interroger sur la signification symbolique du revers. Le lion est souvent utilisé pour représenter l’Afrique. De plus, l’épithète de “céleste” était attribué à de nombreuses divinités (Isis, Venus, Artemis ou Juno) mais, dans le cas de cette dernière, il s’agirait d’une forme romanisée de la déesse Carthaginoise Tanit. Par contre, certains identifient plutôt la divinité représenté à la déesse-mère Cybèle (dont les attributs étaient le tympanum et le lion), d’origine phrygienne mais qui était très populaire aussi dans le nord de l’Afrique (Cyrénaïque) et qui était elle aussi associée à Tanit. On peut donc en conclure que cette représentation vise donc probablement à rappeler les origines africaines de l’empereur.

Toutefois, l’inscription du revers (qui apparait aussi sur des pièces de Septimius Severus) semble faire référence à un événement précis, une indulgence accordée à Carthage par les empereurs (le double “G” de AVGG dénote un pluriel). En effet, Indulgentia était utilisé sur les pièces de monnaie romaines pour désigner soit une permission donnée, un privilège accordé ou un hommage remis. Severus (probablement en 202), pour honorer ses origines, aurait accordé certains bénéfices (dont la ius Italicum) aux villes de Carthage et de Utica, donnant à leur habitants les même droits juridiques romains (incluant la citoyenneté) que si ils étaient en sol italien — devançant ainsi pour ces cités les droits que Caracalla accordera à tout l’Empire dix ans plus tard.

Sources: Wikipedia (Caracalla [FR/EN]); RIC IV-1: 415c; WildWinds, Numista, CoinArchives, Numismatics, vcoins, FAC (INDVLGENTIA AVGG IN CARTH, Caracalla, Indulgentia,  AVGG, Indulgentia Augg In Carth, Cybele, Tympanum, Ius Italicum), ERIC (Caracalla). Voir aussi ma fiche

Comme je l’ai maintes fois répété, ces pièces de monnaie ne sont pas seulement des objets anciens qu’il est excitant de tenir entre ses mains, mais elle sont aussi des occasions fascinantes d’en apprendre plus sur les mœurs, la culture, les politiques socio-économiques des romains. La semaine prochaine nous nous intéresserons au règne de Elagabalus! 

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